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CHAPITRE PREMIER

LA PACIFICATION ET L'EXTENSION DU SÉNÉGAL

1.

SOMMAIRE :

La défaite et la mort d'Ahmadou Cheikhou, marabout du Toro, la colonne Bégin (1875). La révolte d'Abdoul Boubakar et du Fouta; la colonne Pons (mars 1881); l'annexion du Lao et des Irlabés.

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II. — Les événements du Cayor. Soumission de Lat-Dior: il signe le traité du 12 janvier 1871. Lat-Dior, après avoir accepté le chemin de fer, s'y oppose en 1882. Proclamation d'Amary-Ngoné-Fall. La colonne Dodds; soumission de Samba-Laobé. Ses agissements en 1886. palabre du capitaine Spitzer finit en un combat. Combat de SambaLaobé avec le lieutenant Chauvet; sa mort. Colonne du capitaine Vallois et mort de Lat-Dior.

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III. — Conventions avec les tribus maures de la rive droite du Sénégal. Avènement d'Amar Saloum; traité du 25 avril 1887 avec la France. - Conventions avec les Braknas et les Dowichs.

IV. Extensions vers le sud traité avec le Sine et les chefs de Casamance. - Délimitation de la colonie du Sénégal au regard de la Guinée portugaise (convention du 12 mai 1886) et de la Gambie anglaise (arrangement du 10 août 1889).

V.

Développement intérieur du Sénégal. Inauguration du chemin - Les épidémies de fièvre jaune de 1878

de fer de Dakar à Saint-Louis et 1881.

Sous l'impulsion de ses gouverneurs successifs, les colonels Valière (1869-1876) et Brière de l'Isle (1876-1881), le capitaine de vaisseau de Lanneau, décédé de la fièvre jaune le 5 avril 1881, le colonel de spahis Canard (1881-1882), le capitaine de vaisseau Vallon (1882), MM. René Servatius (1882-1883), le colonel Bourdiaux, intérimaire (1883), Seignac-Lesseps (1884-1886), Genouille (1886-1888) et Clément Thomas (1888-1890), longue liste qui se compliqua encore de quelques intérims d'un ou deux mois le Sénégal développa de 1870 à 1890 son

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organisation administrative et assura la pacification de ses territoires.

I

La tranquillité n'était en effet rien moins qu'assurée. La colonne Trève, aux mois de janvier et février 1870, avait bien infligé de nouvelles défaites à Ahmadou Cheikhou, ce marabout du Toro, qui s'était soulevé en 1869 avec Lat-Dior, le damel du Cayor, et elle l'avait mis en fuite. Mais, réfugié dans le Fouta et dans le Djolof, Ahmadou y avait recruté de nombreux partisans à la confrérie des Tidjania dont il se réclamait et en 1875, quoique séparé de Lat-Dior qui s'était soumis en 1871, il proclama la révolte et envahit le Cayor. Une colonne expéditionnaire, commandée par le lieutenant-colonel Bégin, et appuyée par les troupes de Lat-Dior, atteignit les révoltés le 11 février près de Coki, à Boumdou : Ahmadou et ses guerriers attaquèrent avec impétuosité le carré formé par la colonne et menacèrent un instant de le déborder, mais le colonel Bégin fit exécuter une charge irrésistible et mit ainsi l'ennemi en déroute : dans la poursuite le marabout fut tué. La révolte était étouffée par cette vigoureuse action.

En 1881 ce fut dans le Fouta sénégalais qu'il fallut agir. Là nous avions contre nous l'humeur turbulente d'Abdoul Boubakar, chef des Bosséyabé, qui subissait l'inspiration des Toucouleurs et avait l'ambition de reconstituer l'ancien Etat du Fouta détruit par Faidherbe quand ce dernier, par le traité du 10 août 1863 signé à Boumba, avait contraint les chefs du Fouta à renoncer au Damga et au Toro. Une colonne d'observation avait dû être envoyée en 1877 dans le Fouta, et Abdoul Boubakar et les autres chefs avaient signé le 24 octobre 1877 à Galoya avec le colonel Reybaud une convention par laquelle ils s'engageaient à observer les traités précédents, notamment celui de 1863, reconnaissaient la séparation du pays de Lao et de celui des Irlabés qui formeraient désormais des Etats indépendants sous le protectorat français, et promettaient de ne plus élever de prétentions sur les pays protégés et de ne plus inquiéter le Djolof. Cependant deux ans après, Abdoul Bouba

