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CHAPITRE II

LA GUERRE RÉPUBLICAINE

I. LES PREMIERS SUCCÈS RÉPUBLICAINS.
GUERRE. -III. COMPLICATIONS ET REVERS.

II. VARIATIONS SUR LE BUT DE LA

ANSELME A NICE.

L

I. — LES PREMIERS SUCCÈS RÉPUBLICAINS 1

A première République est née au bruit des victoires. Valmy avait donné le branle, et, sur toute la frontière, du sud au nord, les tyrans reculent. Les troupes que le roi de Sardaigne, Victor

L'histoire militaire de la

1. BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE DES GUERRES DE LA CONVENTION. Révolution est, depuis 1900, en cours de renouvellement grâce aux travaux de la Section historique de l'état-major de l'armée (fondée en 1884 pour succéder au Dépôt de la guerre qui remontait à 1688) dans ses articles de la Revue d'histoire et ses volumes documentaires. Cf. P. Caron, L'Histoire militaire de la Révolution et de l'Empire. Etat des travaux et questions à traiter. R. d'hist. mod., 1900-01, t. II; F. Pasquier, Recherche des documents historiques d'ordre militaire dans les archives publiques. Rév. franç., 1903, t. XLV. Les principaux exposés généraux antérieurs, utilisables encore en partie, sont, par ordre de publication: Victoires, conquètes, désastres, revers et guerres civiles des Français, de 1792 à 1815 (par le général Beauvais et collaborateurs), 1817-21, 27 vol. (dont 3 de suppléments); Jomini, Histoire critique et militaire des guerres de la Révolution, 1819-24, 15 vol. et al.; Gayant), Tableau des guerres de la Révolution, 1838; Vial, Histoire abrégée des campagnes modernes, 1881 (longtemps classique); Vallaux, Les campagnes des armées françaises, 1899, in-18. Plus récemment M. Dumolin, Précis d'histoire militaire de la Révolution et de l'Empire, t. I en 8 fasc. et al., 1901-05 (excellent), et E. Bourdeau, L'épopée républicaine, 1792-1802, Limoges et Paris (1912). La Section historique a publié en 1905 les Tableaux des armées françaises pendant les guerres de la Révolution (dressés de 1845 à 1847 par Clerget) et vérifié les résumés des historiques dressés dans chaque corps (beaucoup ont été publiés à part) et groupės d'ensemble dans le volume intitulé Historiques des corps de troupes de l'armée française, 1900. PRINCIPALES SOURCES pour l'étude de la campagne de 1792 (après Valmy) et du début de 1793 Dumouriez, Mémoires, collect. Berville et Barrière, 1822-24, 4 vol., Correspondance avec Servan après Valmy, R. de Paris, 1 mai 1903; cf. Relation d'un de ses aides de camp p. p. Braesch, Rév. franç., 1910, t. LIX; Custine, Mémoires (par Baraguay-d'Hilliers), 1793; Gay de Vernon, Mémoires sur les opérations militaires des généraux Custine et Houchard, 1844: Dillon, Compte rendu, 1792; Gouvion-Saint-Cyr, Mémoires sur les campagnes des armées du Rhin (1792 et suiv.), 1829, 4 vol. - Sur la retraite des Prussiens: FrédéricGuillaume III, Documents... Réminiscences et Journal de ma brigade (1846), trad. Mérat, 1848; v. Laukhard (dit le Témoin oculaire »), Briefe, Hambourg, 1794, trad. franç., 1795; Goethe, Campagne de France, trad. Porchat, 1882; Money, The history of the campaign of 1792, Londres, 1794, trad. allem., 1798, trad. franç. par Mérat sur la trad. allem., 1849; Minutoli, Der Feldzug... in Frankreich i. J. 1792, Berlin, 1847. OUVRAGES: Chuquet, Les guerres

"

Amédée II, avait mobilisées à Nice et en Savoie étaient peu nombreuses, sans soutien du Piémont et mal vues des populations. Anselme traversa le Var, s'empara de Nice sans résistance (29 septembre 1792), et achevait bientôt l'occupation du comté. Sa sœur, << nouvelle amazone », paradait à la tête d'une colonne de 1500 guerriers, et Truguet, sur la côte, montrait ses bateaux. Anselme était un ci-devant, et il se prénommait Modeste il comptait bien qu'on le nommerait maréchal, et déjà il rêvait de révolutionner l'Italie, de prendre Rome et de revenir par la Lombardie et le Piémont. On le révoqua (23 décembre).

