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à ceux qui proposeraient des idées plus radicales, les moyens de les harmoniser avec les parties de l'édifice qui, dans tous les cas, doivent rester.

En résumant dans ce travail les aperçus qui avaient pu frapper mon esprit dans le cours d'une carrière qui compte douze années de barreau et vingt années passées dans les deux grades supérieurs du parquet, j'aimais à penser que je pourrais ainsi concourir à améliorer les lois de mon pays, et à en faire disparaître, pour ceux qui nous suivront, les taches et les obstacles que notre génération y a rencontrés. J'ai même pu quelques instants en concevoir l'espérance. Au moment de la révolution de février, le dernier garde des sceaux du gouvernement qu'elle a renversé, M. Hébert, avait entre les mains mes manuscrits, et s'occupait de leur examen avec un intérêt dont je ne perdrai jamais le souvenir, et dont je suis heureux de pouvoir ici lui réitérer encore, d'une manière publique, l'expression de toute ma reconnaissance. Quelque temps après, j'en communiquais la partie relative au code. pénal, à notre Assemblée constituante, et son comité de justice, auquel elle l'avait renvoyée, formulait ainsi l'opinion qu'il en avait conçue : << La sous-commission chargée par le comité de justice de l'examen « de l'ouvrage de M. Poirel, procureur général à Nancy, sur la refonte « des lois pénales, a été d'avis que ce travail important devait être communiqué à la cour de cassation et aux cours d'appel; elle en a, « en conséquence, transmis le manuscrit à M. le ministre de la justice, « comme pouvant servir de base à une révision complète du code « pénal (1).» (Moniteur du 29 novembre 1848, p. 3394.)

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En attendant l'accomplissement de ce vou, je consacrais à l'amélioration de mon œuvre tous les loisirs que pouvait me laisser la gestion consciencieuse de fonctions difficiles et délicates au milieu d'agitations politiques, lorsque dans les derniers moments du ministère de M. Barrot, une atteinte portée à ma position judiciaire vint me rattacher à une cour dont le ressort confine à la Belgique. Je l'avouerai, et quelques notes au bas de la première page de cette introduction pouvaient déjà le faire pressentir, je m'étais permis d'étendre ma pensée jusqu'aux législations étrangères qui depuis quarante ans convergent vers la nôtre je voulais aussi, pour elles, aider à l'assimilation à

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(1) Voici la réponse du ministre à cette transmission :

• Monsieur le président et cher collègue,

« J'ai reçu la lettre que m'ont fait l'honneur de m'adresser les membres du comité « de justice pour appeler mon attention sur le travail de M. Poirel relatif à la ré«forme du code pénal.

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L'opinion du comité est à mes yeux une sérieuse garantie du mérite de ce travail, et je vais l'examiner avec intérêt. Mais ce n'est que lorsque le gouvernement « aura été à même de l'apprécier, et dans le cas où il jugerait convenable de se l'approprier, qu'il y aurait lieu de le soumettre aux délibérations des cours d'appel et de la

« Cour de cassation. En attendant, je remercie les membres du comité d'avoir ac

« cordé au travail de M. le procureur général de Nancy une marque d'estime qui rejaillit sur toute la magistrature, et je vais en témoigner à ce magistrat toute ma « satisfaction.

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laquelle elles tendent. La Belgique, j'en fus informé, s'occupait en ce moment même de la révision du code pénal de l'empire, qui était jusqu'alors resté le sien elle était pour moi comme une sœur de la France, par la reconnaissance qu'elle lui devait, par sa langue, par ses anciens liens de nationalité, par sa législation même. A ma demande, un honorable membre de la cour de cassation de Bruxelles, M. l'avocat général Delebecque, dont quelques publications recommandables m'avaient fait distinguer le nom, et dans lequel j'ai trouvé depuis un des magistrats les plus savants et les plus éminents de notre époque, voulut bien faire près de son gouvernement une démarche dont le Moniteur belge du 27 avril 1850 a ainsi enregistré le résultat :

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« M. Poirel, etc., s'est occupé d'un travail d'ensemble sur la ré«forme du code pénal et du code d'instruction criminelle français. Il «en a offert communication à M. le ministre de la justice de Belgique qui l'a accueillie avec empressement. Ces documents vont être imprimés pour être distribués aux commissions chargées d'élaborer les « projets de révision des codes pénal et d'instruction criminelle. On « voit que les travaux législatifs de notre pays sont suivis avec intérêt « à l'étranger. »>

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Tels sont les auspices sous lesquels a lieu cette publication. Puisset-elle ne pas en paraitre trop indigne!

