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JUIL. 17.

Les Evêques d'Afie ayant examiné les erreurs & les Prophéties de Montan, les condamnerent. On dit que Montan & Maximille étant devenus fous, fe pendirent. Voyez Eusebe.

Tertullien, naturellement auftere, adopta la rigidité des Montaniftes. Il étoit de caractere à ne tenir en rien un jufte milieu; il falloit qu'il fût extrême. Il tomba d'abord par orgueil. Il conserva, selon Saint Jérôme, un vif reffentiment de quelques injures qu'il s'imaginoit avoir reçues du Clergé de Rome. Aveuglé par sa passion, il se fépara de l'Eglife, fans penfer aux maximes qu'il avoit fi bien établies pour réfuter toutes les Héréfies. Mais fa chûte n'ôte rien au mérite de fes Ecrits, fur-tout de ceux où regne la jufteffe & la folidité du jugement, & qu'il avoit précédemment compofés pour la défense de la vérité. Il faut raifonner de lui, comme d'un habile hom me dont l'efprit s'égareroit; le malheur arrivé à celui-ci, ne rendroit pas inutile ce qu'il auroit fait auparavant pour l'avancement des Sciences.

Tertullien eft le plus ancien des Auteurs Eccléfiaftiques qui ayent écrit en latin. Saint Vincent de Lérins, qui eft bien éloigné d'approuver fes écarts, dit en par lant de lui: » Il a été parmi les Latins, ce qu'a été Ori,,gene parmi les Grecs; c'est-à-dire, le premier homme de fon fiecle..,.. Chaque mot paroît une fentence, & prefque chaque fentence une nouvelle victoire. Néanmoins avec tous ces avantages, il n'a point perfévéré dans l'ancienne Foi de l'Eglife Univerfelle. Ses erreurs, comme l'observe le Bienheureux Hilaire, font ,, que fes Ecrits n'ont pas l'autorité qu'ils auroient eue fans

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cela. "... Saint Jérôme, auquel on avoit objecté l'autorité de Tertullien, répondit dans fon Livre contre Helvidius, qu'il n'étoit pas de l'Eglife, Ecclefiæ hominem non ef. 11 parle cependant quelquefois avantageufement de fon favoir.

Lactance dit que le ftyle de Tertullien eft dur, âpre, inégal, obfcur; mais il admire dans fes Ecrits un fens profond. Saint Cyprien trouvoit des tréfors cachés au milieu des épines dont fon langage eft hériffé; il ne paffoit aucun jour fans en lire quelque chofe ; & quand il envoyoit chercher fes Ouvrages, il avoit coutume de dire, Donnez-moi mon maître. Balzac a comparé ingénieufement l'éloquence de Tertullien à l'ébene, qui tire fa beauté & fon prix de fa couleur noire.

La chute de ce grand homme doit d'autant plus étonner, qu'il témoigne dans fon Apologétique, c. 39, avoir une extrême frayeur de l'Excommunication, qu'il appelle une anticipation du Jugement à venir. Il fut depuis orgueil

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feux, attaché à fon fens, & il fe mocqua des cenfures
de l'Eglife. Quelque beau que fût fon génie, il femble
dépourvu des premiers principes, quand il veut foutenir
fes erreurs; il porte l'enthousiasme jusqu'au ridicule,
me lorfque d'après l'autorité des rêveries de Prifcille &
de Maximille, il difpute férieufement fur la figure & la
couleur d'une ame humaine. Ayant depuis abandonné les
Montanistes, il devint le Pere d'une nouvelle Secte. Ceux
qui la compofoient, prirent le nom de Tertullianiftes.
Ils eurent une Eglife à Carthage, jufqu'au temps de
Saint Augustin, qu'ils renoncerent à leurs erreurs. Ter-
tullien mourut dans un âge fort avancé, vers l'an 245.

Les Ouvrages qu'il écrivit après fa chûte, font 1°. le Livre de l'Ame. Il prétend y prouver que l'Ame a une figure humaine, &c.

