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lures & les croifées, & qui ne feroit nulle attention à la diftribution des piéces, ni à la folidité du tout?

Il y a dans tous les bons Ecrivains un corps fuivi de penfées naturelles, prifes dans le fens commun, & tirées des entrailles même du fajet; c'est la base de toute la compofition:

Scribendi rectè fapere eft & principium & fons.

Sur ce fond uniforme ils fement les fleurs de l'Elocution, je veux dire des traits & des expreffions qui ont un ca→ ractère distingué. Leur génie leur prodigue des pensées revêtues de toutes les for tes d'agrément. Mais, quoiqu'une complaifance fecrete les invite à laiffer aller ces richeffes dans le courant de l'ouvrage, le jugement & le goût les retient, de peur qu'elles ne foient des parures déplacées. Ils n'adoptent que ce qui peut prendre la teinte du fujet, & faire un même corps avec le refte.

I V.

Arrangement des pensées & des expreffions. Après avoir marqué les efpeces & les qualitez des pensées & des expreffions, & indiqué

indique le choix qu'on en peut faire felon les circonftances, il s'agit de traiter de l'arrangement & de la liaison qu'on doit mettre entre elles.

L'Arrangement qu'on donne aux expreffions & aux penfées, ne peut avoir que deux objets : c'eft de leur donner ou plus de graces, ou plus de force. Car l'arrangement qui produit la fimple clarté est plus logique & grammaticale qu'oratoire.

La nature, a attaché des graces à tout ce qui fe fait aifément : & la force ayant le privilege de faire tout fans peine, rarement il eft arrivé que la grace & la force fufflent féparées. L'athléte vigoureux eft maître de fes mouvemens: il en regle les tems, la mefure; il en affure la direction. Qu'on examine tout ce qui eft jeune ; il est revêtu de graces, parce qu'il eft plein de vigueur. Il en eft de même des bataillons rangez : l'ordre en augmente la force, & en fait un fpectacle agréa

ble.

L'application de ces exemples fe fait naturellement au difcours. L'arrangement des mots, contribuant à faire joindre les idées, à les ferrer mutuellement, leur donne plus de force. En fecond lieu, Tome IV.

F

cette liaison fe faifant fentir à l'oreille & à l'efprit par le concert & la convenance des fons qui compofent les mots, il en réfulte les charmes de ce qu'on appelle harmonie.

L'Arrangement des mots & des penfées, confidéré rélativement à ces deux effets, comprend toutes les efpeces de Figures de Rhétorique, & toutes les combinaifons qui peuvent produire l'harmonie & les nombres.

V.

Arrangement qui produit les figures. On entend par figure, en fait d'Elocution, l'arrangement des parties d'une phrafe oratoire, ou même de plufieurs phrafes entr'elles, avec un certain rapport de fymmétrie, c'est une forte de configuration réguliere, qui reffemble aux figures qui refultent de l'arrangement de plufieurs lignes, dont on peut faire un triangle, un quarré, &c.

Quand il n'y a qu'un feul mot, ou qu'une idée, par exemple quand je me repréfente le foleil, ou que je dis, le foleil, il n'y a pas lieu d'y mettre aucune figure; parce que la penfée, auffi

bien que l'expreffion, étant une, elle n'est pas fufceptible de deux combinaisons : c'eft un point: il faut toujours dire, le foleil. Mais s'il y a deux parties, alors il y a lieu à deux combinaisons: il eft: eft-il? On peut encore y ajouter des particules, qui fans changer le fens, donnent à la pensée ou à l'expreffion une autre couleur, une autre attitude. Un homme peut être debout, affis, couché, dans une attitude qui marque l'activité, la paffion, l'indolence, &c: il en eft de même des pensées & des expreffions. Ce font ces efpeces d'attitudes qu'on leur donne, qui les ont fait nommer tours oratoires en françois, & figures chez les Latins: Sententiæ quafi habitus, dit Ciceron, figura dicendi, maniere de fe tenir, maintien. Figures de mots.

Les figures de mots confiftent dans un certain arrangement qu'on leur donne, pour rendre ou leur courfe plus lefte, ou leur marche plus ferme.

Il y en a qui fe font par addition, lorfqu'on joint à une phrafe plufieurs mots dont elle pourroit fe paffer: de ce nom

bre eft:

La Répétition; le mot emporte la définition.

On égorge à la fois, les enfans, les vieillards,
Et le frere la fœur, & la fille & la mere.

La répétition de la conjonction, &, femble multiplier les meurtres, & peindre la fureur du foldat. Quelquefois le mot repété eft au commencement de différentes phrafes, qui arrivent toutes à la file fous le même chef.

Ici je trouve le bonheur,
Ici je vis fans fpectateur,

Dans le filence littéraire,
Loin de tout importun jaseur,
Loin des froids difcours du vulgaire
Et des hauts tons de la grandeur.
Loin de ces troupes doucereuses,
Où d'infipides précieuses
Et de petits fats ignorans,
Viennent conduits par la folie
S'ennuyer en cérémonie

Et s'endormir en complimens.
Loin de ces plates coteries,
Où l'on voit fouvent réunies
L'ignorance en petit manteau,
La bigoterie en lunettes,

La minauderie en cornettes,
Et la Réforme en grand chapeau.
Loin, &c. Greffet.

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