De son côté, Montesquiou enlevait les travaux de défense qui protégeaient Montmeillan dans le Graisivaudan (22 septembre), il entrait à Chambéry (24 septembre) et, quelques jours plus tard, les Sardes avaient évacué la Savoie. Les soldats français étaient

de la Révolution, 1886-1896, 11 vol. in-16, les t. III-VI la Retraite de Brunswick, Jemmapes
et la conquête de la Belgique, La trahison de Dumouriez, L'expédition de Custine, 1887-92; du
même: Dumouriez, 1914; Krieg gegen die franz. Revol., t. I et II (1792), Vienne, 1905, 2 vol.
(p. p. l'Etat-Major autrichien); Foucart et Finot, La défense nationale dans le Nord
(1792 à 1802), Lille, 1890-93, 2 vol.; La Jonquière, La bataille de Jemmapes, 1902 (p. p. la
Section historique). Sur la Belgique : de Pradt, De la Belgique (1789-1814), 1820; Borgnet,
Histoire des Belges à la fin du XVIIIe siècle, Bruxelles, 1844, 2 vol. (2o éd., 1861-63),
Zeissberg, Zwei Jahre belg. G., 1794-92, Vienne et Leipzig, 1891, suivi de Neerwinden et
Belgien unter... Erzherzog Karl (1793-94), ibid., 1892 et 1893-4, 1 et 3 vol. (extr. des
c. r. de l'Acad. de Vienne, classe philol.-hist.); de Lanzac de Laborie, La domination
française en Belgique, 1895, 2 vol.; Delhaize, même titre, Bruxelles, 1908-12, 6 vol. (t. 1);
Cruyplants, Dumouriez dans les ci-devant Pays-Bas autrichiens, Bruxelles, 1912. - TEXTES
ET DOCUMENTS SUR L'ÉTAT DE L'ARMÉE. Outre les références déjà données sur les débats
Conventionnels, P. Caron, Les papiers des comités militaires de la Constituante, de la Légis-
lative et de la Convention, 1912 (Soc. Hist. Révol.); cf. du même, Les Comités militaires des
Assemblées de la Révolution, R. Hist. Mod., 1904-05, t. VI, et La défense nationale (1792-95),
1912, in-16.
RECRUTEMENT ET VOLONTAIRES. Deux ouvrages généraux : C. Rousset, Les
volontaires (1791-94), 1870 (tendancieux), E. Déprez, Les volontaires nationaux, 1908 (des
inexactitudes inévitables). L'enquête, activée depuis 1910 par la Section historique, est en
cours. Cf. P. Caron, La question des volontaires, R. Hist. Mod., 1909, t. XIII. Les princi-
pales monographies départementales ont été données par Mège (Puy-de-Dôme), 1880, de
Seilhac (Corrèze), 1883, Folliet (Savoie), 1887, Boissonnade (Charente), 1890, Chassin et
Hennet (Paris), 1899-1906, 3 vol., Delmas (Cantal), 1902, Carnot (Côte-d'Or), 1906, Cauvin et
Barthélemy (Basses-Alpes), Dumont et Lestien (Marne) et Poulet (Meurthe) en 1908, Dulac
(Allier) et de Cardenal (Dordogne) en 1911. Les lettres, journaux et mémoires des volon-
taires renseignent sur l'état d'esprit et la condition matérielle des troupes, plus que sur
les opérations militaires. Les plus instructifs sont dus à Cognet (p. p. Ernouf, 1881),
Fricasse (p. p. Larchey, 1882), Belot (p. p. Bonneville de Marsangy, 1888), Bricard (p. p. A,
et J. Bricard, 1891), Mireur (p. p. Lombard, 1892), Marquant (p. p. Vallée et Pariset, 1898),
Joliclerc (p. p. Joliclerc, 1905), les frères Favier (p. p. Duchet 1909), Noël (p. p. Noël, 1912).
- Sur la discipline : Correspondance du général Schauenbourg (1793), p. p. Colin, s. 1. t., La
tactique et la discipline dans les armées de la Révolution, 1902 (Sect. histor.); Hennequin, La
justice militaire et la discipline aux armées du Rhin et de Rhin-et-Moselle (1792-96), 1906 (Sect.
histor.); sur les conditions matérielles, voir notamment Desbrière et Sautai, La Cavalerie
(de 1740 à 1799), Paris-Nancy, 1906-1910, 6 fasc. (fasc. 2, 1789-1794) dans la série Organisation
el lactique des trois armes (Sect. histor.). OUVRAGES. Poisson, L'armée et la garde nalio-
nale, 1858-62, 4 vol., Chassin, L'armée et la Révolution, 1867, in-16, lung, L'armée et la Révo-
lution; Dubois-Crancé, 1884, 2 vol. in-12, Hennet, Notice historique sur l'état-major général,
1892; Charavay, Les grades militaires pendant la Révolution, Rév. franç., 1894, t. XXVII et à
part, 1895; Lévy-Schneider, L'armée et la Révolution dans L'OEuvre sociale de la Révolution
(1901). Sur les uniformes, Sauzey, Iconographie du costume militaire de la Révolution et de
Empire, 1901, in-16.

