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rioient les châtimens fuivant les cas & les circonftances quelquefois un mot de mépris de la part du général etoit une punition fuffifante ; quelquefois on refufoit une part au butin, &c. En un mot, les châtimens ordinaires étoient des humiliations: la baftonnade, le pain d'orge, ou même la mort, étoient des peines plus rares, que les foldats, accoutumés à une difciple rigoureuse, ne méritoient

vent.

pas fou.

Quant aux récompenfes, les Grecs élevoient des ftatues à tous les héros qui s'étoient fignalés par quelque action d'éclat. Les Athéniens expofoient pendant trois jours à la vénération du public, les offemens de ceux qui étoient morts à la guerre. On les parfemoit de fleurs, & on faifoit brûler à leur honneur de l'encens & des parfums: on prononçoit des oraifons funebres qui excitoient la valeur des vivans par un éloge magnifique des morts, & leurs familles étoient nourries aux dépens de la république. Les Romains avoient auffi de grands motifs pour vaincre ou mourir tous les foldats partageoient également les dépouilles des vain. cus par le droit facré de la guerre. Souvent on les récompenfoit par des diftinctions, par des couronnes, comme l'ob

fidionale, la civique, la murale, la navale; & les généraux ne manquoient jamais de louer exceffivement devant toute l'armée ceux qui avoient bien fait. Pour ces généraux, ils triomphoient en barbares. On diftinguoit le grand & le petit triomphe. On immoloit, dans ces folennités, des victimes humaines, & même des rois, pour mettre le comble à la gloire du triomphateur.

S. III.

De la paffion des combats.

* Les lois de Crete & de Sparte n'avoient rapport qu'à la guerre, & fembloient fuppofer que la paix n'étoit point faite pour les hommes. Les gouvernemens

modernes femblent avoir confervé le même efprit. On diroit que les nations n'ont été placées fur la terre que pour se hair, fe tourmenter, fe détruire les unes les autres. Le repos eft pour la nobleffe un état violent, dont elle imagine mille prétextes. Pour fortir par un effet de cette manie toujours fubfiftante, les états & les fujets. font dans une mifere continuelle les nations les plus opulentes fe

* Systême focial.

dépeuplent¿

dépeuplent, fe ruinent en pure perte, & n'ont prefque jamais le tems de fe remettre des fecouffes fréquentes & douloureufes que leur donne le démon de la guerre, elles reffemblent à des malades que l'imprudence de leur régime replonge à tout moment dans des rechûtes, parce qu'une convalefcence trop courte n'a pu les rétablir. Ce n'est communément que la néceffité, c'est-à-dire l'impoffibilité de continuer la guerre, ce n'eft qu'un épuisement total des reffources qui détermine à la paix.. Cette paix, toujours inquiete & peu sûre, ne femble être elle-même destinée qu'à recueillir de nouvelles forces pour combattre de nouveau. Auffi-tôt qu'une nation commence à refpirer, à rétablir fon commerce, fe livrer à l'induftrie, à cultiver fes terres, la paffion des combats vient tout-à-coup détruire tous fes projets ; les campagnes font dépeuplées pour former des armées le commerce eft gêné, toute activité eft fufpendue, tout tombe dans la langueur; & l'attention du gouvernement forcé à défendre la gloire du prince & à protéger ses frontieres, ne peut fe porter avec la même ardeur fur aucun des objets néceffaires au bonheur intérieur. Tome II.

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Par une fuite des préjugés fauvages dont les peuples font imbus, une éducation martiale eft prefque la feule qu'on donne aux grands. On ne feme & on ne cultive en eux que rarement les vertus civiles & pacifiques; elles leur paroiffent ignobles, elles font dédaignées par une nobleffe impétueufe, à qui l'on perfuade que c'est uniquement dans le courage que confifte l'honneur. Ainfi les premiers d'un royaume s'accoutument à trouver de la gloire dans la violence, & ne voient point d'amufement plus digne d'un grand cœur que d'exterminer des hommes. D'après ces notions fatales, les peuples font entraînés dans des guerres perpétuelles par des tigres altérés de fang, qui ne connoiffent rien de plus beau que d'en répandre, & que le calme jetteroit dans l'inaction & dans l'ennui le plus infupportable.

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S. IV.

Dans quels cas la guerre eft-elle jufte? La guerre n'eft jufte que quand elle eft néceffaire la guerre eft néceffaire quand le bien-être d'une nation eft véritablement en danger. Une nation eft en danger quand des voifins injuftes veulent la pri

ver d'un gouvernement équitable, d'un prince néceffaire à fon bonheur, de la liberté, de la jouiffance de fes droits légitimes enfin la guerre eft jufte & néceffaire, lorfque, fans elle, on ne peut être affuré de la paix. Juftum eft bellum, difoit Tite-Live, quibus eft neceffarium, & pia arma, quibus nulla nifi in armis relinquitur Spes. Une guerre eft injufte, quand elle n'a pour objet que d'étendre la puiffance, de faire valoir des prétentions peu fondées, de contenter l'avidité, de repaître la vanité & l'amour-propre. La défense rigoureufe de jamais prendre les armes pour s'agrandir au-dehors, devroit être une loi fondamentale & irrévocable pour toute nation prudente & raisonnable. Un prince affez fage pour s'impofer une loi pareille, deviendroit bientôt l'ami & l'arbitre de tous les autres, & il épargneroit bien du fang & bien des victimes, tant dans fes Etats que dans toute l'Europe.

Quels motifs réels d'ailleurs, des nations peuvent-elles avoir d'être ennemies les unes des autres? Eft-il rien de plus contraire à l'équité, à l'humanité, à la raison, que d'entretenir entre les peuples ces haines héréditaires, abfurdes & déraifonnables, qui divifent les malheureux habitans de la terre? Chaque pays ne four

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