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partie de l'Afrique. Saisi de divers côtés en même temps, le ministère s'exécuta. Sur des instructions venues de Paris, le gouverneur de la colonie, le capitaine de vaisseau Protet, à la disposition de qui avaient été placées des forces suffisantes, prit la tête d'une colonne qui se mit en route en 1854 et qui réussit en peu de temps à établir un fort à Podor et à pacifier le Dimar. C'était le début de cette rénovation du Sénégal qui devait faire la gloire de Faidherbe et lui donner une place prépondérante parmi les créateurs de la grandeur française.

Sous la Restauration et la Monarchie de juillet les voyages d'exploration furent nombreux, mais aucun d'entre eux n'entraina de conséquences politiques immédiates; nos établissements du Sénégal restaient de simples comptoirs et nul ne songeait à en faire une colonie vaste et puissante. En 1818 un commis de marine, nommé Mollien, fils de l'ancien ministre du Trésor de Napoléon, se mit en route avec l'intention de découvrir les sources du Sénégal, de la Gambie et du Niger, puis de descendre ce fleuve jusqu'à son embouchure. Mais c'était un projet trop vaste et irréalisable à l'époque où il fut conçu, et Mollien dut s'en tenir à la première partie de son programme. Parti de Saint-Louis le 28 janvier 1818, il traversa d'abord le Ferlo, quitta le Sénégal à peu de distance de Matam et par le Bondou gagna enfin Timbo d'où il redescendit après mille dangers sur l'établissement portugais de Geba. Il rentrait à Saint-Louis le 29 janvier 1819 après une année d'absence.

En 1824 et 1825 l'enseigne de vaisseau de Beaufort visita le Bambouk, le Oulli, les environs de Bakel où il mourut. Enfin en 1843, sur l'initiative du capitaine de corvette Bouët-Willaumez, alors gouverneur du Sénégal, une mission fut organisée pour explorer les mines du Bambouk et établir la carte de la Falémé (mission Raffenel).

Si intéressantes que fussent ces explorations, aucune ne produisit et ne méritait de produire une impression comparable à celle laissée par le grand voyage de René Caillié, effectué en 1827-1828. Après plusieurs séjours au Sénégal et à la Guadeloupe, Caillié avait conçu le projet de traverser l'Afrique du golfe de Guinée à la Méditerranée. Ne trouvant au Sénégal

personne pour l'aider dans son entreprise, il se rendit à Sierra Leone dans l'espoir d'intéresser les Anglais à son voyage. Mais il ne fut pas plus heureux et décida alors de se mettre en route par ses propres moyens. Se faisant passer pour musulman et, voyageant seul, faute de ressources, il quitta le Rio-Nunez le 19 avril 1827 et, se joignant aux caravanes qu'il rencontrait, traversa le Fouta-Diallon, passa par Kouroussa, Kankan, Odienné, Tengréla, pour atteindre Djenné le 11 mars 1828; le 23 du même mois il s'embarquait dans une pirogue et par le Mayel Balevel, puis le Niger, arrivait à Kabara le 17 avril. Le lendemain il entrait à Tombouctou. C'était, depuis Laing, la première fois qu'un Européen réussissait à pénétrer dans cette ville. Il traversa ensuite le Sahara par Araouan et le 7 septembre 1828, après une véritable odyssée dont le récit trouva d'abord des incrédules, il se présentait au consul de France à Tanger. Caillié n'avait pas eu les moyens de lever un itinéraire ni de faire aucune observation. scientifique, mais il rapportait néanmoins de nombreux renseiments et son voyage marque une date des plus importantes dans l'histoire de l'exploration africaine.

Toutefois, comme nous l'avons fait observer plus haut, le gouvernement n'avait pas cherché à utiliser les efforts de nos voyageurs dans un but politique, pas plus que l'Angleterre n'avait songé à se prévaloir des voyages de Mungo-Park et des frères Lander pour établir son protectorat sur les régions qu'ils avaient traversées. L'ère des compétitions pour la possession des terres africaines n'était pas encore ouverte et l'on ne songeait alors qu'à s'assurer, à l'embouchure des fleuves ou en quelques points convenablement choisis, des stations commerciales. C'est dans ces conditions que quelques tentatives furent faites en vue d'ouvrir de nouveaux comptoirs sur la côte occidentale. En 1837 notre expansion en Casamance débutait par la fondation du poste de Sedhiou, suivie en 1839 de la passation de divers traités avec un certain nombre de chefs de la région. Plus au sud, dans les territoires qui constituent actuellement la Guinée française, le commandant de l'Alouette, de Kerhallet, et, quelques mois plus tard, Fleuriot de Langle, établissaient notre influence dans le Rio-Nunez (janvier-décembre 1812) par une

série de traités que Baudin renouvela en 1845, que Ducrest de Villeneuve compléta en 1848.

