Images de page
PDF
ePub

proxénétisme, habituel ou non; il doit protéger les mineurs contre les coupables tentatives de ces êtres qui spéculent sur leur âge, leur inexpérience, leur misère, pour les entraîner au vice.

42. ART. 439 à 442 (379 et 380 du code). Dans le système du projet, ceux qui attentent aux mœurs, en excitant, facilitant ou favorisant, pour satisfaire les passions d'autrui, la débauche ou la corruption des jeunes gens de l'un ou de l'autre sexe au-dessous de vingt et un ans et au-dessus de quinze, sont punis d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de vingt-six francs à deux cents francs (art. 439).

La peine est un emprisonnement de deux ans à cinq ans et une amende de cinquante francs à cinq cents francs, si le délit a été commis envers des personnes âgées de moins de quinze ans accomplis (art. 440).

Les coupables sont condamnés à la reclusion, si le crime a été commis envers un enfant qui n'avait pas encore accompli sa onzième année (art. 441).

Si les coupables avaient l'habitude d'exciter, de favoriser ou de faciliter la prostitution ou la corruption des jeunes gens âgés de moins de vingt et un ans, ils sont condamnés à la reclusion (art. 442).

On ne trouvera pas cette peine trop sévère, si l'on réfléchit que le seul fait d'enlèvement d'une mineure, dans le but de la prostituer, est frappé de la reclusion, alors même que le ravisseur n'aurait pas atteint ce but (art. 427)..

|

renforcée. L'aggravation de peine doit retomber nonseulement sur l'auteur de l'écrit, de la figure ou de l'image, mais aussi sur celui qui les a imprimés ou reproduits par un procédé artistique quelconque. En ce qui concerne les peines portées par l'art. 289, un emprisonnement d'un an et une amende de cinq cents francs peuvent être, suivant les circonstances, des châtiments trop faibles ou trop sévères D'ailleurs, il convient d'éviter, autant que possible, les peines fixes et invariables. Le législateur ne doit y avoir recours que dans les cas où, malgré la circonstance aggravante qui pèse sur le coupable, la peine immédiatement supérieure serait empreinte d'une sévérité excessive. Nous croyons devoir substituer au maximum porté par l'art. 289 du code français, un emprisonnement de trois mois à deux ans et une amende de cinquante francs à mille francs.

Au reste, nous avons supprimé, comme inutiles, les mots de l'article précité où l'auteur est connu. On ne condamnera jamais un inconnu.

Suppression de l'article 287 du code pénal. L'excuse admise par cet article ne peut se justifier. Les personnes qu'il énumère ont agi sciemment; elles ont elles-mêmes outragé la pudeur et spéculé sur l'immoralité; ces personnes ne méritent donc pas d'être excusées.

47. ART. 447 (385 du code). Aux termes de l'article 330 du code actuel, toute personne qui a commis un outrage public à la pudeur est punie d'un empripersonnement de trois mois à un an et d'une amende de seize francs à deux cents francs.

43. ART. 443 (381 du code). La qualité des sounes indiquées dans le présent article aggrave l'attentat aux mœurs dont elles se sont rendues coupables, et oblige le juge de leur appliquer le maximum des peines respectivement établies par les articles précédents. Dans le système du projet, la disposition qui, à raison de la qualité de l'agent, élèverait d'un degré la peine ordinaire serait évidemment trop rigou

reuse.

Il est inutile de faire remarquer que, dans le présent article, comme dans l'art. 437, le mot autorité désigne l'autorité légale et l'autorité de fait.

Quant aux fonctionnaires publics, il ne faut pas qu'ils aient commis l'attentat dans le lieu où ils exercent leurs fonctions et envers les personnes sur lesquelles ils ont autorité; il suffit qu'ils aient livré des jeunes gens à la prostitution, pour mériter une punition plus sévère.