MONTESQUIOL

EN SAVOIE.

LA RÉPUBLIQUE
DE RAURACIE.

CUSTINE

accueillis cordialement, comme des libérateurs. La municipalité de Chambéry, en habit de cérémonie, attendait Montesquiou à la porte de la ville, et le syndic proclama le respect et l'attachement du peuple de la Savoie pour la nation française; au nom de cette << nation généreuse », Montesquiou promit protection, paix et liberté aux Savoisiens. En ville, les soldats s'attablèrent à un grand festin préparé pour eux. Les habitants portaient déjà la cocarde tricolore. La joie régnait. « Nous étions Français de langage et de cœur : nous le sommes à présent. » La Savoie a prouvé par son exemple que l'idéal de la guerre d'émancipation, humanitaire et pacifique, n'est pas toujours une utopie. - La République de Genève s'agitait. Allait-elle imiter la Savoie? Montesquiou préféra négocier. C'était, lui aussi, un ci-devant, titré marquis et, dans sa jeunesse, menin des enfants de France; il avait, au temps des rois, démontré dans un procès que sa noblesse remontait à Clovis; on le soupçonnait d'être resté monarchiste : déjà révoqué le 23 septembre, puis réintégré quand on apprit ses premiers succès en Savoie, il fut décrété d'accusation (9 novembre 1792), et jugea prudent de s'enfuir en Suisse.

Des troupes françaises étaient entrées dans l'évêché de Bâle dès la fin d'avril, et, sur la demande de Brissot (3 octobre), elles y avaient été maintenues: le 27 novembre, les États de Porrentruy déclarèrent rompre tous liens avec le Saint-Empire et l'évêque de Bale; ils organisèrent la république indépendante de Rauracie et demandèrent l'appui de la République française. L'Alsacien Gobel, évêque de Paris et précédemment vicaire de l'évêque de Bâle pour la partie française du diocèse, se rendit en Rauracie comme commissaire du pouvoir exécutif.

A l'armée du Rhin, sous les ordres de Biron, ci-devant duc, le EN PAYS RHENAN. Messin Custine, ci-devant comte, commandait les troupes massées sur la Lauter. Il était plein d'ardeur, mais brouillon; il avait les idées courtes et de grosses moustaches. Les petits princes de la région rhénane s'étaient déclarés neutres, mais ils avaient des sujets acquis aux principes révolutionnaires. Custine entra sans difficulté à Spire (30 septembre), à Worms (5 octobre), à Mayence (le 21) et poussa un détachement jusqu'à Francfort. Au lieu de courir ainsi les aventures sur la rive droite du Rhin, mieux eût valu descendre le fleuve jusqu'à Coblence, pour barrer la route aux Prussiens. Quand Custine s'en avisa, il était trop tard.

FRANÇAIS

ET PRUSSIENS

APRÈS VALMY.

Les Prussiens avaient en effet réussi à sortir de France sans combat, sinon sans pertes. Valmy leur avait prouvé, à leur grande surprise, que les Français étaient capables de résistance, et qu'il

serait difficile de prélever à leur détriment une indemnité territoriale. En fait, ils n'étaient pas vaincus, le soir de Valmy, et même la route de Paris leur restait ouverte : ils avaient interrompu leur marche sur Châlons et fait volte-face pour livrer bataille, le dos à Paris; la bataille terminée, ils restaient sur leurs positions. Mais ils ne pouvaient plus avancer, puisque l'armée de Dumouriez restait intacte et comme fortifiée par ce premier choc. Ils se défiaient de leurs alliés autrichiens; ils avaient hâte de se libérer pour s'occuper de la Pologne; ils ne pensaient plus qu'à sortir honorablement de l'impasse où ils se trouvaient placés, et ils se seraient tenus pour satisfaits pour peu qu'on leur eût donné des garanties sur la sécurité de Louis XVI. Dumouriez espérait mieux encore : il rêvait une alliance prussienne; tout au moins, il espérait détacher la Prusse de l'Autriche. Son but était d'enlever la Belgique aux Autrichiens et de n'avoir à combattre que les Autrichiens seuls. Enfin, même si les négociations échouaient, elles auraient pris quelques journées, et Dumouriez comprenait que, pour les Prussiens, perdre du temps c'était perdre des chances. A Paris, le Conseil exécutif était partagé. Servan souhaitait que l'armée se repliât au plus vite, pour couvrir Paris; Lebrun, très attaché aux pratiques traditionnelles de la politique d'ancien régime, n'était pas hostile aux négociations que Danton favorisait sous main. A l'armée, Kellermann s'estimait l'égal de Dumouriez et le vrai vainqueur de Valmy; il pensa d'abord comme Servan, puis, quand il fut trop tard, comme Lebrun. Les négociations étaient donc difficiles, mais on pouvait essayer.

