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dition. La preuve en est dans la lettre de Bossuet à son chapitre, en tête du Commentaire sur les Psaumes. Or un tel travail exigeoit qu'on eût les livres sous les yeux, et la plupart de ces livres ne sont point du tout portatifs. D'ailleurs, ces conférences commencèrent dans l'avent de 1673, à S.-Germainen-Laye; ce lieu, où l'air est très-vif, et la saison ordinairement rigoureuse de l'avent, pouvoient-ils permettre des promenades longues et sérieuses? Quant aux érudits que Bossuet s'étoit associés, et dont M. d'Alais ne parle pas, nous les avons nommés sur la foi de l'abbé de Longuerue, qui lui - même assista pendant quelque temps à ces conférences.

Quoi qu'il en soit, Bossuet ne les avoit établies que pour y trouver plus de facilité à l'exécution de son plan; seul et dans le secret de son cabinet, il y travailloit avec une persévérance qui tient du prodige. En 1690, comme si ces savans et sublimes ouvrages que presque chaque année voyoit éclore, n'eussent pas dû absorber toute son attention et tout son temps, il avoit encore des commentaires préparés sur tous les livres de la sainte Ecriture. Il n'en a publié que deux volumes, le premier sur les Psaumes, le second sur les Livres Sapientiaux; mais il est indubitable que les autres étoient au moins fort avancés, puisque, dans la lettre à son chapitre, il promet de les donner sans interruption; puisque dans la préface sur l'Ecclésiastique et encore ailleurs, il répète la même promesse ; puisqu'enfin le privilége qu'il sollicita pour l'impression de ces deux volumes, lui fut accordé pour l'impression de ses Notes sur toute l'Ecriture sainte.

Ces notes n'ont point paru, parce que d'autres travaux plus pressans occupèrent les dernières années de sa vie : mais après sa mort, le manuscrit s'en est trouvé dans ses papiers, et voici ce qu'on sait du sort de ce manuscrit.

Il étoit tombé par héritage, ainsi que tous les autres papiers de Bossuet, dans les mains de son neveu, depuis évêque de Troyes; celui-ci obtint successivement deux priviléges pour l'impression de ceux qu'il jugea dignes d'être publiés; et dans le second de ces priviléges, daté du 2 décembre 1727, où les titres de la plupart sont énoncés, on lit: Notæ in libros Genesis et Prophetarum. Le privilége étoit accordé pour vingt années: dans cette période, presque tous les ouvrages énoncés ont paru, et non pas ce dernier, dont le manuscrit, même après la mort de l'évêque de Troyes, ne s'est pas retrouvé.

On vendit en 1741 les livres de la bibliothèque de M. Lepelletier des Forts: au n.o 50 du catalogue est porté un manuscrit in-4.0, intitulé J.-B. Bossuet notæ et commentaria in libros Genesis.... in Isaiam et Prophetas. Ce manuscrit ne pouvoit pas être l'original, que l'évêque de Troyes, vivant encore alors, eût infailliblement réclamé. On conjecture que c'en étoit une copie venue de l'abbé Fleury. Quoi qu'il en soit, elle fut achetée par le libraire Barrois, chez lequel C. F. Le Roi atteste l'avoir vue, et n'avoir pu l'acquérir, parce que le prix qu'en exigeoit ce libraire étoit au-dessus de ses facultés. Voyez sa traduction des Dissertations de Bossuet, page 5.

De la boutique de Barrois, ce manuscrit passa dans la bibliothèque de M. de Mazaugues, puis dans

celle de l'évêque de Carpentras, et de là en Italie, où il n'a plus été possible d'en suivre la trace. Voyez page 17 de la préface du tome I de l'édition de D. Déforis.

Nous nous sommes assurés, que dans le précieux dépôt des manuscrits de la bibliothèque du Roi, il n'en existoit aucun, original ou copie, total ou partiel, des commentaires de Bossuet sur l'Ecriture sainte; ce qui laisse peu d'espoir de recouvrer jamais les originaux.

Le P. le Long, page 647 de sa Bibliothèque sacrée, cite des notes de Bossuet sur Job, Isaïe et Daniel, existantes en manuscrit dans le cabinet d'Alexandre le Roy. Ce ne pouvoit être que des copies : car à l'époque où écrivoit le P. le Long, en 1723, les originaux étoient certainement entre les mains de l'évêque de Troyes. On ne sait d'ailleurs ce que sont devenues ces copies.