2°. Le Livre de la Chair de Jefus-Chrift. Il y eft montré que le Sauveur a pris la Chair humaine dans la réalité, & non-feulement en apparence.

3°. Le Livre de la Réfurrection de la Chair. Tertullien y prouve le grand myftere qui en fait le sujet.

4. Les cinq Livres contre Marcion. Cet Héréfiarque admettoit deux principes ou deux Dieux, run bon, & l'autre mauvais. Selon lui, le fecond étoit adoré par les Juifs, & étoit l'Auteur de leur Loi; mais le Chrift avoit été envoyé par le bon principe, pour détruire fes œuvres. Tertullien prouve contre Marcion, l'Unité de Dieu, ainfi que la fainteté de l'Ancien & du Nouveau Teftament.

5°. Le Livre contre Praxéas. La Trinité des Perfonnes Divines y eft fort bien prouvée; on y trouve même le mot Trinité (c. 2). Mais il y fait un prétendu, crime à Praxéas, qui étant venu d'Orient à Rome, avoit informé le Pape Victor des erreurs & de l'hypocrifie de Montan; il lui reproche d'avoir banni le Paraclet (Montan) & crucifié le Pere: Paracletum fugavit, Patrem crucifixit, c. I. Ceci venoit de ce que Praxéas, fous le beau titre de Confeffeur, répandoit l'Héréfie des Patripatifiens, confondant les trois Perfoanes Divines, & prétendant que le Pere étoit devenu Homme dans le Fils & avoit été crucifié pour nous.

6°. L'Apologie du Manteau de Philofophe, qu'il aimoit mieux porter que la Toge, pour la commodité & comme un emblême d'une vie plus févere. Il paroît que cet Ouvrage ne fut qu'un jeu d'efprit.

7°. Le Livre à Scapula, Proconful d'Afrique. Ce Proconful y eft exhorté à mettre fin à la perfécution.» Un » Chrétien, lui dit Tertullien, n'eft ennemi d'aucun » homme; à plus forte raison ne l'eft-il pas de l'Empereur.

JUIL. 17.

8°. Le Livre de la Monogamie. L'Auteur y foutient con: tre les Catholiques, qu'il appelle Pfychiques, que les feconJUIL. 17. des nôces ne font pas permises; ce qui étoit un des articles de fon Héréfie. Une des raifons qu'il apportoit, étoit que le devoir d'une veuve eft de prier continuellement pour l'ame de fon mari défunt.

9°. Le Livre du Jeûne, dont l'objet eft de juftifier les Jeûnės extraordinaires prescrits par les Montanistes. Tertullien observe que les Catholiques observoient certains Jeûnes d'obligation, comme celui qui précede la fête de Pâque, & qu'on a depuis appellé Carême; il ajoûte qu'on ne le rompoit chaque jour, que fur le foir. Il obferve encore que ceux du Mercredi & du Vendredi, connus fous le nom de Stations, n'étoient point de précepte. Quelques-uns y ajoûtoient la Xérophagie c'eft-a-dire, qu'ils ne mangeoient que des chofes feches; d'autres ne fe nourriffoient que de pain & d'eau. Les Montaniftes, dans leurs Jeûnes, ne mangeoient qu'à la nuit, & fe réduifoient à la Xérophagie.

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10. Le Livre de la Chaftet, écrit contre les Catholi ques qui donnoient l'Absolution aux pénitents qui s'étoient rendus coupables d'adultere ou de fornication. Les Montaniftes foutenoient que l'Eglife n'avoit pas le pouvoir de pardonner les péchés d'impureté, non plus que le meurtre & l'idolâtrie. Tertullien répete deux fois dans ce Livre, qu'on repréfentoit fur les Calices l'image du bon Pafteur, portant fur fes épaules la brébis égarée. Il s'exprime ainfi à l'occafion d'un Décret fait par l'Evêque de Rome, & dont il fe moquoit : J'apprends qu'ils ont fait un Décret, & même un Décret abfolu. Le premier des Prêtres, ou l'Evêque des Evêques, dit: Je » remets les péchés d'adultere & de fornication à ceux qui ont fait pénitence. c. 1. Il appelle ailleurs le Pape, l'Evêque Apoftolique, & le Bienheureux Pape. Ibid. c.