Puisse-t-elle ne pas l'être non plus d'un pieux souvenir auquel, dans l'intimité de ma pensée, j'en adresse l'hommage et je la dédie (1).

Amiens, 3 août 1850.

(1) Je veux parler de mon père, ancien avoué à la cour de Nancy, dont l'expérience et la sagesse m'ont, jusqu'à son dernier jour, guidé dans la carrière, dont ce travail est pour moi le terme.

NOTE SUR L'ORGANISATION JUDICIAIRE.

L'impression de la partie de cette Introduction, relative à l'organisation judiciaire, était trop avancée au moment de la publication du rapport de M. de Crouseilhes, pour que j'aie pu m'expliquer sur lui. Aujourd'hui la place me manque pour le discuter. Au reste, je n'en doute pas, tous ceux qui le liront devront avant tout reconnaître avec moi que ce n'est pas un rapport de commission. C'est un exposé historique, dénué de tout esprit critique, et consacré tout entier à redire sur tous les tons d'un optimisme artificieusement calculé ou parfaitement candide (je ne sais lequel des deux), que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possible.

Le projet qui le suit ne remplit aucune des conditions que lui imposait le titre de loi organique, et dont le rapport lui-même proclamait ainsi l'étendue : « Vous recon<< naissez la haute mission qui vous a été donnée par la constitution; vous avez, «le 8 août dernier, édifié la première partie du statut organique judiciaire qui « embrasse tant de matières diverses (pages 1 et 2). » Après ce préambule solennel, le rapport se termine par la déclaration que le projet ne modifie la législation antérieure « que sur un seul point, la candidature des magistrats (page 101). » En effet, le projet resterait entièrement le même, il aurait absolument la même valeur, si l'on remplaçait tous les articles, autres que ceux relatifs à cette candidature, c'està-dire, les articles 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 21 et 26, par celui-ci : « Les «<lois actuellement en vigueur sur les justices de paix, les tribunaux d'arrondisse«ment, les cours d'appel et la cour de cassation, sont maintenues et continueront à « être observées. »

S'il fallait encore donner la preuve que ce projet, même restreint dans les limites du statu quo, n'est pas une loi organique, comme l'exigeaient le décret du 11 décembre 1848 et l'article 115 de la constitution, il suffirait de le comparer à celui qui vient d'être présenté, en exécution des mêmes dispositions, sur la garde nationale. Celui-là ne fait aussi, sauf un petit nombre de modifications, que maintenir la législation antérieure consignée et réunie dans la loi du 22 mars 1831. On aurait donc pu se contenter aussi pour lui de quelques articles contenant ces modifications, et d'un renvoi pur et simple, pour tout le reste, à la loi de 1831. On a cependant fait table rase et présenté un ensemble nouveau et complet. C'est encore ce qu'on a fait pour la loi de recrutement, et ce qu'on fera certainement pour les lois sur l'administration municipale et départementale, quoiqu'elles ne puissent être en grande partie que la reproduction de celles des 21 mars 1831, 28 juin 1835, 22 juillet 1837 et 10 mai 1838. La législation sur l'organisation judiciaire, qui n'est auprès de toutes ces lois récentes et parfaitement conçues qu'un amas indigeste et suranné, sera la seule pour laquelle les prescriptions formelles de la constitution auront été faussées!... Et d'un autre côté, tous les travaux entrepris sur cette matière depuis deux ans, et qui attestaient évidemment l'existence de graves besoins auxquels il fallait pourvoir, c'est-àdire, le projet sorti en 1848 de la commission formée par M. Marie, celui de la commission de l'Assemblée constituante, les délibérations et les votes de cette Assemblée, le nouveau projet formulé par la commission nommée en 1849 par M. Barrot, tout cela sera venu aboutir à six articles sur la candidature des magistrats !... Jamais le parturient montes n'aura reçu une application plus méritée.

