SCÈNE XIV. LÉLIE, riant, MASCARILLE. MASCARILLE. Quel beau transport de joie à présent vous inspire? LÉLIE. Laisse-m'en rire encore avant que te le dire. MASCARILLE. Cà, rions donc bien fort, nous en avons sujet. LÉLIE. Ah! je ne serai plus de tes plaintes l'objet : MASCARILLE. Sachons donc ce qu'a fait cette imaginative. LÉLIE. Tantôt, l'esprit ému d'une frayeur bien vive Devant qui tous les tiens, dont tu fais tant de cas, Doivent, sans contredit, mettre pavillon bas. Mais qu'est-ce? MASCARILLE. LÉLIE. Ah! s'il te plaît, donne-toi patience. J'ai donc feint une lettre avecque diligence, Comme d'un grand seigneur écrite à Trufaldin, Qui mande qu'ayant su, par un heureux destin, Qu'une esclave qu'il tient sous le nom de Célie Est sa fille, autrefois par des voleurs ravie; Il veut la venir prendre, et le conjure au moins De la garder toujours, de lui rendre des soins; Qu'à ce sujet il part d'Espagne, et doit pour elle Par de si grands présens reconnaître son zèle, Qu'il n'aura point regret de causer son bonheur. Fort bien. MASCARILLE. LÉLIE. Écoute done; voici bien le meilleur. La lettre que je dis a donc été remise. Mais sais-tu bien comment? En saison si bien prise, MASCARILLE. Vous avez fait ce coup sans vous donner au diable? LÉLIE. Oui. D'un tour si subtil m'aurais-tu cru capable? Loue au moins mon adresse, et la dextérité Dont je romps d'un rival le dessein concerté. MASCARILLE. A vous pouvoir louer selon votre mérite Que vous serez toujours,quoi que l'on se propose, LÉLIE. Apprends-moi le sujet qui contre moi te pique. Ai-je fait quelque chose? Éclaircis-moi ce point. MASCARILLE. Non,vous n'avez rien fait. Mais ne me suivez point. LÉLIE. Je te suivrai partout pour savoir ce mystère. MASCARILLE. Oui! Sus donc, préparez vos jambes à bien faire, Car je vais vous fournir de quoi les exercer. LÉLIE, seul. Il m'échappe. O malheur qui ne se peut forcer ! FIN DU SECOND ACTE. nn ACTE TROISIÈME. SCÈNE PREMIÈRE. MASCARILLE. TAISEZ-VOUS, ma bonté, cessez votre entretien, Oui, vous avez raison, mon courroux, je l'avoue; Que je me trouve à bout de ma subtilité. Et que deviendra lors cette publique estime Qui te vante partout pour un fourbe sublime, Et que tu t'es acquise en tant d'occasions A ne t'être jamais vu court d'inventions? L'honneur, ô Mascarille, est une belle chose! A tes nobles travaux ne fais aucune pause; Et quoi qu'un maître ait fait pour te faire enrager, Achève pour ta gloire, et non pour l'obliger. Mais quoi! que feras-tu que de l'eau toute claire ? |