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vénient, et il est d'ailleurs minime en comparaison du mal existant.

Le verdict étant ainsi préparé dans des conditions plus favorables, il faudra, par un remaniement des peines et par un changement dans les habitudes judiciaires, orienter la répression vers les modes de réparations pécuniaires. Si les parties répugnent à demander des dommages-intérêts importants, que la loi donne l'exemple, en substituant à ses amendes de cent à trois mille francs, des amendes élevées dont le maximum pourra être porté à vingt-cinq ou trente mille francs. Ces amendes, toujours garanties par la fortune des propriétaires, iront grossir, si l'on veut, la caisse d'une institution de prévoyance ou de retraite.

Ainsi, les jurés, en condamnant, auront le sentiment que des peines sérieuses et efficaces seront la conséquence de leur verdict. Il faudra qu'ils sachent aussi que les peines prononcées seront rigoureusement exécutées, et que, contrairement au principe de la loi actuelle, certaines condamnations encourues désigneront plus tard le délinquant aux aggravations de la récidive.

Tel est, esquissé dans ses grandes lignes, le cadre des mesures qui, sans porter atteinte à la liberté et sans faire revivre aucun des procédés du système préventif, nous semblent de nature à instituer une répression en matière de presse et à la rendre salutaire.

Sans doute les sceptiques vont redire : rien à faire avec des jurés !... Nous leur répondrons: Que proposez-vous? Encore l'impunité? Chacun sent que l'expérience, déjà longue, devient d'un trop grave danger. Le retour par étapes au vieux système préventif? De qui obtiendrait-on de pareilles armes, et ne seraient-elles pas mortelles pour ceux qui tenteraient de s'en servir?

Un seul moyen nous reste organiser la liberté sous la loi, tâche dure et complexe qui est le tourment de nos générations! Nos ancêtres ont fait des rêves de justice idéale, puis ils se sont lassés de ces rêves, et, à certaines heures de désenchantement, ils se sont éloignés d'eux... pour y revenir encore. Notre œuvre, plus ardue, consiste à choisir parmi ces rêves ceux qui sont réalisables, à les créer, à les faire vivre, avec grand effort et grand'peine, dans l'atmosphère ingrate de la réalité. Le jugement de la presse par les citoyens est, nous le croyons, un rêve réalisable. Cette juridiction peut donner, non pas la justice absolue, mais la justice la mieux appropriée à notre moderne état social. Essayons donc de le faire fonctionner avec suite, et dans des conditions favorables. On conviendra peut-être avec nous que cet essai n'a pas été jusqu'ici sérieusement tenté.

Conclusion.

CHAPITRE VIII

Faut-il conserver le jury?

Hypothèse de sa

suppression la Tournelle du xxe siècle.

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Critique de ce système; concours nécessaire du magistrat, de l'expert et du juge populaire. Recrutement des jurés : dans quels groupes

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sociaux? - La loi actuelle. Trop d'incompatibilités; le peuple est dispensé jury des classes médiocres. Procédés de recrutement en divers pays. Le système des catégories; sa Extension de la liste du jury; admission des

critique.

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ouvriers; cette question en Angleterre.

Qui choisira les jurés? Commission de présentation; réformes de détail. Commission de sélection; sa réforme; introduction de représentants des divers groupes sociaux. Physionomie de la liste future.

Nous arrivons ici à notre conclusion: aux réformes qui nous paraissent désirables dans le fonctionnement de la justice pénale. Et nous savons que le lecteur, même le plus indulgent, attend ce moment difficile avec quelque scepticisme : « C'est peu d'avoir taillé, maintenant il faut coudre ! »>

Notre essai assurément, sera bien imparfait; mais peut-être ne faut-il pas décourager par un accueil trop sévère des efforts de cette nature; peut-être la tendance trop établie dans notre pays à conclure, après des critiques amères, à l'impossibilité de changements heureux, est-elle une tendance dissolvante et presque coupable. Il y a cent ans, avec son grand élan de foi dans le progrès, son génie clair qui savait imprimer la logique et l'unité aux idées venues de toutes parts, la France a donné des codes à l'Europe. Faut-il aujourd'hui que l'Europe, qu'elle avait devancée, la laisse en arrière? Faut-il que la retardataire Allemagne, qui n'a définitivement supprimé la torture que vers 1830, reste aujourd'hui, dans la voie des progrès judiciaires, loin en avant de nous ?

Rien ne manque cependant en France, pour entreprendre et mener à bien la réorganisation de notre justice pénale. Les idées abondent; les sciences voi-sines du droit criminel, qui pourraient lui fournir de si utiles secours, des instruments d'enquête si améliorés, sont en progrès certain; et l'aspiration vers la justice n'a jamais été plus ardente. Sachons donc vouloir énergiquement l'accomplissement de cette grande œuvre, dont l'urgence est à tout instant démontrée, dont tous les matériaux sont dans nos mains.

I

:

La première question qui se pose est incontestablement celle-ci faut-il conserver le principe du jury, de la collaboration à l'œuvre de justice du magistrat temporaire tiré des rangs des citoyens ?

Faut-il, au contraire, par des moyens ouverts ou détournés, supprimer cette collaboration, et remettre la justice pénale aux seules mains des magistrats permanents?

Rester dans le statu quo, c'est prendre parti dans cette question, et conclure à l'élimination progressive et très rapide du juge populaire1. C'est attribuer sa succession au tribunal correctionnel, et substituer ainsi à une juridiction médiocre une juridiction plus défectueuse encore. Nous rejetons donc de prime abord le maintien du statu quo.

Deux partis restent alors à prendre.

Le premier consisterait à supprimer légalement le jury, et à constituer une magistrature criminelle assez savante, indépendante et honorée pour recueillir ce grand héritage. On fonderait ainsi, avec des juges

1. Voir introduction, page 3.

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