D'ORGANISATION JUDICIAIRE.

TITRE PREMIER.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES.

$ 1.

ART. 1. En matière civile, commerciale et criminelle (1), la justice est rendue par,

Des juges de paix,

Des conseils de prud'hommes,

Des tribunaux d'arrondissement (2),

Des cours d'appel,

Des cours d'assises,

Une haute cour de justice,

Des tribunaux militaires (3),

Une cour de cassation.

ART. 2. L'Assemblée nationale peut, soit en cas d'infidélité du compte

(1) Je regrette de ne pouvoir ajouter et en matière administrative : mais dans l'état des choses, on ne saurait comprendre parmi les juridictions dignes de ce nom, celle des conseils de préfecture qui n'offrent aucune espèce de garantie, pas même celle du baccalauréat ès lettres, pour ceux appelés à en faire partie. Ils embrassent cependant aujourd'hui plusieurs matières, comme celles de la voirie et du roulage, qui, par leur nature rentreraient parfaitement dans les attributions des juges de paix ou des tribunaux d'arrondissement.

(2) La dénomination de tribunaux de première instance est inexacte, puisque ces siéges sont juges d'appel des justices de paix: celle de tribunaux civils l'est également, puisqu'ils connaissent aussi, à divers titres, des matières criminelles. Les rédacteurs du projet de 1850 ont imaginé de réunir ces deux mauvaises locutions, en disant : « Tribunaux civils de première instance. »(Voy. le projet et le rapport de M. de Crouseilhes.)

(3) L'expression tribunaux militaires comprend également ceux de l'armée de terre et ceux de l'armée navale...

rendu de ses séances, soit en cas d'offenses envers elle commises par une voie quelconque de publication, traduire directement à sa barre les personnes qui en sont les auteurs ou les complices, et leur appliquer les peines prononcées par la loi après les avoir entendues ou dûment appelées (1).

L'arrêt sera exécuté sur les ordres du président de l'Assemblée. (Art. 15 de la loi du 25 mars 1822.)

S 2.

ART. 3. Il y aura près des différentes juridictions un greffier, qui devra assister et tenir la plume à tous leurs actes.

ART. 4. Il y aura également près d'elles, sauf disposition ou exception spéciale, une magistrature qui, sous la dénomination de ministère public, sera chargée d'assurer et de requérir l'exécution et l'application des lois et des règlements.

ART. 5. Elle sera particulièrement exercée par des magistrats qui porteront le titre de procureurs de la république devant les tribunaux d'arrondissement, et de procureurs généraux devant les cours : ces derniers en auront personnellement la direction, le contrôle et la responsabilité dans toute l'étendue de leur ressort. (Art. 25 de la loi du 20 avril 1810, et art. 42 du décret du 6 juillet 1810.)

ART. 6. Les procureurs de la république et les procureurs généraux seront assistés de substituts : les procureurs généraux le seront en outre d'avocats généraux, dont l'un sera qualifié de premier par l'acte qui l'aura nommé.

Le nombre des substituts et des avocats généraux sera déterminé selon les besoins du service.

TITRE II.

DE LA COMPOSITION DES DIFFÉRENTES JURIDICTIONS,

SECTION Ire.

S1. JUSTICES DE PAIX ET TRIBUNAUX DE POLICE.

ART. 7. Il y aura une justice de paix par canton ; et son siége sera toujours établi dans le chef-lieu. (Art. 1 du titre III de la loi du 24 août 1790.)

(1) L'insertion de cette disposition dans le code d'organisation judiciaire a notamment pour objet de marquer la séparation des pouvoirs, en indiquant le cas unique où le pouvoir législatif puisse exercer le pouvoir judiciaire.

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