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parloit le mieux qui fe rendoit le plus intelligible, & qu'on fe le rendoit d'au"tant plus, qu'on laiffoit moins à faire à "la conception de ceux à qui on adresse la parole. Le dérangement des mots & "la difpofition prefque arbitraire que permet fur ce point la conftruction La"tine, a quelque chofe de fatiguant pour l'intelligence de celui qui écoute. Il faut qu'il épelle, pour ainfi dire, chaque "mot, & qu'il mette en ordre dans fon efprit ce que nous préfentons en défordre dans le difcours... Au-lieu que no"tre Langue épargne cette fatigue à l'au"diteur, en lui préfentant les idées dans l'ordre naturel qu'elles doivent avoir... "C'eft un avantage que notre Langue a » fur la Latine & fur celles qui lui ressem» blent... Je ne prétends point par-là déprimer la langue Latine, que j'ai étu» diée toute ma vie... Mais il faut qu'elle »céde à la nôtre pour la régularité & la

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" netteté de la conftruction.

Cette conféquence, qui, rapprochée des prémiffes, paroîtra finguliere, prouve bien que nous ne fommes point, nous autres François, placez, comme il faudroit l'être, pour juger fi les conftruc

tions des Latins font plus naturelles que les nôtres. L'habitude eft une feconde nature: il y a long-tems qu'on l'a dit, & cela n'eft jamais plus vrai qu'en matiere de Langue. J'écris en allant de gauche à droite; & je trouve plaifant qu'un Hebreu écrive en venant de droit à gauche. C'est vous-même qui êtes plaifant, me dit l'Hebreu. Vous ne voyez votre écriture que quand vous l'avez faite, & qu'il n'eft plus tems de la réformer; votte main & votre plume vous la cachent; au-lieu que nous, venant de droit à gauche, nous voyons le trait à mefure qu'il fe forme, Rions, fi vous le voulez, de fon raifonnement: toujours eft-il vrai, qu'à en juger par l'imagination, nous croyons que nos antipodes ont la tête en-bas, & que c'est à nous autres qu'il appartient de l'avoir en-haut.

Il pourroit bien arriver la même chofe dans ce qu'il nous plaît de prononcer fur les conftructions Latines, & que ce renverfement, ou inverfion de l'ordre naturel, que nous leur attribuons, fût chez nous plûtôt que chez eux. Voyons s'il y a au moins de quoi rendre le doute raisonnable.

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Cette question, plus importante qu'on ne le croiroit au premier coup d'œil, est la clef de prefque toutes les beautez qui tiennent à l'arrangement des mots. En la difcutant avec foin on verra l'ordre qu'on doit mettre dans les penfées & dans les expreffions; & le méchanisme fecret qui fait la grace & la force du difcours. On trouvera outre cela les principes des différences qu'on remarque dans les Langues; la raifon de leurs marches contraires, & ce qu'elles gagnent ou ce qu'elles perdent, en fuivant des fyftêmes différens.

Ni les Grecs, ni les Latins n'ont pû traiter cette matiere, parce que l'arrangement des mots étant fondé fur les mêmes principes dans la langue Grecque & dans la Latine, il a dû fe trouver le même dans les bons auteurs des deux Lan

gues: & lorfqu'il ne s'y eft point trouvé, on n'a dû s'en prendre qu'aux écrivains.

Mais avant que d'examiner fi les Latins fuivent ou ne fuivent pas l'ordre naturel, il est néceffaire de favoir quel eft cet ordre, & quels font fes procédez.

Nous obfervons d'abord que les expreffions font aux pensées, ce que les penfées

font aux chofes. Il y a entre elles une efpece de génération, qui porte la reffemblance de proche en proche, depuis le principe jufqu'au dernier terme. Les chofes font naître la pensée, & lui donnent fa configuration. La penfée à fon tour produit l'expreffion, & lui prefcrit la forme qui lui convient. La pensée est une image intérieure, qui fe voit immédiatement par l'efprit. L'expreffion eft une image extérieure qui montre la pensée dans des fignes arbitraires ou naturels qui la repréfentent. La penfée & l'expreffion font donc images l'une & l'autre. Or la perfection de toute image confifte dans fa reffemblance avec ce dont elle eft image: & cette reffemblance, quand elle est parfaite, doit représenter non-feulement les chofes, mais l'ordre dans lequel fe trouvent les choses. Par exemple, fi ma pensée me représente un homme; ce n'est pas affez qu'elle me peigne des bras, une tête, des jambes : il faut encore qu'elle place ces membres comme ils doivent être placez, c'est-à-dire, comme ils le font réellement dans l'homme qui eft repréfenté, fans quoi l'image eft cenfée fauffe.

C'est donc de l'ordre & de l'arrange

ment des chofes & de leurs parties, que dépend l'ordre & l'arrangement des penfées, & de l'ordre & de l'arrangement de la pensée & de fes parties, que dépend l'ordre & l'arrangement de l'expreffion. Et cet arrangement est naturel ou non dans les pensées & dans les expreffions qui font images, quand il eft, ou qu'il n'eft pas conforme aux chofes, qui font modéles. Et s'il y a plufieurs chofes qui se fuivent, ou plufieurs parties d'une même chofe, & qu'elles foient autrement arrangées dans la pensée qu'elles ne le font dans la nature, il y a inverfion ou renversement dans la pensée. Et fi dans l'expreffion, il y a encore un autre arrangement que dans la penfée, il y aura encore renversement. D'où il fuit que l'inverfion ne peut être que dans les penfées ou dans les expreffions, & qu'elle ne peut y être qu'en renverfant l'ordre naturel des chofes qui font représentées.

Quel eft donc l'arrangement des choses dans la nature?

C'est une maxime reçue chez tous les Philofophes, que l'objet meut la puiffance: que l'ame ne peut fe porter à rien fans l'avoir connu auparavant. Et le bon fens

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