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de la Vendée, ils voulurent absolument res- AN 3. ter chez eux; il fallait bien y périr.

Le général Quétinau, guillotiné depuis comme un traître, pour n'avoir pas été vainqueur, servit de marche-pied à la gloire de la Roche-Jacquelin; il commandait sous le général Ligonnier, déja battu en plusieurs circonstances par les rebelles. Quétineau, pour réjoindre son général avec le corps qu'il commandait, se hasarde de traverser le pays insurgé; il est assailli à l'improviste par la Roche-Jacquelin; se défend avec courage, combat comme un simple soldat, mais son armée n'en est pas moins taillée en pièces : cette affaire se passa au village des Aubiers dont j'ai parlé plus haut; c'est avec la poudre enlevée aux républicains dans cette journée, que Cathelinau foudroya les deux corps de troupes qui s'avançaient pour l'attaquer à Vihiers et à Beaupreau. Quétinau rassembla le reste de ses troupes, et voulut se retirer à Thouars, ville avantageusement située et facile à défendre. Les troupes vendéennes, à la tête desquelles se trouvaient réunis les principaux chefs, l'y suivirent: on se battit à la porte de la ville. Quétineau, vaincu après un combat assez long-temps indécis, s'y jeta avec les débris de sa troupe; mais ils ne

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AN 3. purent la défendre contre les vainqueurs,

elle fut prise d'assaut après une heure d'attaque. Cette victoire ne fut suivie d'aucune violence contre les habitans; les vainqueurs se contentèrent de requérir les subsistances nécessaires à leur consommation; mais les insurgés de la Basse-Vendée, commandés par Charette, ne montrèrent pas la même modération; plusieurs fois vaincus, ils s'indignèrent du traitement qu'on fesait subir à leurs camarades; s'étant rendus maitres de Machecoul, ils égorgèrent impitoyablement tous les prisonniers, barbarie qui ne déshonora jamais les armes de Lescures, de Bonchamp et de leurs camarades.

Il est impossible de suivre dans tous ses détails une guerre de cette nature : ce sont des combats, tous les jours, à chaque instant renouvelés. Tous les Vendéens réunis sont vaincus à Fontenay, une terreur panique les met en déroute; ils fuient de toute part; mais les chefs reprennent courage et le rendent à leurs soldats : ils reviennent à la charge, attaquent le vainqueur, lui enlèvent son artillerie, ses munitions, et en font un carnage effroyable; de là ils avancent jusqu'à deux lieues de Niort. La convention, effrayée n'ayant point de troupes disciplinées

à opposer à ce débordement, envoie au se- AN 3cours des républicains, jusqu'aux grenadiers de sa garde; mais pendant que la partie la plus agissante des Vendéens est sur le point de s'emparer de Niort, un général républi cain, nommé Salomon, menace plusieurs chefs-lieux de cantonnemens qui sont les points de défense,; réglés d'après le système qui a organisé les insurgés; ils abandonnent le projet de s'emparer de Niort, délivrent leurs cantonnemens et vont se mesurer avec une armée de républicains, commandée par le général Ligonnier, et le battre complettement à Doué; de là, ils marchent sur Saumur, contre une autre armée de républicains, composée de bataillons parisiens et de troupes de ligne qui ne s'étaient point mesurés avec eux. Là se trouvait le fameux Santerre. Les Vendéens attaquent cette armée avec leur intrépidité accoutumée, et sont repoussés trois fois; ce n'est qu'à la quatrième charge qu'ils viennent à bout de disperser les républicains et de pénétrer dans la ville. Un des plus habiles chefs vendéens, nommé Domagné, fut tué dans cette sanglante affaire, en combattant contre les cuirassiers; Lescures y fut blessé. Lorsqu'on combattait encore aux portes, la Roche

AN 3. Jacquelin, emporté par son intrépidité et sabrant tout ce qui se trouvait devant lui, se précipita dans la ville, et arriva jusque sur la grande place, accompagné d'un seul des siens, au milieu des ennemis stupéfaits de tant d'audace. En racontant de tels faits, il semble qu'on est au temps fabuleux décrits par les poëtes.

Les vainqueurs en voulaient sur-tout à Santerre : en entrant dans la ville, ils demandaient à tout le monde où il était, et promettaient cent louis à celui qui le leur ferait connaître. Epouvanté du sort qui le menaçait, Santerre s'enfuit à Tours et revint à Paris, renonçant à des lauriers qui pouvaient lui coûter si cher.

Après la prise de Saumur, les chefs vendéens voulurent encore engager leurs soldats à marcher en avant et se porter sur Paris par l'Orléanais, dont les peuples étaient disposés à embrasser leur cause; mais ils ne purent les déterminer.

Le temps de la moisson approchait, ses premiers travaux les rappelaient (1), il fallut les laisser retourner chez eux.

La prise de Saumur répandit l'alarme

(1) On était alors au mois de juin 1793.

dans la convention, des députés de Nantes AN 3représentaient le malheureux état où leur ville se trouvait déja, et que, bientôt privée de toute communication avec les républicains, par le succès des insurgés devenus maîtres de la Loire, elle serait condamnée à périr, ou à ouvrir ses portes au vainqueur. Toutes les troupes de ligne étant occupées sur les frontières, la convention et ses comités ne savaient plus quel parti prendre ; ils imaginèrent de faire sonner le tocsin dans tous les départemens voisins de ceux insurgés, de faire marcher contre eux tous les hommes en état de porter les armes; enfin, d'écraser la masse des contre-révolutionnaires par la masse des révolutionnaires. Mais il y avait bien de la différence entre la masse que la convention voulait faire agir, et celle qu'elle devait combattre; on ne pouvait plus regarder les Vendéens comme une multitude confuse sans organisation, sans direction précise et sans courage, qu'un rien effraie, met en désordre, et fait culbuter sur elle-même. Chacun d'eux était un véritable soldat, et d'autant plus redoutable qu'il avait la conscience de combattre bien réellement pour lui-même ce n'était point une loi sévère qui le forçait à marcher; la

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