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Mais me dira-t'on', il n'y a que les gens du commun qui parlent de la forte. Il fe trouve dans les Provinces les plus reculées, des perfonnes qui parlent parfaitement bien, je l'avoue; néanmoins il ne s'enfuit pas de-là qu'ils doivent écrire comme ils prononcent. L'ufage général veut qu'on écrive, Paon, Faon, Laon, Août, Saone, fceau, à jeun, Euftache, œuvre, ail, &c. Cependant il faut prononcer Pan, Fan, Lan, Out, Sône, fau, à jun, Utache euvre, euil, &c. Il en eft de même en une infinité d'autres mots dont la prononciation eft différente de l'écriture, non-feulement chez les François, mais encore chez toutes les Nations du monde.

DE L'ORTHOGRAPHE EN PARTICULIER.

DES

ACCENTS.

Il s'eft introduit depuis quarante ans un fi grand abus quant à l'ufage des Accents, que les anciennes Fontes ne peuvent plus y fuffire. On prodigue les Accents, & de-là réfulteroit une prononciation vicieuse, fi l'on donnoit aux fyllabes d'un grand nombre de mots le fon que l'Accent paroît indiquer. Il eft difficile d'éviter tant d'écueils , parce que perfonne n'ignorant que les Accents ont été inventés pour fixer la prononciation, puifqu'ils marquent l'élévation ou l'abaiffement de la voix, on dévroît confidérer ces fignes comme autant de notes de Mufique. Si leur pofition induit en erreur comment la rectifier fans la connoiffance des vrais principes, qui doivent régler les diverfes inflexions de la voix, & faire prononcer les voyelles d'un ton plus foible ou plus fort?

DV CIRCONFLE X E.

Le Circonflexe n'étoit point autrefois en ufage: il n'a été admis dans la nouvelle Orthographe, que pour marquer les fyllabes longues qui avoient une ou une autre lettre dans l'ancienne Orthographe, & quelques autres où cet accent ne fupplée à aucune lettre fupprimée. Ainfi l'on écrit aujourd'hui avec á, é, î, ô, ú, les fyllabes que nos Anciens écrivoient par as es is , 05, us, dont la pro nonciation eft longue. En voici des exemples.

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á lâche ;
é même

í gîte
ó trône

ú flûte

Autrefois,

{

as lafche:
es mefme.
is gifte.

E

os throfne.

us flufte.

Il n'y a que ces mots & leurs femblables où le Circon flexe mérite d'avoir entrée. On écrit encore fyftême, extréme par la feule raifon que les e y font longs.

L'Accent Circonflexe fert auffi à diftinguer plufieurs mots dont l'Orthographe eft femblable, & le fens différent. Ainfi on écrit für, certus múr • , maturus, dû, debuit vel debitum, & crû, fundus, avec un û Circonflexe, pour les différencier, au moins aux yeux, des mots fur, fuper mur, murus, cru, crevit vel credidit, & du, particule qui dénote le Génitif.

Il est encore bon de le mettre fur les pénultiemes fyllabes des premieres & fecondes perfonnes du pluriel des Prétérits des verbes, comme dans nous jouâmes, vous jouâtes nous rendimes, vous rendites, nous reçûmes vous reçûtes, parce que ces fyllabes font longues. C'eft le fentiment & l'ufage de l'Académie, comme on peut le voir dans fon Dictionnaire au mot Aorifte.

Mais il eft absolument inutile de mettre cet Accent fur les u à la fin de certains mots, comme dans lu, pu vu fu, conçu, fous prétexte que ces u étoient autrefois précé dés d'un e, & qu'on écrivoit leu, peu, veu, fceu, conçeu, parce que l'Accent Circonflexe ny peut fervir de rien pour la prononciation.

Il est néceffaire de s'en fervir à la troifieme perfonne du fingulier du fecond Imparfait du Subjonctif, de quelque conjugaison que foit le verbe, ainfi on doit écrire qu'il aimát, qu'il jouit, qu'il dút, qu'il apprit, qu'il lût, & leurs femblables.

Il réfulte de ces obfervations que le Circonflexe doit être employé.

