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et les deux plus raisonnables personnes du monde ont souvent peine à composer une union dont ils soient satisfaits.

DORANTE. - Vous vous moquez, madame, de vous y 5 figurer tant de difficultés ; et l'expérience que vous avez faite ne conclut rien pour tous les autres.

DORIMÈNE. — Enfin, j'en reviens toujours là. Les dépenses que je vous vois faire pour moi m'inquiètent par deux raisons: l'une qu'elles m'engagent plus que je Io ne voudrais ; et l'autre, que je suis sûre, sans

vous déplaire, que vous ne les faites point que vous ne vous incommodiez ; et je ne veux point cela.

2

DORANTE. - Ah, madame ! ce sont des bagatelles, et ce n'est pas par là.

15 DORIMÈNE. Je sais ce que je dis; et entre autres le diamant que vous m'avez forcée à prendre est d'un prix. .

DORANTE.

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Hé, madame, de grâce, ne faites point tant valoir une chose que mon amour trouve indigne de vous, 20 et souffrez.... Voici le maître du logis.

SCÈNE XIX.

M. JOURDAIN, DORIMÈNE, DORANTE.

M. JOURDAIN, après avoir fait deux révérences, se trouvant trop près de Dorimène.

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Un peu plus loin, ma

Comment ?

M. JOURDAIN. Un pas, s'il vous plaît.

DORIMÈNE.
M. JOURDAIN.
DORANTE.
monde.'

Quoi donc ?

Reculez un peu pour la troisième. Madame, monsieur Jourdain sait son

2

M. JOURDAIN. Madame, ce m'est une gloire bien 5 grande de me voir assez fortuné pour être si heureux que d'avoir le bonheur que vous ayez eu la bonté de m'accorder la grâce de me faire l'honneur de m'honorer de la faveur de votre présence; et si j'avais aussi le mérite pour mériter un mérite comme le vôtre, et que le ciel. . . . 10 envieux de mon bien. . . . m'eût accordé. . . . l'avantage de me voir digne. . . . des. . . .

...

DORANTE. Monsieur Jourdain, en voilà assez; madame n'aime pas les grands compliments, et elle sait que vous êtes homme d'esprit. (Bas à Dorimène.) C'est un 15 bon bourgeois assez ridicule, comme vous voyez, dans toutes ses manières.

DORIMÈNE, bas à Dorante. Il n'est pas malaisé de s'en apercevoir.

DORANTE. Madame, voilà le meilleur de mes amis. M. JOURDAIN. - C'est trop d'honneur que vous faites.

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3

DORANTE. Galant homme tout à fait.

DORIMÈNE.

J'ai beaucoup d'estime pour lui.

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me

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M. JOURDAIN. Je n'ai rien fait encore, madame, pour 25 mériter cette grâce.

DORANTE, bas à M. Jourdain. Prenez bien garde au moins à ne lui point parler du diamant que vous lui avez donné.

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M. JOURDAIN, bas à Dorante. Ne pourrais-je pas seu- 30 lement lui demander comment elle le trouve ?

DORANTE, bas à M. Jourdain. - Comment? gardezvous-en bien. Cela serait vilain à vous; et pour agir en galant homme, il faut que vous fassiez comme si ce n'était pas vous qui lui eussiez fait ce présent. (Haut.) Mon5 sieur Jourdain, madame, dit qu'il est ravi de vous voir chez lui.

DORIMÈNE. Il m'honore beaucoup.

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M. JOURDAIN, bas à Dorante. Que je vous suis obligé, monsieur, de lui parler ainsi pour moi!

IO DORANTE, bas à M. Jourdain. - J'ai eu une peine effroyable à la faire venir ici.

M. JOURDAIN, bas à Dorante. - Je ne sais quelles grâces vous en rendre.

DORANTE. Il dit, madame, qu'il vous trouve la plus 15 belle personne du monde.

DORIMÈNE. C'est bien de la grâce qu'il me fait. M. JOURDAIN. - Madame, c'est vous qui faites les grâces, et.

...

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DORANTE. Allons donc nous mettre à table, et qu'on

fasse venir les musiciens.

SCÈNE XXI.

ENTRÉE DE BALLET.

Six cuisiniers, qui ont préparé le festin, dansent ensemble ; après quoi ils apportent une table couverte de plusieurs mets.

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ACTE IV.

SCÈNE PREMIÈRE.

DORIMÈNE, M. JOURDAIN, DORANTE, UNE MUSICIENNE, DEUX MUSICIENS, LAQUAIS.

DORIMÈNE. Comment! Dorante, voilà un repas tout à fait magnifique !

M. JOURDAIN. Vous vous moquez, madame, et je voudrais qu'il fût plus digne de vous être offert.

(Dorimène, M. Jourdain, Dorante et les trois musiciens se mettent à table.)

DORANTE. Monsieur Jourdain a raison, madame, de 10 parler de la sorte, et il m'oblige de vous faire' si bien les honneurs de chez lui. Je demeure d'accord avec lui que le repas n'est pas digne de vous. Comme c'est moi qui l'ai ordonné, et que2 je n'ai pas sur cette matière les lumières de nos amis, vous n'avez pas ici un repas fort 15 savant, et vous y trouverez des incongruités de bonne chère, et des barbarismes de bon goût. Si Damis s'en était mêlé, tout serait dans les règles; il y aurait partout de l'élégance et de l'érudition, et il ne manquerait pas de vous exagérer lui-même toutes les pièces du repas qu'il 20 vous donnerait, et de vous faire tomber d'accord de sa haute capacité dans la science des bons morceaux; de vous parler d'un pain de rive à biseau doré,' relevé de croûte partout,* croquant tendrement sous la dent; d'un vin à sève veloutée,' armé d'un vert qui n'est point trop

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