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Pour faciliter le développement du grand commerce et l'établissemen des Européens au Soudan, le lieutenant-gouverneur a décidé :

1o Que tout Européen au Soudan aurait droit à percevoir, à titre remboursable, la ration n° 1. L'ordre de distribuer sera donné par le commandant de cercle, sur la demande de l'intéressé, sans qu'il soit nécessaire de référer à l'autorité supérieure.

2o Que les chalands et voitures des convois pourraient être mis à la disposition des commerçants pour le transport de leurs marchandises, conformément aux tarifs qui ont été envoyés aux commandants de cercle, et dans la mesure que permettent les transports à effectuer pour les divers services de la colonie. Les demandes à cet effet devront être adressées par les intéressés au lieutenant-gouverneur qui statuera.

Les commandants de région et de cercle n'ont pas, hors le cas d'infraction aux lois, à s'immiscer dans les opérations commerciales des colons européens. Mais lorsque ces derniers feront appel à eux, il les aideront de leurs conseils et de leur influence. Aucun abus à l'égard des indigènes ne sera toléré; on n'oubliera, notamment que nul, hormis le commandant de cercle, n'a le droit de réquisitionner des porteurs.

Les commandants de région et de cercle feront au lieutenant-gouverneur toutes propositions qu'ils jugeront utiles pour le développement économique de la colonie.

Si rudimentaire que soit l'industrie indigène, ils s'efforceront de la stimuler en faisant confectionner sur place les objets les plus usuels et les plus simples nécessaires à l'administration (outils de jardinage, par exemple). Ils établiront des bacs et des ponts sur les rivières et entretiendront en bon état les routes, de manière à faciliter les transactions commerciales.

Ils étudieront l'importance relative des cantons et des villages de leur cercle, de manière à répartir équitablement les charges de l'impôt.

Trimestriellement ils établissent et envoient au lieutenant-gouverneur un rapport commercial et agricole dans lequel ils font ressortir l'état des cultures, les prévisions des récoltes, les essais tentés, l'importance des transactions commerciales en articles européens ou indigènes de cercle à cercle ou d'un cercle vers l'extérieur de la colonie ou inversement, c'est-àdire l'importance du transit et des importations ou exportations réelles, les denrées indigènes qui trouveraient un écoulement facile dans le cercle et qu'on pourrait recevoir au titre d'impôt dans les cercles voisins. Dans ces rapports, sont seules employées les mesures françaises pour l'indication des quantités; les mesures indigènes, moule, charge, hérêt, sont proscrites. A la fin de chaque année, le commandant de cercle établit un tableau statistique général sur le même modèle que le Bulletin commercial, avec cette différence que dans chaque colonne on porte les totaux des douze mois écoulés.

Enfin, dans le but de renseigner le commerce sur la valeur des étoffes et des principaux produits du pays, dans les divers centres de la colonie, le gouverneur établit deux fois par an (le 1er novembre et le 1er juin) une mercuriale indiquant leur prix pendant la saison sèche et la saison d'hivernage. Les commandants de cercle lui font parvenir, le 15 octobre et le 15 mai au

plus tard (rendus à Kayes), les renseignements nécessaires à ce sujet. Ils doivent joindre des échantillons et marques de fabrique et donner toutes les indications utiles au sujet de leur importation ou de leur exportation.