1. Pour marquer qu'une voyelle ou fyllabe eft longue; quoiqu'on ne le mette pas fur toutes les fyllabes longues, mais feulement fur celles où il y a une lettre de retranchée, à l'exception de quelques-unes en petit nombre.

2o. Pour diftinguer un mot d'avec un autre semblable par l'expreffion, & dont le fens eft différent.

Hors de ces deux cas, l'Accent Circonflexe n'eft qu'une fuperfluité embarrassante, qui ne fert qu'à furcharger l'écriture. Il eft fort peu important d'être averti par cet Accent qu'il y a une lettre de retranchée dans un mot; mais il fera véritablement utile, lorfque fon ufage fera fixé à indiquer une fyllabe longue. Il convient donc de le bannir de toutes les fyllabes breves, quelque retranchement de lettres qu'il puiffe y avoir. C'est le plan que l'on fuivra dans ce Dictionnaire. GRAVE.

DE L'ACCENT

L'Accent Grave n'a lieu en François que fur ces trois voyelles, à, è, ù: fur l'à prépofition qui fe met devant l'Infinitif, ou qui marque le Datif, comme à Paris, à Pier re, à faire, &c. pour le différencier de l'a verbe auxiliaire, qui défigne un Paffé, comme il a été, il a aimé ; & de l'a qui marque le Préfent, comme il y a, il a, habet, qui doit toujours être un a fimple.

L'è Grave ne doit être placé que fur les fyllabes finales dont le fon eft très-plein & très-ouvert, & qui font terminées par une s; c'eft le fentiment de Pierre Corneille, de Meffieurs de Port-Royal, & du P. Buffier. Ainfi il ne faut pas écrire par ex, comme nos Anciens mais par ès, la derniere fyllable des mots fuivants; abcès, accès, agrès, après, auprès, Cérès, Cyprès, décès, dès, excès, grès près, procès, fuccès, & leurs femblables.

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L' Grave n'a lieu & ne doit être admis que dans le feul mot où, adverbe, lorsqu'il peut fe tourner en Latin par la particule in, ou lorsqu'il défigne quelqu'une des questions de lieu, ubi, unde, quò & quà: car lorfque le mot ou eft conjonction disjonctive & fignifie ou bien, qu'on exprime en Latin par vel, il faut toujours l'écrire avec un u simple ; c'eft l'ufage général.

DE L'ACCENT AIG V.

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L'Accent Aigu ne doit être mis en François que fur l'è fermé on masculin, foit au commencement, foit au milieu, foit à la fin des mots : comme dans bonté, donné, féverité austérité, réfifter, & femblables: & il remplace dans bien des mots une retranchée que l'étymologie y avoit fait con→ ferver, & qui fervoit à faire prononcer l'é fermé, comme dans étude, répondre, rétablir, chrétien, &c. qué l'on écri

comme

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voit autrefois eftude, refpondre, reftablir, chreftien, &c. L'é eft ordinairement fermé & doit avoir l'Accent Aigu dans la fyllabe re lorfqu'elle commence un mot, dans répondre, république, & un grand nombre d'autres. Il y en a plufieurs d'exceptés, tels que rebut, rebours, rebrouffer, rebuffade, recoin , recommander, reconnoiffance, reconnoître, recourir, recevoir, (excepté ces deux dérivés, réception, récipient) reculer, redevable, redoute, refrein refrogner, regarder, regimber, refuge, refus, regret, relais, relent, reliefs, relique, religion, remede, remercier, remuer renard, René, renifler, renoncer, renom, repaire, repartir repentir, repletion, repas, replique, repos, repréfailles, reproche, requérir, requête, revanche, revéche; revivre, re& plufieurs autres qu'on trouvera chacun dans leur ordre alphabétique, dans le corps de cet Ouvrage, ayant été omis dans la Grammaire du P. Buffier, dont j'ai extrait ceux-ci, auxquels je n'ai rien voulu ajouter, pour ne pas défigurer la remarque de cet Auteur. Dans ces mots on ne. met point d'Accent Aigu fur la fyllabe re, parce que muet ou féminin.

vers,

l'e eft

Voici une bizarrerie introduite par l'ufage. L'é eft fermé dans réfugier, & il eft muet dans refuge. Il eft fermé dans rélégation, & muet dans réleguer. On dit rémiffion, quoiqu'on dife remettre : rétention, quoiqu'on dife retenir irréligion & irréligieux, quoiqu'on dife quoiqu'on dife, religion & religieux, &c.

