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AN 2.

dans la ville de Lyon; ce n'était point immédiatement Robespierre, mais M. Barrère qui avait fait rendre les épouvantables décrets qui devaient métamorphoser en ruines nos plus belles, nos plus opulentes cités; et MM. Barrère et Collot-d'Herbois se joignirent à ceux qui ont écrasé Robespierre ; ils le proclamèrent tyran. Ce ne fut point Robespierre qui imagina de faire de la France une nation de sauvages, sans religion et sans foi; on a vu qu'au contraire il prit le parti des prêtres, qu'une secte d'athées, suivant l'expression de Clootz, voulait septembriser, d'un bout de la France à l'autre. (1)

(1) Robespierre fut accusé, dans la journée même dug thermidor, de s'être opposé au projet du vieillard Vadier, sur la conspiration imaginaire de Catherine Théos, dont le but était l'extermination générale des prêtres, sous la dénomination de fanatiques. Cette opposition fut une des principales causes, je dirai même la première, de son épouvantable chute. « Je parlerai << avec le calme de la vertu, disait M. Vadier, j'ac«cuse Robespierre d'avoir appelé le Rapport de Cathe«rine Théos, une farce ridicule; d'avoir dit que c'é«tait une femme à mépriser, tandis que nous prou« verons qu'elle avait des correspondances avec Pitt, « avec la duchesse de Bourbon, avec Bergasse.» Viton jamais d'inventions pareilles ?

Une chose qui a été sue de tout le monde, AN 2. c'est que, six semaines avant la révolution du 9 thermidor, Robespierre ne paraissait plus aux comités; et c'est à cette époque que les arrestations furent plus mutipliées, et les exécutions plus épouvantables. On dira que le génie de cet homme affreux continuait d'y dominer par la présence des deux personnages qui lui étaient restés fidèles MM. Couthon et Saint-Just. Mais comment pouvait-il se faire que des hommes qui fesaient trembler l'Europe entière, fussent forcés par la terreur, d'un absent, les propós d'un paralytique, et d'un polisson aussi près de l'enfance que de l'âge viril, à rester les ministres d'un système d'horreurs dont l'imagination ne peut se faire une idée ?

Quoi qu'il en soit, il reste pour constant que les plus grandes violences depuis le commencement de l'année 1794, ont été provoquées par ceux-là même qui ont écrasé Robespierre. Uniquement occupés, dans nos prisons, à rechercher dans les discours qu'on prononçait, soit aux Jacobins, soit à la convention, quels étaient les hommes qui nous laissaient quelqu'espoir, nous y voyions que tout ce qu'on disait était désolant, mais que Robespierre paraissait encore le moins outré.

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Après l'exécution de Chaumette et autres, M. Tallien proposa de donner une nouvelle activité aux mesures contre les suspects. Robespierre l'interrompit, et lui déclara que ce n'était point les suspects qu'il fallait craindre, qu'il y avait des hommes autrement dangereux; et le persécuteur des suspects garda le silence (1). Les recueils du temps sont remplis de preuves de ce que j'avance ici je ne les rapporterai pas, pour ne pas trop charger cet ouvrage; il est facile de les consulter.

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Aussi, si après le 9 thermidor l'opinion ne se fût pas prononcée d'une manière irrésistible; si quelques députés repentans de leurs fautes, ou moins coupables que leurs collègues, ne se fussent pas déterminés à faire cesser la tyrannie qui nous accablait, il est certain qu'on eût continué le système de destruction dont on a voulu supposer que Robespierre était l'unique directeur, ou au moins qu'on l'eût essayé.

A peine ce malheureux, à qui l'on a voulu faire jouer le rôle du bouc d'Israël, est-il immolé, que les déclamations contre tous

(1) Voyez le Moniteur de ce temps-là.

ceux qui n'appartiennent pas à la secte des Jacobins, recommencent avec une nouvelle fureur. M. Barrère tonne contre les prétendus contre-révolutionnaires avec la même violence qu'auparavant, et leur déclare qu'il ne faut pas qu'ils s'imaginent que la victoire remportée contre Robespierre sera leur triomphe; et les malheureux suspects attendent encore la mort dans leurs tristes retraites.

La suppression de la compagnie d'assassins, appelée tribunal révolutionnaire, était le premier vœu des Français. Sur la proposition de M. Elie Lacoste, la convention se contente de le suspendre; mais BillaudVarennes et Barrère, qui dominaient encore au comité de salut public, étaient absens. Le premier entre en maître dans l'assemblée, et fait impérieusement rétablir le tribunal, dans lequel il y a, dit-il, beaucoup d'hommes purs, qui ne sont point complices des trois conspirateurs qui, suivant M. Billaud, devaient, le jour de leur chute, faire exterminer soixante mille personnes : il fait sentir qu'il faut conserver ces hommes purs, parmi lesquels on comptait Fouquier-Tainville, pour exterminer les complices de Robespierre et de ses amis, alors en présence

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du tribunal. Le décret de suspension est rapporté ; le tribunal rentre dans tous ses droits.

Après l'exécution des soixante-dix municipaux, M. Barrère, sans proposer de loi nouvelle qui serve de règle aux jugemens du tribunal, sans parler du rapport de l'affreuse loi du 22 prairial, se présente à la tribune avec un projet de décret qui conserve une partie des jurés et des juges de ce conciliabule d'assassins (1); propose le remplacement de ceux qui étaient dévoués à Robespierre, et maintient Fouquier-Tainville dans la place d'accusateur public; c'est-à-dire, lui continue la direction des assassinats.

En proposant son décret, il échappa un aveu très-naïf à M. Barrère; ce fut de dire que les conspirateurs Couthon, Saint-Just et Robespierre étaient des hommes ineptes, qui n'avaient rien fait pour l'organisation

(1) On a vu que M. Antonelle fut mis en prison pour avoir publié un système qui révolta Robespierre luimême, ou au moins, parce qu'il était par trop audacieux d'avouer de pareilles choses. Dans la nuit dug au 10 thermidor, M. Antonelle fut mis en liberté. Le projet était de le replacer au tribunal révolutionnaire. Il y a apparence qu'il s'y refusa.

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