44. ART. 444 (382 du code). En ce qui concerne l'interdiction des condamnés, les observations présentées à l'occasion de l'art. 438 trouvent également ici leur application.

Le présent article permet de plus aux cours et tribunaux de placer sous la surveillance spéciale de la police les condamnés pour attentat aux mœurs. Cette surveillance s'exercera utilement sur les proxénètes habituels, et même sur ceux qui, n'étant condamnés que pour des faits isolés de proxénétisme, seraient disposés à faire leur état de la corruption des mi

neurs.

CHAPITRE VII.

DES OUTRAGES PUBLICS AUX BONNES
MOEURS.

45. ART. 445 (383 du code). Cet article apporte quelques modifications au dispositif et à la sanction de l'art. 287 du code pénal: d'abord, en comprenant parmi les faits incriminés, la vente, et parmi les objets du délit, les autres écrits imprimés ou non; ensuite, en abaissant le minimum de l'emprisonnement à huit jours. Quant à l'amende, le minimum en est élevé à vingt-six francs, conformément au système du projet.

46. Art. 446 (384 du code). La disposition de l'art. 289 du code actuel a besoin d'être étendue et

On pourrait croire que le législateur a voulu comprendre dans ces termes non-seulement les actions éhontées, les actes impudiques, mais encore les expressions grossières, l'outrage par paroles. Cette interprétation trouverait même un appui dans le rapport fait au corps législatif par Monseignat. Mais tous les commentateurs du code sont d'accord pour relever l'inexactitude échappée au rapporteur, et pour reconnaître que l'outrage prévu par l'article 330 est un outrage par action, qu'il faut un fait matériel pour le constituer. La cour de cassation l'avait déjà jugé sous l'empire de l'art. 8 du titre II de la loi des 19-22 juillet 1791, reproduit par l'article 330 du code de 1810 (1). Pour ne laisser aucun doute à cet égard, nous avons changé la rédaction du dispositif de l'art. 350.

Au reste, le projet abaisse le minimum de l'emprisonnement à huit jours, et élève le maximum de l'amende à cinq cents francs, parce que, comme on l'a fait observer, le délit prévu par le présent article peut se produire de mille manières et revêtir mille formes diverses.

48. ART. 448 (386 du code). L'interdiction dont il s'agit ici est purement facultative.

L'avant-projet présenté à la commission par son rapporteur avait restreint l'interdiction, dans les cas prévus par les art. 438, 444 et 448, aux droits énumérés dans les no 5 et 7 de l'art. 42; mais la majorité de la commission a cru devoir l'étendre aux droits mentionnés dans les nos 3 et 4 du même article.

CHAPITRE VIII. DE L'ADULTÈRE ET DE LA BIGAMIE.

49. Le code pénal de 1791 et la loi des 19-22 juillet de la même année, sur la police municipale et la police correctionnelle, gardaient le silence sur le délit d'adultère. Mais, d'après le code civil, le mari peut demander, pour cause d'adultère de sa femme, le divorce ou la séparation de corps (art. 229, 306). Dans le cas

(1) Arr. cass. du 30 nivôse an x1; CHAUVEAU et HÉLIE, nos 2760 à 2763.

ÉLÉMENTS DU COMMENTAIRE.

où la demande est admise, la femme est condamnée, par le même jugement et sur la réquisition du ministère public, à un emprisonnement de trois mois à deux ans (art. 298, 308). Ainsi le mari ne pouvait provoquer des poursuites contre la femme adultère devant les tribunaux de répression. Quant au mari coupable d'avoir trahi la foi conjugale, il échappait à toute peine, alors même qu'il avait entretenu une concubine dans la maison conjugale. Il ne restait à la femme ou tragée que la demande en divorce ou en séparation de corps (art. 230, 306).

