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AVERTISSEMENT

Ce livre n'est pas une œuvre de science ou de doctrine, il est avant tout une œuvre de vulgarisation. M. W. PONTY, gouverneur général de l'Afrique Occidentale française, et M. Georges FRANÇOIS, délégué du gouvernement général à Paris, en nous laissant toute liberté d'exposition et d'appréciation, nous ont demandé de présenter sous une forme accessible au grand public l'histoire de l'Afrique Occidentale française. Nous nous sommes donc efforcés, en groupant les faits si complexes de cette histoire éparse dans de nombreux recueils, de mettre en évidence ceux qui font le mieux connaître la beauté et l'utilité de l'œuvre et les efforts et l'héroïsme des ouvriers de l'expansion africaine nous avons le plus souvent puisé dans les récits et les rapports les épisodes de la conquête et de la pénétration. On voudra nous pardonner pour ce motif de n'avoir pas alourdi notre récit par des références nombreuses aux documents dont nous avons mis en œuvre une si grande quantité. Nous avons d'ailleurs une autre excuse, Notre conviction, encore renforcée par ce travail préparatoire, est que l'histoire complète de l'Afrique Occidentale française est à écrire et qu'elle fournira la matière de plusieurs volumes: celle du Soudan français, à elle seule, y pourrait suffire. Si notre livre a un mérite, c'est d'avoir pu condenser en un nombre de pages relativement restreint tant de faits et de documents. Que de fois nous avons dû nous résoudre avec regret à sacrifier des développements et des épisodes qui auraient singulièrement ajouté à l'intérêt de notre texte ! C'est dans cet ouvrage futur, disons-mieux, nécessaire, que devront prendre place une discussion approfondie des sources, des références détaillées et une bibliographie dont l'établissement sera une œuvre longue et méritoire. Ce travail s'impose, nons le répétons, et nous

serons heureux si nous avons pu apporter un premier dégrossissement à ceux qui l'entreprendront. La préface devrait en être, à notre avis, la réunion immédiate des souvenirs et des notes des témoins des événements de ces dernières années et des rapports et documents épars dans les diverses archives des colonies et des postes de l'Afrique Occidentale.

Nous devons aussi confesser loyalement que des imperfections, des erreurs et des omissions se révéleront sans doute à la lecture de ce livre. Nous avons consciencieusement étudié les documents et exposé les faits. Mais ils sont très récents et ont parfois donné lieu à des discussions trop vives pour que l'on ne puisse nous objecter des inexactitudes ou des appréciations prématurées. D'avance nous nous en excusons. Nous savons combien l'histoire coloniale contemporaine est difficile à écrire et nous serions même reconnaissants aux lecteurs de signaler à notre bonne foi les critiques que notre exposé ou nos appréciations leur suggéreraient.

Il nous reste la tâche agréable d'exprimer notre gratitude aux nombreuses personnalités qui ont bien voulu guider nos recherches ou compléter nos documents. Nous devons une mention spéciale à l'obligeance de MM. les généraux DODDS, ARCHINARD et de TRENTINIAN, BINGER, gouverneur général honoraire des colonies, les gouverneurs de LAMOTHE et BALLOT, les colonels MONTEIL, NOEL, GOURAUD, LAMOLLE, MANGIN et VENEL, l'administrateur MAURICE DELAFOSSE, dont on trouvera les noms en bonne place dans notre récit. Notre reconnaissance est acquise aussi à Mme COPPOLANI qui a bien voulu nous permettre de retracer l'œuvre de son mari, à M. le Général E. BORGNIS-DESBORDES qui nous a aimablement ouvert les notes de son frère le Général G. BORGNIS-DESBORDES, à M. Henri FROIDE VAUX, qui a mis à notre disposition sa solide érudition en histoire coloniale, à MM. Félix DUBOIS, CHEMIN-DUPONTES, etc. C'est encore à leur obligeance que devront avoir recours tous ceux qui voudront étudier dans les détails l'histoire dont nous avons voulu surtout dégager les grandes lignes et souligner les épisodes les plus glorieux pour notre pays.

A. T. et Ch. M.

INTRODUCTION

L'AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE

AVANT 1870

SOMMAIRE :

I. Les premiers voyages des Français à la Côte d'Afrique.

II.

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III.

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André Brüe et Pierre David.

La ques

La politique de Richelieu et de Colbert.

Les établissements de la côte.

Les Anglais au Sénégal.

L'effort de Lauzun. La décadence.

Les voyages d'exploration sous la Révolution et l'Empire: Houghton et Mungo Park.

IV.

La reprise du Sénégal: le colonel Schmaltz. Les explorations : Mollien, Raffenel, René Caillié. Fondation du poste de Sedhiou.

Traités avec les tribus de la côte occidentale.

V.

La politique et l'œuvre de Faidherbe. La pacification du Sénégal. El Hadj Omar et le siège de Médine. La mission Mage. La situation de la France en Afrique Occidentale en 1870.