Souvent un même mot a des fignifications toutes différentes, en y prononçant la fyllabe re avec l'e muet ou avec Pe fermé. Répartir avec l'é fermé fignifie diftribuer ; & repartir avec le muet fignifie répondre, ou partir une feconde fois. Répondre fignifie faire une réponse, & repondre fignifie pondre une feconde fois.

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Quant aux noms terminés en iere, comme lumiere, premiere, & tous les autres qui ont un e muet à la derniere fyllabe, & un autre e à la pénultieme les uns mettent un Accent Aiga fur l'é de la pénultieme fyllabe, les autres y mettent un Accent Grave è, plufieurs n'y veulent auçun Accent. La prononciation de cet e tient le milieu entre celle de l'é fermé & de l'è ouvert; deforte que nous n'avons point d'Accent qui puiffe indiquer le fon de cet e. Quoiqu'il paroiffe approcher un peu plus de l'é fermé que de l'è ouvert, cependant je penfe qu'il n'a befoin d'aucun Accent, parce que fa prononciation eft fuffifamment déterminée par fa pofition, une muet ne pouvant jamais fe trou

ver à la fin d'un mot après un autre e muet dans la fyllabe précédente. Voyez là-deffus la Grammaire de M. Reftaut. L'Accent Aigu fe place encore fort bien fur la fyllabe pré, quand elle eft initiale dans un mot François dérivé d'un Latin qui commence par la prépofition præ, car alors l'é eft fermé, comme dans ceux-ci, précedent, prérogative, prétexte, prébende, précaution, précepte, précipice, précis, prédeftiné, Prédicateur, Préface, Préfet, & plufieurs autres femblables.

Enfin l'e Aigu eft encore admis au commencement, au milieu & à la fin de tous les mots où il fe trouve fuivi d'une voyelle, quelle qu'elle foit, pourvu qu'il n'y forme pas une diphthongue. En voici des exemples approuvés pas nos Modernes. Créateur, néanmoin, préambule, il agréa: Réel, fuppléer, créé Déité, obéiffance, obéi: Théorie, préoccupé, Théologie: Réunion, réuffir, & plufieurs autres femblables, Enfin pour placer à propos l'Accent Aigu, il faut connoître l'é fermé par-tout où il fe rencontre ; & l'oreille ne peut s'y accoutumer qu'à force d'entendre parler des perfonnes dont la prononciation eft fans défaut.

Pour éviter la prononciation choquante de deux e muets qui fe rencontreroient de fuite, l'e muet des premieres perfonnes des verbes, devient fermé & prend l'Accent Aigu, quand ces perfonnes font fuivies du pronom perfonnel je avec lequel elles ne font qu'un mot: aimé-je? parlé-je ! DES TREMA >

Ou Voyelles qui portent deux points en tête.

Il n'y a en François que trois voyelles qui portent des points en tête, favoirë, ï, ü, dont la plupart des Imprimeur abufent, ne fachant pas, ou ne faifant pas attention qu'elles ont été inventées pour faire connoître qu'elles ne forment pas une diphthongue avec la voyelle qui les précede, & par conféquent qu'on doit les prononcer féparément, comme je vais le prouver.

Le Trema ne fe rencontre qu'après l'a, l'o & l'u.

Après l'a, comme en ces mots Aëte, Aërius, Aëtius, aëré, & femblables, où l'ë Trema fert pour éviter qu'on ne prononce Ete, Ærius, Ætius, aré, &c.

Après l'o, dans Poëte, poëfie, aloës, poële, Noël, pour empêcher qu'on ne prononce l'o & l'e comme la diphthongue a, qui fe trouve en ces mots, œuvre, cœur, fœur, &c.;

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