Cette lacune a été comblée par le code pénal de 1810, qui comprend parmi les attentats aux mœurs, la violation de la foi conjugale de la part de l'épouse et de l'époux, et la puùit d'une peine correctionnelle. Dans le rapport fait au corps législatif, Monseignat témoignait le regret de voir le législateur en quelque sorte forcé, par la puissance de l'opinion, à placer au nombre des simples délits un des attentats les plus graves contre les mœurs. A la honte de la morale, disait le rapporteur, l'opinion semble excuser ce que la loi doit punir; une espèce d'intérêt accompagne le coupable. Les railleries poursuivent la victime. Cette contradiction entre l'opinion et la loi a forcé le législateur à faire descendre dans la classe des délits ce qu'il n'était pas en sa puissance de mettre au rang des crimes. D

Ce serait là, sans doute, une fort mauvaise raison de montrer de l'indulgence envers des coupables qui mériteraient une punition plus sévère. Mais quelque grave que soit aux yeux de la morale la violation d'un devoir, la peine, considérée sous le rapport social, n'est juste qu'autant qu'elle est nécessaire pour prévenir le délit. Le code pénal français est encore plus sévère en ce point que les législations modernes d'Allemagne. Pour ne parler que des codes d'Autriche et de Prusse, auxquels on ne peut certainement pas reprocher un coupable mépris pour la morale, puisqu'ils punissent plusieurs attentats aux mœurs que le législateur français a cru devoir passer sous silence, ces codes ne prononcent contre l'adultère qu'un emprisonnement d'un mois à six mois. D'après le code pénal prussien, cette peine ne peut même être infligée que dans le cas où, pour cause de l'adultère de l'un des époux, le divorce a été prononcé (art. 140).

Le reproche que l'on est en droit d'adresser au législateur de 1810, c'est d'avoir appliqué l'amende à un genre de délit avec lequel cette peine n'a pas la moindre analogie, et surtout de n'avoir prononcé contre le mari coupable d'adultère qu'une simple amende au lieu d'un emprisonnement.

Le résultat de ce système est une révoltante inégalité dans la répression de ce délit. Le riche qui aura entretenu une concubine dans la maison conjugale, s'acquittera envers la justice en payant une somme d'argent, tandis que le condamné qui n'aura pas le moyen de payer l'amende, devra expier sa faute par un emprisonnement plus ou moins long.

inquisition et n'amèneraient pour tout résultat que du scandale. »

50. ART. 449 (387 du code). Cet article reproduit l'art. 337 du code pénal.

Lorsque la femme est condamnée pour cause d'adultère, le mari reste le maître d'arrêter l'effet de cette condamnation en consentant à reprendre sa femme. Ainsi le droit de pardonner à la femme condamnée et de la libérer de la peine prononcée contre elle, est une sorte de droit de grâce que la loi attache à la puissance domestique, et non pas un droit d'amnistie; le pardon accordé à la femme n'annule point la condamnation, qui reste subsister; il arrête seulement l'effet de cette condamnation en faisant cesser la peine.

Mais le mari a-t-il la faculté d'arrêter la poursuite, en se désistant de la plainte? Quelques auteurs, se renfermant dans les termes de la loi, soutiennent que l'action publique, une fois provoquée par la plainte, cesse d'être subordonnée à la volonté du mari, qui n'a que le droit de remettre la peine prononcée par les juges.

