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Difficile à gagner.

CÉLIE.

C'est là tout le malheur.

MASCARILLE, à part, regardant Lélie.

Au diable le fâcheux qui toujours nous éclaire!

CÉLIE.

Je vais vous enseigner ce que vous devez faire. LÉLIE, les joignant.

Cessez, ô Trufaldin, de vous inquiéter;

C'est par mon ordre seul qu'il vous vient visiter, Et je vous l'envoyais, ce serviteur fidèle,

Vous offrir mon service, et vous parler pour elle, Dont je vous veux dans peu payer la liberté, Pourvu qu'entre nous deux le prix soit arrêté. MASCARILLE, à part.

La peste soit la bête !

TRUFALDIN.

Ho! ho! qui des deux croire? Ce discours au premier est fort contradictoire.

MASCARILLE.

Monsieur, ce galant homme a le cerveau blessé; Ne le savez-vous pas ?

TRUFALDIN.

Je sais ce que je sai.

J'ai crainte ici dessous de quelque manigance.

(à Célie.)

Rentrez, et ne prenez jamais cette licence.

Et vous,

filous fieffés, ou je me trompe fort, Mettez, pour me jouer, vos flûtes mieux d'accord.

SCÈNE V.

LÉLIE, MASCARILLE.

MASCARILLE.

C'est bien fait. Je voudrais qu'encor, sans flatterie,
Il nous eût d'un bâton chargés de compagnie.
A quoi bon se montrer, et, comme un étourdi,
Me venir démentir de tout ce que je di?

Je pensais faire bien.

LÉLIE.

MASCARILLE.

Oui, c'était fort l'entendre. Mais quoi! cette action ne me doit point surprendre: Vous êtes si fertile en pareils contre-temps, Que vos écarts d'esprit n'étonnent plus les gens.

LÉLIE.

Ah mon dieu! pour un rien me voilà bien coupable! Le mal est-il si grand qu'il soit irréparable?

Enfin si tu ne mets Célie entre mes mains,

Songe au moins de Léandre à rompre les desseins;
Qu'il ne puisse acheter avant moi cette belle.
De peur que ma présence encor soit criminelle,
Je te laisse.

MASCARILLE, seul.

Fort bien. A dire vrai, l'argent Serait dans notre affaire un sûr et fort agent: Mais ce ressort manquant, il faut user d'un autre.

SCÈNE VI.

ANSELME, MASCARILLE.

ANSELME.

Par mon chef, c'est un siècle étrange que le nôtre ! J'en suis confus. Jamais tant d'amour pour le bien, Et jamais tant de peine à retirer le sien.

Les dettes aujourd'hui,quelque soin qu'on emploie, Sont comme les enfans, que l'on conçoit en joie, Et dont avecque peine on fait l'accouchement. L'argent dans notre bourse entre agréablement; Mais le terme venu que nous devons le rendre, C'est lors que les douleurs commencent à nous

prendre:

Baste, ce n'est pas peu que deux mille francs, dus Depuis deux ans entiers, me soient enfin rendus; Encore est-ce un bonheur.

MASCARILLE, à part les quatre premiers vers. O dieux! la belle proie A tirer en volant! Chut, il faut que je voie Si je pourrais un peu de près le caresser: Je sais bien les discours dont il le faut bercer. Je viens de voir, Anselme....

ANSELME.

Et qui?

MASCARILLE.

Votre Nérine.

ANSELME.

Que dit-elle de moi, cette gente assassine!

MASCARILLE.

Pour vous elle est de flamme...

ANSELME.

Elle?

MASCARILLE.

Et vous aime tant,

Que c'est grande pitié.

ANSELME.

Que tu me rends content!

MASCARILLE.

Peu s'en faut que d'amour la pauvrette ne meure. Anselme, mon mignon, crie-t-elle à toute heure, Quand est-ce que l'hymen unira nos deux cœurs, Et que tu daigneras éteindre mes ardeurs?

ANSELME.

Mais pourquoi jusqu'ici me les avoir celées ?
Les filles, par ma foi, sont bien dissimulées !
Mascarille, en effet, qu'en dis-ta? quoique vieux,
J'ai de la mine encore assez pour plaire aux yeux.

MASCARILLE.

Oui, vraiment, ce visage est encór fort mettable; S'il n'est pas des plus beaux, il est des agréable.

Si bien donc...?

ANSELME.

MASCARILLE veut prendre la bourse.
Si bien donc qu'elle est sotte de vous,

Ne vous regarde plus...

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MASCARILLE prend la bourse et la laisse tomber.

La bouche avec la sienne.

ANSELME.

Ah! je t'entends. Viens çà: lorsque tu la verras, Vante-lui mon mérite autant que tu pourras.

MASCARILLE.

Laissez-moi faire.

ANSELME.

Adieu.

MASCARILLE.

Que le Ciel vous conduise!

ANSELME, revenant.

Ah! vraiment je faisais une étrange sottise,
Et tu pouvais pour toi m'accuser de froideur:
Je t'engage à servir mon amoureuse ardeur,
Je reçois par ta bouche une bonne nouvelle,

1. Molière.

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