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tions, pour leur aider à fe montrer conve→ nablement dans leurs exercices publics. Ce qu'ils difent in'étant point ordinairement de leur propre fonds; il eft de leur intérêt de fe faire honneur par la maniere de le dire, en faisant voir qu'ils fentent eux-mêmes, & qu'ils comprennent ce qu'ils difent. ai

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La premiere chafe que les Jeunes-gens ontra obferver, eft que leur prononciation foit nette. Pour cela, il faut parler doucement, diftinguer les fons, ne point négliger les finales, féparer les mots, les fillabes, quelquefois même certaines lettres qui pourroient de confondre, ou pro duire par le choc un mauvais fon : s'arrêters aux points & aux virgules, & partout où le fens & la netteté l'exigent. La prononciation eft au difcours, ce que l'impreffion eft à la lecture. Un ouvrage élégamment imprimé, fur beau papier exactement ponctué, justement efpacé dans les lignes & dans les mots, acquiert un nouveau mérité. Il féduit les yeux. De même on entend avec plaifir une prononciation-nette, qui porte à l'oreille les mots, fans confufion, fans embarras : l'efprit en

voit mieux l'ordre & le détail des pensées.

2°. Que la prononciation foit aifée & coulante. Dès que l'orateur peine, l'auditeur eft gêné. Il vaudroit mieux faire quelques fautes en galant homme, que d'être fcrupuleux en pedant.

30. Ce n'eft point affez. que la prononciation foit exacte & aifée, (c'est déja un grand point, & affez rare dans la Jeuneffe françoife) il faut encore prendre le ton convenable à ce qu'on dit. Comme ces tons varient à l'infini, il est très-difficile d'en marquer les différences & d'en donner des regles. Cependant il femble qu'on peut les réduire à trois efpeces: le ton familier, le foutenu, & un troifiéme, qui tient le milieu entre les deux, & que pour cela, on peut appeller

ton moyen.

Le ton familier eft celui de la converfation ordinaire. Il n'eft ni chantant, ni monotone. Il confifte dans les inflexions douces & fimples. Il eft plus facile de l'apprendre par imitation, en choififfant quelque modéle, que par regles. J'ai dit en choififfant un modéle, car il y a un certain choix à faire : il y a le familier des honnêtes gens: & il ne feroit pas fûr de

faire parler les Jeunes-gens comme ils parlent avec ceux de leur âge.

Le ton foutenu eft celui qu'on emploie dans la déclamation des difcours graves, ou lorsqu'on lit des ouvrages très-férieux. La voix eft toujours pleine, les fillabes font prononcées avec une forte de mélodie demi-chantante: on ne varie les inflexions qu'avec dignité.

Le ton moyen a un peu plus d'apprêt que le familier, & un peu moins que le foutenu. Ces trois efpeces de tons ont chacun leurs degrez, ou il y a du plus ou du moins, felon les fujets, les acteurs, les auditeurs, & les lieux.

Il femble qu'on doit dire, dans un Exercice public, d'un ton familier toutes les définitions, les remarques, les réflexions, les récits: c'eft un entretien littéraire.

D'un ton un peu plus élevé, toutes les citations, foit en vers, foit en profe, quand elles ne feront point dans le genre noble ; par exemple, quand ce fera quelque morceau de Differtations, ou de Comédies, ou un Apologue. Car on ne dira pas du même ton, la Cigale par exemple, & les remarques qui feront faites fur cette

fable. Celles-ci feront dites d'un ton plus uni, plus négligé : la Fable fe fentira un peu de l'art, on lui donnera un air plus gracieux, plus riant.

Enfin on dira d'un ton foutenu les morceaux d'Oraifons ou de haute Poëfie. Je mets ici la haute Poëfie avec l'Oraifon, quoiqu'elle ait encore un degré au-deffus. Ôn doit chanter les vers & non les lire. Ainfi on dira d'un ton noble : Turenne meurt, tout fe confond: la Paix s'éloigne : la Victoire fe laffe: mais ce ton fera plus grand encore quand on dira:

Manes des grands Bourbons, brillans foudres de guerre, Qui fûtes & l'exemple & l'effroi de la terre, &c.

Ce ton foutenu confifte principalement, au moins pour les Jeunes - gens, 1o. à baiffer la voix au commencement de chaque période. Il eft d'obfervation qu'on ne manque jamais de remonter infenfiblement au ton qu'on a quitté. Cela fait une variété qui termine les phrases, & dont il n'eft pas difficile à l'oreille de fe contenter. Peut-être même qu'il feroit ridicule d'en demander davantage dans un Exercice. Veut-on qu'un enfant fasse tour-à-tour mille rôles différens; qu'il fe

plie à mille caractères qu'on lui fait passer dans la mémoire ? Qu'il déclame comme Bourdaloue, & qu'une ligne après il fasse le Crifpin? Il confifte 29. à prononcer d'un air paffionné : c'est-à-dire, en appuyant fur certaines fyllabes, pour faire fortir l'ame & exprimer la verve. 3°. A faire fentir la rime, fur-tout la féminine, dans la haute poëfie; fans néanmoins s'arrêter qu'aux points & aux virgules. Car c'eft une faute de s'arrêter à la rime quand le fens ne l'exige point.

Quant au Gefte, on croit communément que faire des geftes, c'eft remuer, fur-tout les mains. Faire des geftes, c'est montrer par le maintien ou le mouvement du corps, qu'on fent, ou qu'on penfe. C'est un langage qui ne s'adreffe qu'aux yeux. Au lieu que les mots & les tons s'adreffent aux oreilles.

Il feroit auffi ridicule de demander aux enfans les grands geftes, que les tons paffionnez de la chaire ou du théâtre. Qu'ils fe tiennent bien, qu'ils aient un air gracieux & conforme à ce qu'ils difent, qu'ils paroiffent fentir, c'eft affez. S'ils font quelque mouvement des mains, que ce foit des naiffances de geftes, plûtôt

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