Cette doctrine est rigoureusement conforme au texte des art. 336 et 337 du code pénal; elle est de plus fondée sur le principe en vertu duquel le droit de remettre la peine prononcée par les juges ne comprend point le pouvoir d'annuler la condamnation ou d'abolir les poursuites; mais elle est en opposition avec l'esprit de la loi. Il est impossible, en effet, d'admettre que le législateur, qui a eu pour but le rétablissement de la paix du ménage, ait voulu que le mari, qui s'est réconcilié avec sa femme dans le cours du procès, ne pût, la réintégrer dans le domicile conjugal que flétrie par un jugement de condamnation. Puisque le motif de la loi s'étend au delà de ses termes, il faut en appliquer la disposition aux cas qui sont compris dans son motif, et décider par conséquent que le droit de remettre la peine contient et suppose le droit de remettre la poursuite elle-même. Cette conséquence nous paraît si évidente que nous n'avons pas jugé nécessaire de l'exprimer dans l'article 449 du projet. D'ailleurs, elle est formellement consacrée par la jurisprudence. Un arrêt de la cour de cassation de France, en date du 7 août 1823, déclare qu'il importe à l'intérêt des bonnes mœurs qu'un fait qui blesse la sainteté du mariage ne devienne pas, par une instruction devant les tribunaux, un scandale public, et n'acquière pas par des jugements une certitude judiciaire; que, par conséquent, le pardon du mari ou la réconciliation avec sa femme soient toujours accueillis comme une preuve légale que l'adultère n'a pas été commis et comme une fin de non-recevoir contre toute poursuite;... que l'action du ministère public cesse même d'avoir un caractère légal lorsque, pendant les poursuites, le mari retire sa dénonciation par une déclaration formelle, ou lorsqu'il en anéantit l'effet par une réconciliation résultant de circonstances dont l'appréciation appartient aux tribunaux. ›

Le désistement du mari éteint les poursuites nonseulement à l'égard de la femme, mais encore à l'égard du prétendu complice; il doit être considéré comme une preuve légale que l'adultère n'a pas été commis. Mais lorsque la femme a été condamnée, pour cause d'adultère, par un jugement passé en force de chose jugée, le pardon que lui accorde le mari en consentant à la reprendre ne s'étend pas au complice.

La morale place sur la même ligne l'adultère de la femme et celui du mari. Mais si le mal moral est le même, le mal social est plus grand dans l'un que dans l'autre cas. L'adultère de la femme est un délit plus grave aux yeux de la société, parce qu'il entraîne des conséquences plus fàcheuses, et qu'il peut faire entrer dans la famille légitime un enfant qui n'appartient pas à celui que la loi regarde comme le père. Ensuite, il 51. ART. 450 (388 du code). Aux termes de l'arne convient de punir l'adultère du mari que dans le cas ticle 588 du code actuel, le complice de la femme où il aurait entretenu une concubine dans la maison adultère est puni de l'emprisonnement pendant le conjugale, parce qu'alors le délit est notoire. Dans même espace de temps. On pourrait entendre cette toute autre circonstance, disait l'orateur du gouver-expression en ce sens que, dans chaque cas particunement, le fait serait trop incertain, trop difficile à lier, la durée de la peine doit être la même pour la établir; les recherches dégénéreraient souvent en femme et pour son complice; de sorte que si l'une

était condamnée à trois mois de prison, l'autre devrait | être puni de l'emprisonnement pendant le même espace de temps. Pour faire disparaître cette amphibologie, nous avons modifié la rédaction de l'art. 338. Outre la peine d'emprisonnement, cet article inflige au complice une amende de cent francs à deux mille francs. Mais quel rapport l'amende a-t-elle avec le délit | d'adultère? Aucun sans doute. Nous l'avons supprimée.

complicité de l'adultère? Nous ne le pensons point. Tout en frappant le complice de la femme, elle doit mettre la concubine du mari à l'abri de toute poursuite, et cela d'abord parce que la femme qui consent à vivre en concubinage avec le mari dans la maison conjugale, a cédé le plus souvent à la séduction exercée sur elle; ensuite, parce que l'intérêt même des mœurs publiques exige de restreindre, autant que possible, le scandale de ces procès. D'ailleurs, si la concubine du mari était mariée, comment admettre qu'elle pût être comprise dans une poursuite que son mari n'aurait pas autorisée ?