A la Côte de l'Or, presqu'au même moment, nous acquérions des droits analogues et la cession d'un terrain, consentie à Bouët-Willaumez en 1838 par les chefs du pays de Garroway, était suivie de la cession de Grand-Bassam (convention Bouët-Willaumez du 9 février 1842), et d'Assinie (convention du 4 juillet 1843) (1). En 1844, 1845 enfin, des traités conclus avec les chefs de Saint-André (Sassandra), de Rio-Fresco, de Lahou, de Jack-Jack, etc., jetèrent les bases de notre future colonie de la Côte-d'Ivoire. Les navires de la station navale de la côte d'Afrique portèrent même notre pavillon jusqu'aux bouches du Niger où des traités furent conclus le 4 octobre 1841 à Bonny et le 27 août 1842 à Vieux Calabar.

V

Faidherbe a occupé à deux reprises les fonctions de gouverneur du Sénégal, du 16 décembre 1834 au 4 décembre 1861 d'abord, puis du 14 juillet 1863 au 12 juillet 1865; durant l'intervalle compris du 4 décembre 1861 au 14 juillet 1863, il avait été remplacé par le capitaine de vaisseau Jauréguiberry, qui ne fit que continuer la politique inaugurée par celui que l'on considérait toujours comme le vrai gouverneur de la

colonie.

En neuf ans, l'homme de génie qu'était Faidherbe, réussit non seulement à transformer complètement le Sénégal, à faire du fantôme de colonie que nous possédions en Afrique Occidentale, une colonie vivante et riche, disposant de ressources considérables, mais encore à établir les bases sur lesquelles la France devait en trente années fonder l'immense empire qu'elle possède aujourd'hui dans cette partie du continent noir. Merveilleux organisateur, sachant admirablement utiliser les

1. Voir le modèle de ces conventions et de la plupart des traités de cette époque dans Un siècle d'expansion coloniale, par Marcel Dubois et A. Terrier.

moyens que les circonstances plaçaient à sa portée, connaissant à fond le caractère des noirs, il n'est pas de domaine où peut se déployer l'activité d'un homme d'Etat qu'il n'ait exploré. Qu'il s'agisse de pacifier la colonie, de développer sa capacité de pro

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duction ou de créer l'enseignement indigène, il sait toujours trouver la formule décisive, la solution heureuse. Si l'on envisage son œuvre sous le rapport de l'expansion française, on y distingue quatre parties: 1° action contre les Maures et sur les rives du Sénégal; 2o lutte contre El Hadj Omar; 3° pacification du Cayor et des régions côtières; 4° action sur le Haut-Sénégal et tentatives vers le Niger.

Ce que nous avons dit plus haut touchant les conditions déplorables dans lesquelles étaient contraints de travailler les commerçants de Saint-Louis jusqu'à l'expédition du commandant Protet, permet de mesurer l'étendue des services que Faidherbe rendit au Sénégal en parachevant l'œuvre de libération commencée par son prédécesseur.

« Nous devons dicter nos volontés aux chefs maures pour le commerce de la gomme, disaient les instructions que Faidherbe reçut du Ministre au moment de s'embarquer pour rejoindre son poste. Il faut supprimer les escales..., employer la force si l'on ne peut rien obtenir par la persuasion. Il faut supprimer tout tribut payé par nous aux Etats du fleuve, sauf à donner quand il nous plaira quelques preuves de notre munificence aux chefs dont nous serons contents. Nous devons être les suzerains du fleuve. Il faut émanciper complètement le Oualo en l'arrachant aux Trarzas et protéger les populations agricoles de la rive gauche contre les Maures ». Ces derniers, mettant en effet à profit l'indifférence que nous avions si longtemps montrée pour tout ce qui se passait hors de Saint-Louis et de Gorée, s'étaient habitués à faire des razzias sur la rive gauche et avaient fini par traiter les pays de ce côté du fleuve en pays conquis.

Faidherbe commence par les affaires du Oualo; le pays est soumis en février 1855, puis, après un essai pour lui laisser une certaine autonomie, il est déclaré pays français et divisé en cinq cercles sous des chefs nommés par nous. Le gouverneur se tourne ensuite vers les Maures. Il offre la paix aux Trarzas à condition que les coutumes seront abolies, mais leur roi Mohammed el Habib rend par sa violence et ses prétentions toute entente impossible. Dès lors Faidherbe fera à ces pillards une guerre incessante. Harcelés en tout temps, même pendant l'hivernage, par les colonnes qu'il organise, ils demandent la paix au bout de trois années de lutte. Par le traité du 20 mai 1858, ils renoncent à toute prétention sur la rive gauche du Sénégal, reconnaissent tous les droits de la France, renoncent aux coutumes et acceptent notre protectorat. Le 10 juin un traité semblable est conclu à Podor avec les Braknas. Désormais le com

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