D'autre part la construction du chemin de fer de Kayes au Niger a enfin reçu une impulsion vigoureuse et désormais régulière. Alors que la construction des 130 kilomètre de la section Kayes-Bafoulabé, engagée et continuée dans les conditions déplorables que nous avons dites, s'est faite au prix de revient. kilométrique de 118.500 francs, les études nouvelles des commandants du génie Marmier, Joffre et Rougier ont ramené ; le prix de revient à une estimation plus juste et le Parlement a fini par accorder en 1895 et 1896 des crédits plus importants qui permettent de continuer la réfection à un mètre de la voie établie à 60 centimètres et de reprendre l'avancement. Dès le mois d'avril 1896 le pont construit à Mahina sur les 400 mètres de largeur du Bafing, véritable œuvre d'art technique à l'éloge du commandant Rougier et du capitaine Calmel, est achevé, le 24 juin 1896, le colonel de Trentinian l'inaugure solennellement en célébrant la mise en marche des travaux vers le Niger et l'accès prochain du grand fleuve aux Français « qui aiment à voyager vite et ont rarement du goût pour les voyages en voiture Lefebvre ». Le commandant Rougier pousse activement la construction. Elle entre dans une voie nouvelle à la suite du voyage de M. André Lebon, ministre des Colonies. Pour mettre fin aux avatars du chemin de fer dont les lenteurs et les frais ont si longtemps déprécié le Soudan aux yeux du Parlement et de l'opinion, M. André Lebon fait signer, le 10 février 1898, une convention par laquelle l'Etat s'engage à participer aux dépenses de construction pour une somme annuelle de 500.000 francs pendant vingt-quatre ans, la colonie s'engageant à faire un versement égal; et ces sommes servent à gager des emprunts que la loi de finances du 13 avril 1898 autorise la colonie à faire à la Caisse des dépôts et consignations. Le chemin de fer qui a déjà été autorisé à emprunter 919.645 francs pour 1898, reçoit ainsi 3.200.000 francs pour la campagne de 1899 et 5.600.000 pour celle de 1900. Aussi à la fin de 1899, le rail qui a franchi le Bafing à Toukoto le 12 mars, est poussé jusqu'à

41 kilomètres de Oualia, c'est-à-dire à 217 kilomètres de Kayes et l'approvisionnement est prêt pour les 80 kilomètres à construire en 1900. L'exploitation donne en 1899 une recette de 420.000 francs. Mais ces ressources ne seront pas suffisantes pour la continuation des travaux en 1901, car le prix de revient est définitivement estimé à 72.000 francs et il faudra 20 kilomètres de plus pour porter le terminus sur le Niger de Toulimandio à Koulikoro, port de la flottille.

La mission du général de Trentinian prend fin avec le décret de dislocation du 17 octobre 1899 qui est suivi de sa promotion. au grade de commandeur de la Légion d'honneur. Si l'on considère que, tout en menant cette œuvre militaire, politique, administrative et coloniale, le général a dû aussi parer à la mise en défense et à l'organisation militaire de la colonie en organisant des réserves indigènes, des corps de gardes-frontières, des cadres de complément, une réserve de matériel de guerre au moment de la tension diplomatique de 1898-1899, on comprendra que le souvenir de son nom reste attaché, avec ceux des conquérants, à ce Soudan français qu'il a étendu et pacifié et dont il a détruit la légende d'insécurité et d'infertilité.

IV

Deux faits importants dominent l'histoire de la Guinée française pendant la période de 1895 à 1900: l'établissement définitif de notre protectorat au Fouta-Diallon et le commencement de la construction du chemin de fer de Konakry au Niger.

L'heure était arrivée en effet où la situation spéciale conservée jusqu'alors au Fouta-Diallon devait faire place à l'action plus directe de la Guinée française qui avait hâte d'ouvrir à la colonisation ce pays riche et peuplé. L'almamy lui-même avait paru souhaiter en 1895 l'établissement d'un poste. Aussi le 13 avril 1896, M. de Beckmann, envoyé en mission à Timbo

avec le capitaine Aumar, renouvelle le traité de protectorat et installe un poste de quatre miliciens. Mais Bokar Biro dont l'orgueil s'est encore avivé des succès qu'il a remportés sur ses concurrents et qui est arrivé à l'expiration de sa période de commandement, ne veut pas accepter le candidat Oumarou Bademba, du parti alfaya, que nous soutenons. Ses adversaires font appel à l'intervention française. Notre volonté sera établie à Timbo par la force. Une colonne, formée de trois compagnies de tirailleurs, est confiée au capitaine Aumar, cet officier amène à Timbo, le 3 novembre 1896, ses troupes renforcées de partisans et entraînées par le capitaine Muller et le lieutenant Spiess. La ville est occupée sans coup férir et M. de Beckmann est installé comme résident. Bokar Biro a fui. Le capitaine Muller le rejoint le 14 novembre 1896 dans la plaine de Porédaka et le défait Bokar Biro est tué dans le combat.

