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L'Elocution en général eft donc l'expreffion de la pensée par la parole.

Comme l'expreffion & la penfée ont le même objet & les mêmes regles, nous allons les faire marcher à côté l'une de l'autre, pour fe fervir mutuellement d'appui & de preuves. On nous pardonnera quelques détails.

La penfée en général est la représentation de quelque chofe dans l'efprit : comme quand je me représente en moi-même le foleil.

L'expreffion en général est la représentation de la pensée : je pense au foleil, & je dis le foleil : voilà ma pensée exprimée.

Nous avons dit il y a un moment, qu'il y avoit trois fortes de penfées, l'idée, le jugement, & le raifonnement : & que l'expreffion de ces trois fortes de penfées étoient le terme, la propofition, l'argument (a).

Lorfqu'une idée renferme plufieurs autres idées, alors on l'appelle complexe : Un arbre orné de fleurs, chargé de fruits. Une maison grande & richement meublée.

(a) Voyez ci-dessus, pag. 24.

Quand elle eft feule & féparée de toute autre idée, on l'appelle idée fimple.

Le jugement, ou la propofition, contient trois parties: l'une à laquelle on en joint une autre, le foleil; l'autre qui eft jointe, rond; la troifiéme qui fait la liaifon des deux eft: Le foleil eft rond. La premiere de ces parties s'appelle fujet, la feconde attribut, la troifiéme liaifon.

La propofition eft quelquefois renfermée dans un feul mot: Aimez, c'est-àdire,vous-foyez-aimant. Quelquefois elle a deux mots, je lis, c'est-à-dire, je-fuislifant. Souvent elle a fes trois mots jefuis-aimé. Toutes ces efpeces de propofitions font fimples, parce qu'elles n'ont qu'un fujet & qu'un attribut. Celles qui en ont plufieurs font.compofées, & on les nomme compliquée ou complexe.

Dans la propofition complexe on diftingue la propofition principale, & les propofitions incidentes. Celles-ci font attachées au fujet ou à l'attribut. La crainte de ceux qui parlent en public eft raisonnable. La crainte eft raisonnable, c'eft la propofition principale; de ceux qui font parlans en public, c'eft la propofition incidente; puifqu'elle s'appuie, qu'elle tombe fur le fu

jet de la propofition principale. Si on vouloit en ajouter une auffi à l'attribut, on pourroit dire: La crainte de ceux qui parlent en public eft l'effet d'une raifont qui eft éclairée. C'eft de ces fortes de propofitions que tous les livres font remplis.

Nous avons donné ci-deffus quelques détails fur les raisonnemens, nous prions le lecteur d'y avoir recours (a).

Voilà donc trois fortes de penfées, l'idée, le jugement & le raifonnement: & trois fortes d'expreffions, le terme, la propofition, l'argument. Voyons quelles en doivent être les qualitez.

I I.

Qualitez de l'Elocution.

Les penfées & les expreffions ont deux fortes de qualitez, les unes qu'on peut appeller logiques, parce que c'eft la raifon & le bon fens qui les exigent; les autres font des qualitez de goût, parce que c'est le goût qui en décide. Celles-la font la fubftance du difcours, celles-ci en font l'affaifonnement.

(4) Pag. 25.

Qualitez Logiques.

La premiere qualité effentielle de la penfée, c'eft qu'elle foit vraie ; c'est-à-dire, qu'elle repréfente la chofe telle qu'elle eft. Je me repréfente le foleil comme un corps rond & lumineux, qui paroît traverfer le ciel, ma pensée eft vraie. Si je me le représente comme un corps quarré, obfcur, immobile aux yeux, ma pensée eft fauffe.

L'expreffion eft vraie, quand elle repréfente aux autres la penfée que nous avons, & telle que nous l'avons. Elle est fauffe quand elle ne la représente point, ou qu'elle la repréfente autrement que nous ne l'avons.

A cette premiere qualité tient la jufteffe. Une pensée parfaitement vraie eft jufte. Cependant l'ufage met quelque différence entre la vérité & la jufteffe de la pensée : la vérité signifie plus précisément la conformité de la penfée avec l'objet : la jufteffe marque plus expreffément l'étendue.

La penfée eft donc vraie quand elle représente l'objet : & elle eft jufte quand elle n'a ni plus ni moins d'étendue que lui.

De même l'expreffion fera vraie, quand elle repréfentera la pensée : elle fera jufte, quand elle n'aura ni plus ni moins d'étendue qu'elle. Si elle en a plus, elle est lâche: fielle en a moins, la pensée est à l'étroit & comme étranglée.

La feconde qualité eft la clarté. Peutêtre même eft-ce la premiere; car une pensée qui n'eft pas claire n'est pas proprement une penfée. La clarté confifte dans la vue nette & diftincte de l'objet qu'on fe repréfente. On le voit fans nuage, fans obfcurité : c'eft ce qui rend la penfée nette. On le voit féparé de tous les autres objets qui l'environnent: c'est ce qui la rend diftinéte.

L'expreffion eft claire quand elle repréfente la pensée fans équivoque, & fans embarras, par le mot & par le tour unique. La plupart des hommes favent très médiocrement la langue qu'ils parlent. Ils favent moins encore fe rendre à euxmêmes un compte exact de leurs pensées, les démêler les unes des autres, les confidérer en elles-mêmes telles qu'elles font. De-là vient qu'ils emploient fouvent les mots fans avoir les idées claires qui y répondent, ou que s'ils ont les idées claires,

ils

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