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A ce titre, j'ai cru devoir appeler l'attention des Belges, mes compatriotes, sur ce marché de la Moldavie et de la Valachie, sur ces deux ports de Galacz et d'Ibraïla, qui nous attendent et nous ouvrent, pour ainsi dire, l'accès de la mer Noire.

Puisse mon appel être entendu !

Qu'à leur tour, les Roumains se préoccupent de nos produits industriels, qu'ils nous demandent des machines pour transformer leurs produits agricoles, des rails et des locomotives, des waggons et des tenders pour les voies ferrées, dont leurs belles plaines, leurs heureuses vallées vont bientôt se couvrir. Des voies de communication, comme routes et chaussées, des lignes de railways, anéantissant l'espace : voilà ce qui manque au bassin du Bas-Danube. Eh bien! que les Roumains visitent la Belgique, et lui empruntent des ingénieurs, lui demandent des exemples, des leçons, des capitaux, des instruments perfectionnés de travail; à cet échange, les deux peuples s'enrichiront et fraterniseront malgré la distance qui les sépare, distance qui n'est plus un obstacle avec l'application de la vapeur et du télégraphe électrique. Voilà mon espoir, la récompense de cette modeste et consciencieuse publication.

Du reste, les Roumains et les Belges ne manqueront pas de répondre à ce que leur indiquent les liens de parenté de leur dynastie respective; entre les illustres maisons de Hohenzollern et de Saxe-Cobourg, il y a d'antiques nœuds qui se sont resserrés de nos jours par d'intimes alliances; la politique est ici d'accord avec les intérêts pour les ennoblir et les féconder.

LA SERBIE

A la rigueur, j'aurais du ouvrir ce volume par la monographie relative à la Serbie; mais je me suis conformé à l'ordre que j'ai suivi pour mes diverses publications, ordre chronologique, indépendant de la position géographique, et qui eut sa raison d'être dans la série de mes travaux de publiciste.

La Serbie ou Servie, en langue turque Serfvilaïeti, a pour limites au nord, le Danube; à l'est, le Timok; au sud, la Bosnie et l'Albanie; à l'ouest, la Save et la Drina. Sa superficie est de 968 milles géographiques; sa population s'élevait, en 1868, à environ douze cent mille habitants, non compris trente mille Tsiganes (Bohémiens) qui mènent une existence nomade.

Mais les Serbes de la Principauté ne forment qu'un rameau du grand peuple de race slave qui, au xive siècle, sous le règne d'Etienne Dushan, eut ses jours de gloire et de puissance dans l'Europe orientale.

On compte encore aujourd'hui cinq à six millions de Serbes, tous dirigeant leurs regards vers la Principauté dont l'autonomie est pour eux l'espoir, presque le gage du réveil de leur antique splendeur nationale.

Seulement la longueur de l'étroit territoire sur lequel se

trouvent disséminés les Serbes de la Turquie d'Europe, de l'Empire d'Autriche, du royaume de Hongrie, contrarie une fusion, que la Russie empêche d'ailleurs, dans l'intérêt du Panslavisme, c'est-à-dire de l'union de tous les Slaves sous l'autorité des czars.

Quoi qu'il en soit, la nationalité serbe se révèle par la communauté d'origine, l'identité d'idiome, la conformité de religion (rite grec orthodoxe), enfin par une chaîne vivante de traditions historiques, transmises de génération en génération, au moyen du concours de la poésie et de la musique, dans ces piesmas que l'on chante sur un mode vibrant ou mélancolique aux accords de la guzla.

Les piesmas sont dans la mémoire, comme la guzla se trouve dans toutes les habitations des Serbes de la Serbie proprement dite et des contrées suivantes : Croatie, Slavonie, Syrmie, Banat, établissements des confins militaires de l'Autriche, Dalmatie, Bosnie, Herzégovine, Tsernogore (Monténégro), Albanie.

Ce fut sous le règne de l'empereur Héraclius, par un décret daté de Constantinople, l'an 630 de notre ère, qu'une grande migration de Slaves, désignés sous le nom de Serbes, reçut l'autorisation de s'établir dans la Mésie supérieure, contrée qui s'étendait entre le Danube et le Mont Homus.

Les historiens bysantins représentent ces colons de l'empire d'Orient comme une race belle et vigoureuse, aux traits purs, à la constitution athlétique, douée d'intelligence, audacieuse, mais sachant se contenir, persistante du reste et jalouse à l'excès de son indépendance, enfin joignant beaucoup de fierté à l'amour inné de la patrie et de la gloire.

A tant de siècles d'intervalle, plus de douze cents ans, les Serbes contemporains n'ont dégénéré ni au moral ni au physique; il est vrai qu'ils sont tous frères, nobles et

guerriers, chaque homme se sent appelé à combattre et à commander.

Les Turcs, qui ont appris à les estimer sur le champ de bataille, les désignent sous le titre d'Arabes de l'Europe, dont ils ont effectivement les mœurs patriarcales et l'esprit de famille ou de tribu.

A la suite d'une assez longue indépendance sous des souverains de leur race, les Serbes furent, en 943, annexés au royaume des Bulgares, prenant un rapide essor, un grand développement de puissance qui n'était pas durable. Mais les souverains de Constantinople, par un de ces retours de fortune qui, dans certaines circonstances, rendaient quelque prestige au Bas-Empire, soumirent les Bulgares et les Serbes; toutefois ceux-ci parvinrent à s'affranchir, et alors surgit leur illustre monarque législateur, le despote Étienne Dushan qui, au xive siècle, conquit la Thrace, la Macédoine et plusieurs contrées de l'Albanie et de la Thessalie, dont il forma la Grande Serbie.

Cette monarchie, malgré le concours des Bulgares et des Hongrois, ligués avec les Serbes pour résister à la redoutable invasion d'Amurath, sultan des Turcs Osmanlis, succomba en 1389 sur le champ de bataille de Kossovo, immortalisé par les piesmas.

Dans toute l'exaltation d'une victoire achetée bien cher, car elle lui avait coûté ses plus braves officiers et ses meilleurs soldats, le sultan parcourait cette vaste plaine couverte de morts et de mourants; un Serbe blessé, se soulevant avec effort, frappa de son glaive Amurath qui, avant d'expirer, recommanda à ses lieutenants de s'assurer de l'amitié des Serbes, pour en faire les défenseurs de l'Empire ottoman dans le bassin du Danube. Le fils d'Amurath, le sultan Bajazet, à son avénement au trône, sans s'arrêter aux

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