Au tome II d'un recueil de Lettres et Opuscules de Bossuet, imprimé à Paris, 1748, on trouve, p. 209, un commentaire sur le Cantique des Cantiques; et page 239, des Notes sur saint Luc et sur saint Jean. Le premier de ces opuscules est évidemment extrait et traduit de l'imprimé latin; par conséquent, il ne peut nous intéresser; quant au second, l'éditeur ne dit pas d'où il a tiré ces notes: mais elles sont si pauvres, si peu dignes de Bossuet, quelques-unes mêmes si étranges, que nous n'hésitons pas à les déclarer absolument apocryphes.

Pour épuiser donc ce que nous avions à dire des manuscrits de Bossuet sur l'Ecriture sainte, il nous reste à parler de cette grande Bible de Vitré, dont

les marges sont chargées de notes recueillies dans les conférences de 1673. M. Brajeux, libraire, auquel elle appartient, nous a bien permis de l'examiner chez lui, mais non avec le loisir et le soin que nous aurions désiré d'y apporter. Voici du moins le résultat de ce que nous y avons observé.

D'abord on n'y trouve aucune note sur les livres de Tobie, Judith, Esther, non plus que sur les Psaumes, les Machabées, et le nouveau Testament: les notes sont plus ou moins multipliées, plus ou moins étendues sur les autres livres; quantité de versets obscurs, même des chapitres entiers n'en ont aucune : les plus nombreuses et les plus longues sont sur les prophéties d'Isaïe et de Daniel. Presque toutes, les neuf dixièmes au moins, sont écrites de la main de l'abbé Fleury, les autres de différentes mains, extrêmement peu de celle de Bossuet. Enfin les notes sur la Sagesse et l'Ecclésiastique, ne sont point écrites à l'encre, mais au crayon, et assez difficiles à déchiffrer.

Ces particularités qui ne portent que sur la superficie, sont de peu d'intérêt ; en voici de plus sé

rieuses.

Bossuet n'étoit pas sans doute un acteur muet dans les conférences qu'il avoit établies; sans doute, il y donnoit ses avis, auxquels le respect pour ses lumières, plus encore que pour sa dignité, ajoutoit une juste prépondérance: mais dans cet établissement, quel avoit été son but? nous l'avons dit; de suppléer à ce qui lui manquoit en connoissance des langues originales de la sainte Ecriture; possédant d'ailleurs éminemment toutes les autres parties du

savoir requis en un commentateur, il consultoit ses doctes associés, comme des lexiques vivans, qui satisfaisoient à l'instant à ses difficultés, et lui épargnoient l'ennui de pâlir sur d'énormes in-folio, souvent avec le dégoût de ne pas trouver ce qu'il y cherchoit.

Or quiconque voudra seulement parcourir la Bible de Brajeux, sera comme nous convainc qu'un grand nombre des notes ne peut être attribué qu'aux savans hébraïsans des conférences: toutes celles, par exemple, signées à la fin des lettres H, CH, et du chiffre 70; abréviations qui indiquent des leçons de l'hébreu, du chaldéen et des Septante, différentes de la leçon de la Vulgate; plusieurs autres ne présentent que des interprétations particulières tirées des Thargumim ou des rabbins; il est évident que ces notes, généralement assez courtes, n'ont été données que par les associés hébraïsans. Il en est de plus étendues, surtout sur les Prophètes, qui éclaircissent des points d'histoire, de chronologie et de géographie ancienne. Quoique Bossuet ne fût rien moins qu'étranger dans ces parties de l'instruction scholastique, il est néanmoins certain que jamais il ne s'y étoit appesanti en critique obstiné à débrouiller le chaos des difficultés qui s'y rencontrent : il s'en rapportoit à cet égard aux ouvrages réputés les plus exacts et les plus judicieux; c'est ainsi que dans la première partie de son Discours sur l'Histoire universelle, il a suivi le systême et les calculs d'Ussérius. Nous penchons donc à croire que les longues notes où se trouvent des discussions de cette espèce, appartiennent moins à lui, qu'à quelqu'un de ses

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