Dumouriez prit comme prétexte un échange de prisonniers. On causa. L'ennemi en profita. Il eut successivement comme interlocuteurs Dumouriez, Westermann envoyé par le Conseil exécutif, Kellermann et ses subordonnés (Dillon à qui succéda Valence); il se replia lentement, couvrant la retraite des Autrichiens et des Hessois, et il évita un désastre. Qnand il s'arrêtait, les Français faisaient halte. Il leur arriva même de fournir des chevaux aux Prussiens. Ils rentrèrent à Verdun le 14 octobre, à Longwy le 22; Wimpffen, qui était surveillé plutôt qu'assiégé à Thionville depuis le 23 août, fut libéré le 16. Rien de plus étrange que la reconduite des alliés, de la Meuse à la frontière.

Mais elle a eu des conséquences importantes. D'abord le territoire était libéré. Au nord, le duc Albert de Saxe-Teschen avait commencé le siège de Lille le 24 septembre. La résistance fut héroïque. Ni la garnison, commandée par Ruault, avec les renforts amenés par La Morlière (car l'investissement n'était pas complet), ni le maire André et les habitants ne se laissèrent effrayer par un

LA RECONDUITE
DES PRUSSIENS.

LE SIÈGE

DE LILLE

ET LE REPLI

DE CUSTINE.

LES DESSEINS
DE DUMOURIEZ.

LA VICTOIRE
DE JEMMAPES.

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bombardement terrible qui dura du 29 septembre au 5 octobre, pendant sept jours pleins. On raconta que la gouvernante des Pays-Bas, l'archiduchesse Marie-Christine, sœur de la reine Marie-Antoinette, était venue devant la place et qu'elle avait elle-même pointé les batteries: l'enthousiasme patriotique des Lillois grandit encore. Et quand les Autrichiens apprirent la retraite de Brunswick, ils levèrent le siège (7 octobre) et se replièrent sur la Belgique. Mais, d'autre part, les Prussiens et les Hessois pouvaient maintenant agir contre Custine. Dès le 26 octobre, les Hessois arrivaient à Coblence. Custine n'avait pas su prévoir le danger. Quand Brunswick entra à Francfort (2 décembre), Custine se replia sur Mayence, où il se mit en défense. Une diversion tentée par Beurnonville, de Sarrelouis sur Trèves, échoua (6 au 15 décembre). Les troupes françaises manquaient de tout. Les volontaires désertaient en foule : leur temps d'engagement était terminé, et il leur répugnait de se battre hors des frontières. Pendant ce temps, Dumouriez faisait la conquête de la Belgique. Il avait commencé par se rendre à Paris sous prétexte d'organiser son expédition, en réalité pour prendre langue (du 11 au 17 octobre). C'était un homme universel général, diplomate, politicien. Il avait de la rondeur et de l'entrain, les troupes l'aimaient et l'appelaient « notre père », mais, au fond, il était très fin, très ambitieux, et il ne servait la Révolution que pour s'en servir. En matière de politique extérieure, ses idées étaient d'ancien régime: il voulait conquérir la Belgique pour affaiblir la Maison d'Autriche considérée comme l'ennemi héréditaire. Vainqueur, il agirait ensuite en France. Il ne doutait pas qu'il y eût un rôle à jouer. Clavière lui mandait, le 22 septembre : « Vous pouvez beaucoup, messieurs les généraux, en écrivant à la Convention nationale et au pouvoir exécutif des lettres énergiques qu'ils puissent rendre publiques et qui provoquent de grandes et fortes mesures ». Mais il ne savait trop sur quel parti s'appuyer. Il évita de se compromettre, et quitta Paris fort perplexe.

Il n'essaya pas de réunir toutes ses forces, comme il l'avait si heureusement fait pour Valmy. Le duc de Saxe-Teschen avait allongé sa ligne de défense de Courtrai à Namur, et se portait en face de Valenciennes, à Mons, où Clerfayt le rejoignit, le 31 octobre: Dumouriez l'y attaqua.. - Quand elle sort de Mons, la route de Valenciennes est bordée pendant près d'une lieue jusqu'au village de Jemmapes par le ruisseau marécageux de la Trouille; elle continue ensuite par Quarignon en ligne directe vers la frontière. En avant, sur la rive droite et à quelque distance du ruisseau, la plaine est légèrement mamelonnée. Les Autrichiens s'établirent sur les hauteurs que protégeaient un petit bois et des redoutes élevées

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