kar entrait en lutte avec l'almamy du Toro, notre allié, et déclarait s'opposer à la construction de la ligne télégraphique de Saldé à Matam. Une colonne expéditionnaire, sous la direction du commandant Pons, dut être envoyée au début de 1881 pour protéger l'établissement de la ligne et se heurta, le 8 mars à N'Dourbadian, aux partisans d'Abdoul Boubakar : il fallut, pour mettre l'ennemi en fuite, une demi-heure de combat et une charge des spahis dont trois officiers, le capitaine Badenhuyer, le sous-lieutenant Fouet et le vétérinaire Aouchane furent tués. Plusieurs villages furent détruits et les Toucouleurs demandérent la paix. Le 16 mai 1881, le capitaine Rémy, directeur des affaires politiques, signa un nouveau traité par lequel Abdoul Boubakar et les chefs du Bosséa s'engageaient une seconde fois à respecter les traités et déclaraient ne pas s'opposer à la construction de la ligne télégraphique. Le 14 août 1883 ils renouvelaient encore ces promesses à M'Bolo auprès de M. Ballot, chef du service des affaires politiques; il était convenu par ce traité que les chefs du Fouta central, composé de l'Irlabé-Diéri, de l'Ebiabé, du Founangué-Bosséa, de l'Irnangué-Bosséa et de l'Orgo-Bosséa, formeraient une république fédérative entièrement séparée du reste de l'ancien Fouta, et administrée par les chefs indépendants les uns des autres, qui éliraient un chef religieux ou almamy; qu'ils n'entreprendraient rien contre le Lao et l'Irlabé; que le commerce serait libre d'impôts dans leurs territoires et qu'ils pourraient seulement faire percevoir, au passage à l'ile de Sor, un droit de 3 0/0 sur les troupeaux du haut pays et ayant traversé le Fouta central par voie de terre. Mais à peine ce traité était-il signé qu'Abdoul Boubakar le violait et une colonne l'en punissait en brûlant les villages d'Odégui, Dabia et Kobilo. Le 27 novembre les autres chefs du Fouta central, réunis à Oréfondé, s'engagaient à repousser Abdoul Boubakar. Deux ans après seulement, le 30 août 1885, à Oréfondé, Abdoul Boubakar renouvelait une fois encore ses engagements et recevait la promesse d'une rente de 2.500 francs tant qu'il observerait le traité. La puissante confédération musulmane du Fouta sénégalais était ainsi affaiblie par la mise de plusieurs de ses provinces sous notre protectorat.

II

Mais ce fut au Cayor que nous eûmes les plus grosses difficultés. Le colonel Valière, en 1870, avait pardonné à Lat-Dior son alliance de 1869 avec Ahmadou Cheikhou et le 12 janvier 1871 il avait signé avec lui un traité par lequel la France lui abandonnait en toute souveraineté toutes les provinces composant l'ancien royaume du Cayor, à l'exception des provinces du Diander, du Gangoune, du Pankey, comprenant les territoires de Gandiole, du Toubé, du Khatet et de M'Pal.

Lat-Dior se montra tout d'abord allié fidèle et coopéra à la destruction d'Ahmadou Cheikhou. En 1879 il consentit même sans difficultés à l'établissement du chemin de fer de Saint-Louis à Dakar. Le 10 septembre 1879, à Keur-Ahmadou-Yella, LatDior signa avec le tamsir Bou-el-Moghdad, envoyé par Brière de l'Isle, une convention par laquelle le Cayor lui était garanti par les Français contre toute conquête étrangère en revanche, il s'engageait à laisser les Français construire à travers le Cayor une route commerciale destinée à « faciliter le commerce, le transport rapide des marchandises, des produits du sol et des voyageurs au moyen de grandes voitures trainées par des machines à vapeur ». Un acte additionnel du 12 septembre réglait les conditions d'engagement et de paiement des sujets du damel sur les chantiers du futur chemin de fer. Mais en 1882, au moment où les travaux allaient commencer, Lat-Dior s'y opposa et, n'osant tenir tête à la colonne envoyée contre lui, s'enfuit dans le Baol avec son neveu Samba Laobé. M. Servatius, gouverneur du Sénégal, les déclara déchus et proclama damel un autre neveu de Lat-Dior, Amary-Ngoné-Fall, qui confirma en son nom le traité de 1879, plaça le Cayor sous le protectorat français et reconnut l'annexion de la province du Diambour (cantons de Louga et Coki) dont le chef ou bour, Ibrahim N'Diaye, recevait le pouvoir héréditaire en vertu d'un traité spécial signé à Saint-Louis le 2 février 1883.

Mais Samba-Laobé n'abandonna pas la lutte et il fallut envoyer contre lui sous les ordres du chef de bataillon Dodds

trois colonnes mobiles qui le coupèrent du Djolof et du Baol et l'acculèrent dans le nord du Cayor: le 2 mai 1883 il se rendait et fut autorisé à vivre en simple particulier. Puis, comme LatDior cherchait à son tour à envahir le Cayor, Samba-Laobé,

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pour donner un gage de sa soumission, se porta contre lui et le força à renoncer à la lutte. Amary-Ngoné étant tout à fait impopulaire, on le fit abdiquer et à sa place, on laissa élire comme damel Samba-Laobé qui, le 28 avril 1883, signa avec M. Ballot

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