André Chénier

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Lecène, Oudin et cie., 1894 - 239 pages

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Page 165 - Mon beau voyage encore est si loin de sa fin ! Je pars, et des ormeaux qui bordent le chemin J'ai passé les premiers à peine. Au banquet de la vie à peine commencé, Un instant seulement mes lèvres ont pressé La coupe en mes mains encor pleine. Je ne suis qu'au printemps, je veux voir la moisson: Et comme le soleil, de saison en saison, Je veux achever mon année.
Page 85 - On me verra toujours pratiquer cet usage. Mon imitation n'est point un esclavage : Je ne prends que l'idée, et les tours, et les lois Que nos maîtres suivaient eux-mêmes autrefois. Si d'ailleurs quelque endroit, plein chez eux d'excellence, Peut entrer dans mes vers sans nulle violence, Je l'y transporte, et veux qu'il n'ait rien d'affecté. Tâchant de rendre mien cet air d'antiquité, Je vois avec deuleur ces routes méprisées : Art et guides, tout est dans les Champs Élysées.
Page 165 - L'ÉPI naissant mûrit, de la faux respecté ; Sans crainte du pressoir, le pampre tout l'été Boit les doux présents de l'aurore ; Et moi, comme lui belle, et jeune comme lui, Quoi que l'heure présente ait de trouble et d'ennui. Je ne veux point mourir encore.
Page 84 - Souvent des vieux auteurs j'envahis les richesses. Plus souvent leurs écrits, aiguillons généreux, M'embrasent de leur flamme, et je crée avec eux. Un juge sourcilleux, épiant mes ouvrages, Tout à coup à grands cris dénonce vingt passages Traduits de tel auteur qu'il nomme; et, les trouvant, Il s'admire et se plaît de se voir si savant.
Page 166 - O mort! tu peux attendre; éloigne, éloigne-toi; Va consoler les cœurs que la honte, l'effroi, Le pâle désespoir dévore. Pour moi Pales encore a des asiles verts, Les Amours des baisers, les Muses des concerts. Je ne veux point mourir encore.
Page 84 - Mille de ces larcins qu'il ignore peut-être. Mon doigt sur mon manteau lui dévoile à l'instant La couture invisible et qui va serpentant Pour joindre à mon étoffe une pourpre étrangère. Je lui montrerai l'art, ignoré du vulgaire, De séparer aux yeux, en suivant leur lien, Tous ces métaux unis dont j'ai formé le mien.
Page 200 - Au pied de l'échafaud j'essaye encor ma lyre. Peut-être est-ce bientôt mon tour. Peut-être avant que l'heure en cercle promenée Ait posé sur l'émail brillant, Dans les soixante pas où sa route est bornée, Son pied sonore et vigilant, Le sommeil du tombeau pressera ma paupière. Avant que de ses deux moitiés...
Page 117 - Ainsi le grand vieillard, en images hardies, Déployait le tissu des saintes mélodies. Les trois enfants, émus à son auguste aspect, Admiraient, d'un regard de joie et de respect, De sa bouche abonder les paroles divines, Comme en hiver la neige aux sommets des collines. Et partout accourus, dansant sur son chemin, Hommes, femmes, enfants, les rameaux à la main, Et vierges et guerriers, jeunes...
Page 165 - Qu'un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort, Moi, je pleure et j'espère ; au noir souffle du nord Je plie et relève ma tête. S'il est des jours amers, il en est de si doux ! Hélas ! quel miel jamais n'a laissé de dégoûts?
Page 169 - Mes parents, mes amis, l'avenir, ma jeunesse; Mes écrits imparfaits : car, à ses propres yeux , L'homme sait se cacher d'un voile spécieux ... A quelque noir destin qu'elle soit asservie, D'une étreinte invincible il embrasse la vie, Et va chercher bien loin, plutôt que de mourir, Quelque prétexte ami de vivre et de souffrir.

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