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sion mixte de délimitation. Le capitaine français BrosselardFaidherbe et le commissaire portugais de Oliveira procédèrent à cette opération au début de 1888, mais ils furent en désaccord sur l'interprétation à donner au traité à partir du 18°46′ de longitude ouest jusqu'à la mer et la commission se sépara après avoir constaté ce désaccord dans un procès-verbal.

Avec l'Angleterre la délimitation fut plus longue et plus difficile. Dans une dépêche qu'il adressa à lord Dufferin, ambassadeur d'Angleterre à Paris, le 30 mars 1892 à propos du traité du 26 juin 1891, lord Salisbury a lui-même rappelé les incidents de cette délimitation. Il faut en détacher le passage sui

vant :

En 1870 des négociations furent ouvertes pour le règlement des positions respectives des deux pays en Afrique Occidentale sur la base d'un échange mutuel de territoires, le principe étant que l'influence et l'autorité de la France seraient limitées au nord d'une certaine ligne et que la Grande Bretagne aurait les mains libres au sud de cette même ligne. Les négociations furent suspendues par la guerre franco-allemande, mais furent rouvertes en 1876. Des propositions définitives furent faites à ce moment, par lesquelles la Gambie aurait été échangée contre tous les postes occupés par la France entre Rio-Pongo et le Gabon. C'eût été là un arrangement logique et raisonnable. Mais une si forte opposition à toute cession de territoire britannique se manifesta dans le Parlement et dans plusieurs corps commerciaux que le gouvernement d'alors ne put faire aboutir le projet.

L'amertume que traduisent ces dernières lignes se conçoit puisque lord Salisbury pouvait apprécier en 1892 la faute que l'Angleterre avait commise en 1876 en n'échangeant pas la Gambie contre nos possessions de la côte de Guinée et du Gabon. Les négociations abandonnées en 1876 reprirent en 1881 et aboutirent à une convention signée à Paris le 28 juin 1882 par lord Lyons et M. de Freycinet. Elle était ainsi conçue dans ses articles essentiels :

Convention franco-anglaise du 28 juin 1882

Art 1er. La ligne de démarcation entre les territoires occupés ou revendiqués respectivement par la Grande-Bretagne et la France, au nord de Sierra-Leone, sur la côte occidentale d'Afrique, sera tracée entre les bassins des rivières Scarcies et Mellacorée.

La position exacte de ladite ligne de démarcation sera déterminée par une

enquête faite sur les lieux par des commissaires à nommer à cet effet dans les conditions prévues par l'article 7 de la présente convention.

Cependant ladite ligne de démarcation sera tracée de façon à assurer à la Grande-Bretagne le contrôle complet des rivières Scarcies et à la France le contrôle complet de la rivière Mellacorée.

Art. 2. L'île de Yelboyah et toutes les fles revendiquées ou possédées par la Grande-Bretagne sur la côte occidentale d'Afrique et situées au sud de ladite ligne de démarcation jusqu'à la limite méridionale de la colonie britannique de Sierra Leone seront reconnues par la France comme appartenant à la Grande-Bretagne, et l'île de Matacong et toutes les îles revendiquées ou possédées par la France sur la côte occidentale d'Afrique, au nord de ladite ligne de démarcation jusqu'au Rio-Nunez, seront reconnues par la Grande-Bretagne comme appartenant à la France, à l'exception des îles de Los, lesquelles continueront d'appartenir à la Grande-Bretagne.

Les autres articles visaient l'engagement par l'une et l'autre puissance de ne pas exercer leur influence en dehors de la sphère attribuée à chacune d'elle et le droit pour les sujets de l'une et de l'autre d'acquérir des propriétés sur les deux territoires.

« Le but de la convention de 1882, quant à la délimitation, était limité, écrivait lord Salisbury dans sa dépêche de 1892. Il se bornait à tenter de régler les différends dans les bassins des rivières allant à la côte de Sierra-Leone par des concessions réciproques sur le terrain des revendications respectives. Le résultat assurait à l'Angleterre le contrôle complet des Scarcies et à la France celui de la rivière Mellacorée ». Mais la convention votée par le Sénat ne fut pas votée par la Chambre et n'a jamais été ratifiée le ministère des Affaires étrangères ne l'a pas fait paraître dans le Livre jaune publié en 1898 et qui est relatif aux «< arrangements, actes et conventions concernant le nord, l'ouest et le centre de l'Afrique » de 1881 à 1898. La Chambre avaint craint, en ratifiant l'attribution à l'Angleterre du bassin des Scarcies qui prennent leur source au Fouta, d'annuler le traité Bayol de 1881. « Les deux gouvernements, cependant, écrit lord Salisbury, l'acceptèrent, après l'avoir signé, comme un arrangement définitif et les stipulations en furent désormais observées des deux côtés. De la sorte, des conflits, qui autrement se seraient élevés, ont été sans doute écartés. >>

Mais les difficultés devinrent cependant de plus en plus grandes et d'autre part, l'activité débordante de la France, tant à la côte qu'au Fouta, nous avait assuré des positions que les Anglais ne pouvaient plus méconnaitre. Des négociations nouvelles furent donc ouvertes à la fin de 1888 et aboutirent à l'arrangement signé le 10 août 1889 à Paris par MM. Nisard et Bayol pour la France, Hegerton et Hemming pour l'Angleterre et ratifié le 12 octobre 1890. Cet arrangement qui réglait la délimitation des possessions des deux puissances sur toute la côte d'Afrique et dont on a déjà lu plus haut l'article premier relatif à la Gambie (1) stipulait en ces termes pour les Rivières du Sud :

Arrangement franco-anglais du 10 août 1889

Art. 2. Au nord de Sierra Leone, conformément aux indications du traité de 1882, la ligne de démarcation, après avoir séparé le bassin de la Mellacorée de celui de la Grande-Scarcie, passera entre le Bennah et le Tambakka, laissant le Talla à l'Angleterre, le Tamisso à la France, s'approchera du 10 degré de latitude Nord, en comprenant le pays des Houbbous dans la zone française et le Soulimaniah avec Falabah dans la zone anglaise. Le tracé s'arrêtera à l'intersection du 13° degré de longitude ouest de Paris (10040' de Greenwich), carte française, et du 10° degré de latitude.