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Séparés de la région méditerranéenne, où se concentra toute la vie politique et économique de l'antiquité, par la large zone désertique qui coupe l'Afrique de la Mauritanie à la mer Rouge, les pays qui constituent aujourd'hui l'Afrique Occidentale française demeurèrent longtemps à l'écart du monde civilisé. Longtemps le Sahara fut pour la pénétration au Soudan par voie de terre un obstacle difficile à vainere et s'il n'est pas impossible que, de la vallée du Nil au bassin du Niger, il se soit produit jadis certains mouvements de peuples, du moins les premières

tentatives pour atteindre ces régions dont on ait conservé le souvenir, furent-elles faites par mer.

N'ayant pas à retracer dans cette introduction l'histoire géographique de l'Afrique Occidentale, mais seulement celle de l'expansion française dans cette partie du continent noir, nous ne nous attarderons pas à discuter la question de savoir si le Carthaginois Hannon réussit à dépasser Sierra-Leone au vre siècle avant Jésus-Christ, pas plus que nous n'essayerons de déterminer jusqu'où parvint le grec marseillais Enthymèmes.

En tout cas, des colonies actuelles de la France, l'Afrique Occidentale est incontestablement celle dont certaines parties ont été le plus anciennement visitées et occupées par des marins et des négociants partis des ports de la mère-patrie. Sans doute, à remonter jusqu'en plein cœur du moyen âge, quelques pays asiatiques de la Méditerranée orientale, la Palestine et la Syrie, ont reçu de véritables colonies « franques » ; mais, pas plus que l'établissement fondé postérieurement, dans les toutes premières années du xv° siècle, aux iles Canaries par Jean de Béthencourt et Gadifer de la Salle, ces colonies n'ont bien longtemps subsisté. Il en a été tout autrement des comptoirs qui furent, dès le début du xvIIe siècle, créés par des Français sur la côte occidentale du continent noir lui-même (1).

I

Une tradition flatteuse pour l'amour-propre national et communément acceptée en France veut qu'à une époque bien antérieure, dès la seconde moitié du xive siècle, à l'époque de Charles V et de Charles VI (entre 1364 et 1410) des marins normands sortis des ports de Dieppe et de Rouen se soient avancés le long du littoral africain depuis le Cap-Vert jusque sur les côtes septentrionales du golfe de Guinée, et y aient, le long de la «< côte de Malaguette », fondé jusqu'en 1383 plusieurs «<loges »>

1. M. Henri Froidevaux, docteur és lettres, qui s'est fait connaître par d'importants travaux d'histoire coloniale, a bien voulu rédiger la partie de cette introduction qui s'arrête à 1815.

ou comptoirs auxquels ils donnèrent le nom de Petit-Dieppe, Petit-Paris, La Mine... Malheureusement, aucun document contemporain de ces voyages ne peut être invoqué par les partisans de leur authenticité. L'incendie des archives de Dieppe lors du bombardement de cette ville par les Anglais en 1694 a anéanti tous les textes susceptibles de confirmer les assertions de Villault de Bellefonds et de d'Elbée (1); les meilleurs portulans dressés à l'époque pour des Français ne portent aucune délinéation côtière au delà des caps Noun et Bojador; enfin, singulièrement sujette à discussion est la date des témoignages produits à l'appui de la priorité des voyages normands aux rivages de la Guinée et relatifs à l'ancienneté du comptoir de la Mine. << Souvenirs de nègres, inscription « année 13... » trouvée dans les ruines, nom de Batterie de France conservé par les Hollandais, toutes ces références, a écrit avec raison M. Ch. de La Roncière dans sa belle Histoire de la marine française (t. II, pp. 108109), semblent bien plutôt se rapporter au xvre siècle... il serait étonnant que la mémoire rudimentaire et enfantine des nègres ait conservé des traditions deux fois séculaires, que le millésime en chiffres arabes tout à fait étranger au style lapidaire du xive siècle fût employé par nos marins, et que les canons fussent dès lors en assez grand nombre pour former une batterie de côte ». Reporte-t-on au xvI° siècle la venue et l'établissement des Normands sur le littoral de la Guinée, toutes ces objections tombent, et les commencements de preuves attribués au XIVe siècle trouvent une éclatante confirmation dans les documents authentiques de l'époque même.

Nombreux en effet sont les témoignages qui viennent alors attester de manière irréfragable la présence des Français le long des rivages occidentaux de l'Afrique, aussi bien aux alentours du Cap-Vert qu'en Guinée. Ce sont, aux dates du 30 mai 1537 et

1. Les premiers, ces deux marins ont, à l'époque de Louis XIV (c'est-à-dire dans la seconde moitié du XVIe siècle, au moment où Colbert donnait une nouvelle et vigoureuse impulsion aux entreprises maritimes et coloniales de la France et avait intérêt à établir la priorité de nos découvertes à la côte occidentale d'Afrique), parlé de voyages que n'avait connus aucun auteur du xvie siècle.

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