Oumarou Bademba est reconnu comme almamy et quelque temps après, M. Chaudié, gouverneur général, rentrant du Soudan avec le colonel de Trentinian, consacre, le 6 février 1897, la mise du Fouta sous la dépendance de la France. La mort de Bokar Biro est d'ailleurs vengée en novembre 1897 par l'un de ses frères, Kerno Ciré, qui tue l'almamy Sori Yelli et est arrêté par l'administrateur Noirot et interné. La paix n'est plus compromise qu'à l'automne de 1900 par la révolte d'Alfa Ibrahima, révoqué de ses fonctions de chef du diwal de Foukoumba, qui tente de brûler notre poste de Ditinn; son fils Boubakar assassine le chef de diwal Alfa Mamadou que nous avons reconnu. Mais Boubakar est tué à Dalaba par deux de nos miliciens, son père est arrêté et condamné à mort par les chefs de Foukoumba, et les chefs du Fouta central protestent de leur dévouement au gouverneur de Konakry. Le Fouta est désormais dans la main de la France qui a annexé le Labé constitué en deux cercles (Labé et Kadé) et réduit l'autorité de l'almamy à trois provinces voisines de Timbo.

Déjà le docteur Maclaud, administrateur des colonies, avait accompli en 1898 une série d'heureuses reconnaissances au Fouta. De Konakry il s'était rendu par Friguiagbé à Timbo et après avoir étudié le Konkouré, avait exploré les affluents de

gauche de la haute vallée du Bafing et relié les divers itinéraires déjà établis dans cette région. Il parcourut le bassin de Rio Grande, le Pakesi, le Badiar, le pays des Coniaguis et revint par Bambaya et le Rio Pongo, rapportant 3.500 kilomètres d'itinéraires nouveaux, des observations scientifiques et politiques, qui faisaient enfin connaître ces riches contrées désormais ouvertes à la colonisation.

Le chemin de fer de Konakry au Niger est l'un des exemples les plus caractéristiques des résultats que peuvent donner l'unité d'action et une volonté persévérante. Depuis longtemps Konakry avait compris que son avenir était dans le commerce des caravanes venues du Fouta et du nord-est et traversant les plus riches régions caoutchoutières. Olivier de Sanderial avait pensé que la voie de pénétration devait se faire dans l'ouest de la colonie et partir du Rio Grande. Puis la voie du Konkouré eut les préférences du docteur Bayol et du colonel Gallieni. La mission Brosselard-Faidherbe (1890-1891) ramena les recherches à la rivière Mellacorée. Enfin la direction la plus centrale commença de prévaloir d'autant plus facilement que la colonie de Sierra-Leone préparait un projet de voie ferrée de Freetown vers Falaba.

La première mission remplie en 1895-1896 par le capitaine du génie Salesses, qui a été, sous la haute direction du gouverneur Ballay, l'âme vivante du chemin de fer de la Guinée, fit faire enfin au projet un pas décisif. Une route de Konakry au Niger avait été commencée sous la direction de M. Oswald, garde principal d'artillerie de marine, et la première mission confiée au capitaine Salesses consistait à étudier le prolongement éventuel de cette route vers un point du Niger à déterminer : on envisageait seulement comme lointaine la possibilité d'utiliser un jour cette route pour la pose d'une voie Decauville. Cette mission est excellemment remplie par le capitaine Salesses, qui étudie la route jusqu'au Niger, montre que le point d'accès doit être fixé en aval de Farana, vers Sormoréia, et

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