Les annexes de la convention précisaient encore mieux la pensée qui avait guidé les négociateurs. En spécifiant que la ligne de démarcation ainsi prévue serait déterminée sur les lieux par une commission mixte, l'annexe no 1 disait : « Il est convenu que ces délégués, tenant compte des conclusions de la commission chargée de préparer l'entente dont il s'agit, rechercheront d'un commun accord, les moyens d'assurer à la France une voie de communication entre la Mellacorée et le Soudan français au sud du Fouta-Diallon, sans préjudice à la possession par l'Angleterre de la route entre Cambia et Falaba qui se confondra, en principe, avec l'itinéraire suivi par Blyden en 1872 vers ce dernier point. » L'annexe n° 2 renvoyait à l'article premier de la convention de 1882 qui traçait la ligne de démarcation « de façon à assurer à la France le contrôle complet de la

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rivière Mellacorée et à la Grande-Bretagne le contrôle complet des rivières Scarcies », et répétait que tel devait être le but de la ligne tracée entre le Bennah et le Tambakka. Il faut noter que cette convention laissait à l'Angleterre les provinces de Soulimania et de Falaba que Samory réclamait et que la France par conséquent pouvait revendiquer.

L'arrangement de 1889 ne résolvait pas toute la question. Il laissait le Haut-Niger ouvert aux tentatives anglaises au moment où la France s'engageait à fond dans la lutte contre Samory.

Cependant les Rivières du Sud avaient ainsi une première frontière. Le commerce français y était déjà devenu très actif. Mais ces établissements dépendaient encore du lieutenant-gouverneur du Sénégal chargé de toutes les possessions de la côte. L'administration et l'organisation se ressentaient de cette malencontreuse dépendance qui laissait sans instructions et sans liens les commandants des quatre cercles du Rio-Nunez, du RioPongo, de Dubréka et de la Mellacorée. Un décret du 1er août 1889, rendu sur la proposition de M. Etienne, sous-secrétaire d'Etat aux Colonies, libéra enfin la colonie nouvelle de ces entraves. Elle était détachée du Sénégal, rendue autonome et placée sous la direction d'un gouverneur chargé en même temps de la direction de nos établissements de la Côte-d'Ivoire et du Bénin, ainsi que du protectorat du Fouta-Diallon, avec résidence à Konakry.

Le 8 juillet 1890, le docteur Ballay, lieutenant-gouverneur du Congo, est envoyé en mission dans les Rivières du Sud. Les destinées de la colonie de la Guinée française commencent.

II

A la fin du second Empire, comme on l'a vu plus haut, nous possédions sur la partie du littoral du golfe de Guinée qui a pris depuis le nom de Côte-d'Ivoire, deux établissements, GrandBassam et Assinie, et le fort de Dabou construit par Faidherbe. Après la guerre, par mesure d'économie, ces postes furent évacués et le soin de défendre les intérêts français dans cette partie de l'Afrique fut confié au commandant de la division

navale de l'Atlantique. Toutefois on s'aperçut bientôt qu'il pouvait y avoir de sérieux inconvénients à afficher un tel désintéressement, qui pouvait être interprété par nos rivaux, malgré les conventions passées avec les chefs indigènes avant 1870, comme l'abandon de toute prétention de notre part. Au moment du départ des représentants, la garde du pavillon français avait été confiée à un négociant de la Rochelle, M. Verdier, qui possédait des comptoirs à Assinie et à Grand-Bassam : un arrêté du 22 novembre 1878 confia à M. Verdier les fonctions de résident de France, fonctions qui étaient surtout celles d'un agent d'informations et qu'il occupa, tout en continuant ses opérations commerciales, le plus souvent par l'intermédiaire de ses propres employés. Certains de ceux-ci se firent remarquer par leur activité et leur zèle, tel par exemple Treich Laplène qui explora l'Indénié et le Bettié et qui monta en 1838 jusqu'à Kong à la rencontre du capitaine Binger.

Mais en réalité jusqu'au moment où le voyageur dont nous venons d'écrire le nom accomplit sa grande exploration de la boucle du Niger, l'opinion en France s'était désintéressée de la Côte-d'Ivoire.

Il n'en fut plus de même lorsqu'on connut par la relation du voyage de Binger l'existence, dans l'hinterland de la « Côte des Dents» et notamment dans le bassin du Comoë, de pays à populations denses, industrieuses et relativement civilisées comme celui de Kong; on eut alors le sentiment de la nécessité qu'il y avait à relier administrativement les régions du Soudan et le littoral, que l'explorateur avait reliés par son itinéraire. Mais si l'on voulait que nos établissements de la côte fissent l'effort nécessaire pour s'étendre vers le nord, il fallait leur en fournir les moyens. Or, dépendances du Gabon jusqu'au décret du 12 octobre 1882 et depuis cette date dépendances du Sénégal dont ils étaient séparés par de grandes distances et avec lequel ils n'avaient pas d'intérêt commun, ils ne disposaient d'aucune ressources, c'étaient des embryons de colonies, ce n'étaient pas des colonies. A ce point de vue la Côte de l'Or, comme on l'appelait alors, n'était pas mieux partagée que les Rivières du Sud. Le décret du 1er août 1889, que nous avons déjà

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