SCÈNE III. BÉLISE, entrant doucement et écoutant; ARISTE. Clitandre auprès de vous me fait son interprète, Quoi! de ma fille? CHRYSALE. ARISTE. Oui, Clitandre en est charmé: Et je ne vis jamais amant plus enflammé. BÉLISE, à Ariste. Non, non, je vous entends. Vous ignorez l'histoire, Et l'affaire n'est pas ce que vous pouvez croire. Comment, ma sœur? ARISTE. BÉLISE. Clitandre abuse vos esprits, Et c'est d'un autre objet que son cœur est épris. ARISTE. Vous raillez. Ce n'est pas Henriette qu'il aime? Non, j'en suis assurée. BÉLISE. ARISTE. Hé! oui. Il me l'a dit lui-même. BÉLISE. ARISTE. Vous me voyez, ma sœur, chargé par lui D'en faire la demande à son père aujourd'hui. Fort bien. BÉLISE. ARISTE. Et son amour même m'a fait instance De presser les moments d'une telle alliance. BÉLISE. Encor mieux. On ne peut tromper plus galamment. Un voile ingénieux, un prétexte, mon frère, ARISTE. Mais puisque vous savez tant de choses, ma sœur. Qu'est-ce donc que veut dire ce hai? Et qu'a de surprenant le discours que je fai? Peuvent bien faire voir qu'on a quelques appas. Aucun n'a pris cette licence; Ils m'ont su révérer si fort jusqu'à ce jour, Qu'ils ne m'ont jamais dit un mot de leur amour. ARISTE. On ne voit presque point céans venir Damis. BÉLISE. C'est pour me faire voir un respect plus soumis. BÉLISE. C'est par un désespoir où j'ai réduit leurs feux. ARISTE. Ma foi, ma chère sœur, vision toute claire. Ah! chimères ! Ce sont des chimères, dit-on. SCÈNE IV. CHRYSALE, ARISTE. Notre sœur est folle, oui. CHRYSALE. ARISTE. Cela croît tous les jours... Mais, encore une fois, reprenons le discours. Clitandre vous demande Henriette pour femme; Voyez quelle réponse on doit faire à sa flamme. CHRYSALE. Faut-il le demander? J'y consens de bon cœur, ARISTE. Vous savez que de biens il n'a pas l'abondance, CHRYSALE. C'est un intérêt qui n'est pas d'importance : Il est riche en vertus, cela vaut des trésors; Et puis, son père et moi n'étions qu'un en deux corps. ARISTE. Parlons à votre femme, et voyons à la rendre Il suffit, je l'accepte pour gendre. CHRYSALE. ARISTE. Oui, mais pour appuyer votre consentement, CHRYSALE. Vous moquez-vous? il n'est pas nécessaire. Je réponds de ma femme, et prends sur moi l'affaire. CHRYSALE. Laissez faire, dis-je, et n'appréhendez pas. Je vais la disposer aux choses de ce pas. ARISTE. Soit. Je vais là-dessus sonder votre Henriette, CHRYSALE. C'est une affaire faite: Et je vais à ma femme en parler sans délai. SCÈNE V. CHRYSALE, MARTINE. MARTINE. Me voilà bien chanceuse. Hélas! l'an1 dit bien vrai, CHRYSALE. Qu'est-ce donc ? Qu'avez-vous, Martine? On me menace, Si je ne sors d'ici, de me bailler cent coups. CHRYSALE. Non, vous demeurerez: je suis content de vous, 1. L'on. Il y a l'an dans les éditions originales. 2. Ce proverbe se trouve, mot pour mot, dans une comédie imprimée en 1641: le Gouvernement de Sanche Pance. SCÈNE VI. PHILAMINTE, BÉLISE, CHRYSALE, MARTINE. PHILAMINTE, apercevant Martine. Quoi! je vous vois, maraude; Vite, sortez, friponne; allons, quittez ces lieux, Et ne vous présentez jamais devant mes yeux. Tout doux... CHRYSALE. PHILAMINTE. Non, c'en est fait... CHRYSALE. Hé! PHILAMINTE. Je veux qu'elle sorte. CHRYSALE. Mais qu'a-t-elle commis pour vouloir de la sorte...? Suis-je pour la chasser sans cause légitime? CHRYSALE. Je ne dis pas cela; mais il faut de nos gens... PHILAMINTE. Non, elle sortira, vous dis-je, de céans. CHRYSALE. Eh bien ! oui. Vous dit-on quelque chose là-contre? PHILAMINTE. Je ne veux point d'obstacle aux désirs que je montre. D'accord. Être CHRYSALE. PHILAMINTE. Ét vous devez, en raisonnable époux, pour moi contre elle, et prendre mon courroux. CHRYSALE, se tournant vers Martine. Aussi fais-je. Oui, ma femme avec raison vous chasse, |