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& 19.

11. Le Livre de la Couronne, compofé en 235, pour justifier l'action d'un Soldat Chrétien qui avoit refufé de fe couronner de fleurs comme les autres, dans la diftribution des largeffes qu'on faifoit aux Soldats. Tertullien y dit que les Guirlandes qu'on portoit en ces occafions, paffoient pour confacrées à quelque fauffe Divinité. Ce n'eft, ajoûte-t-il, que fur l'autorité de la Tradition, que nous pratiquons plufieurs chofes ; telles font les cérémonies ufitées au Baptême, les oblations que nous faifons tous les ans, pour les morts, & aux fêtes des Martyrs, l'ufage où nous fommes de prier debout le Dimanche & depuis Pâque jufqu'à la Pentecôte. C'eft d'après la même autorité, que nous formons le figne de la Croix

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fur nos fronts, à chaque action, dans tous nos mou"vements, en fortant de nos maifons & en y entrant,

» en nous habillant & en nous baignant, lorfque nous- JUIL. 17. » nous mettons à table ou au lit, lorfque nous-nous

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affeyons, &c. c. 3.

& 4.

12°. Le Livre de la Fuite, écrit vers le même temps. Tertullien prétend y prouver contre les Catholiques, que c'eft un crime de fuir en temps de perfécution.

La meilleure Edition que nous ayons des Œuvres de Tertullien, eft celle de Rigaut, qui parut à Paris en 1634 & 1641, à laquelle il faut joindre un Volume de Notes & de Commentaires de différents Auteurs, imprimé dans la même Ville, en 1635, in folio. On eftime les Notes critiques & grammaticales de Rigaut; mais on fait peu de cas de celles qui regardent la Théologie; il y eft parlé d'une maniere peu respectueuse de certains ufages de l'Eglife.

On a imprimé plufieurs fois féparément les principaux Ouvrages de Tertullien, comme fon Apologétique, fon Livre des Prescriptions, &c. On les a auffi traduits en françois.

Voyez Cave, T. 1. p. 91; Tillemont, T. 3. p. 196; Ceillier, T. 2. p. 374.

JUIL. 17.

SAINTE MARCELLINE,

VIERGE.

MARCELLINE ayant perdu son pere, qui étoit Préfet des Gaules, fe retira à Rome avec fa mere, Saint Ambroife & Satyre fes freres. La vertu prévint en elle le nombre des années. Elle comprit de bonne heure, fa deftination, & vécut d'une maniere qui y étoit conforme. Comme on l'avoit chargée de l'éducation de fes deux freres, elle s'appliqua fur-tout à leur infpirer l'efprit de piété & de religion. Elle leur apprit que la nobleffe du fang ne donne aucun mérite réel; qu'elle ne rend eftimable qu'autant qu'on la méprife; que l'amour des Sciences eft une folie, s'il n'a pour objet de nous faire connoître à nousmêmes, que c'est à cette connoiffance que doivent fe rapporter toutes nos études, fi nous voulons qu'elles nous deviennent utiles. Elle leur perfuada qu'ils devoient travailler, non pas à paroître, mais à être véritablement

vertueux.

Marcelline, dans toute fa conduite fe proposoit autre chofe que la gloire de Dieu. Pour vaquer plus librement aux exercices de piété, elle réfolut de quitter le monde; ce qu'elle exécuta le jour de Noël de l'année 352, en recevant le voile des mains du Pape Libere. La cérémonie fe fit dans l'Eglife de Saint Pierre, en présence d'une grande multitude de Peuple. Le Pape l'exhorta à s'attacher fortement à Jefus Chrift qu'elle choi

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