En ce qui concerne les preuves, tous les criminalistes enseignent, et la cour de France déclare que l'adultère, soit de la femme, soit du mari, peut, comme tous les délits, se prouver par tous les genres de preuves, et notamment par la preuve testimoniale (1). | Mais, relativement au prévenu de complicité, l'ar- | ticle 388 du code pénal n'admet d'autres preuves, outre le flagrant délit, que celles qui résultent de lettres ou autres pièces écrites par le prévenu. Il importait, a dit l'orateur du corps législatif, de fixer la | nature des preuves qui pourront être admises pour établir une complicité que la malignité se plaît trop souvent à chercher dans des indices frivoles, des conjectures hasardées ou des rapprochements fortuits. Après les preuves de flagrant délit, de toutes les moins équivoques, les tribunaux ne pourront admettre que celles qui résulteraient de lettres ou autres pièces écrites par le prévenu; c'est dans ces lettres, en effet, que le séducteur dévoile sa passion et laisse échapper

son secret. »

L'adultère du mari n'est punissable que lorsque ce dernier a entretenu une concubine dans la maison conjugale. Nous prenons cette expression dans le sens qu'y attache le code pénal, qui veut atteindre non-seulement l'introduction d'une concubine étrangère dans la maison commune, mais, en général, le commerce du mari, dans cette maison, avec une autre femme, quelle que soit la position de sa complice (4). Le code pénal permet au mari de libérer de la peine la femme condamnée pour adultère. Cette prérogative n'est pas inhérente à la puissance domestique; c'est un droit que la loi attache à cette puissance dans le but de faciliter la réconciliation des époux et de ramener la paix dans le ménage. Le même motif s'applique au cas où, sur la dénonciation de sa femme, le mari a été condamné pour avoir entretenu une concubine dans la maison conjugale; et si le code de 1810 n'accorde pas également à la femme le pouvoir d'affran

Par ces motifs, qui nous paraissent fondés, nous avons cru devoir maintenir la disposition exception-chir de la peine le mari qui l'a outragée, c'est évidemnelle de l'art. 338.

52. ART. 451 (589 du code). Les observations que nous avons présentées, en tête de ce chapitre, sur le système adopté par le code pénal, justifient la disposition du présent article, qui substitue à l'amende portée par l'article 339 de ce code, un emprisonnement d'un mois à un an.

Le code pénal n'établit aucune peine contre la femme qui s'est rendue complice de l'adultère du mari. Le législateur a supposé, dit Carnot, que celle qui s'est rendue complice de l'adultère du mari aura été séduite, et qu'elle se trouve suffisamment punie par la publicité qui doit nécessairement résulter de l'instruction qui aura lieu sur la plainte de la femme (2). »

ment parce que celui-ci n'est condamné qu'à une amende. Mais, dans le système du projet, l'emprisonnement remplace l'amende. Les intérêts de la famille commandent donc au législateur d'attacher à la réconciliation des époux le même effet, soit qu'une condamnation à l'emprisonnement ait frappé la femme ou le mari pour violation de la foi conjugale. Aussi le second paragraphe de l'article 451 autorise-t-il la femme à demander l'élargissement de son mari. La conséquence en est que la femme peut également arrêter, par son désistement, les poursuites qu'elle a provoquées par sa plainte.

53. ART. 452 (390 du code). Cet article reproduit la règle établie par les art. 336 et 339 du code pénal, et qui ne permet de poursuivre le délit d'adultère que Dans l'opinion d'un savant professeur, il y a un sur la plainte de la partie offensée. L'art. 336 dit que motif plus péremptoire du silence du code sur la con- l'adultère de la femme ne peut être dénoncé que par cubine du mari. De deux choses l'une, dit M. Ny-le mari, tandis que l'article 339 parle d'une plainte de pels (3) ou la concubine est libre, ou elle est mariée. la femme. Mais la dénonciation faite par la partie lésée Dans le premier cas, le fait qui, quant au mari, con- est une plainte. Nous avons employé cette dernière stitue un adultère, n'est, quant à la concubine, ni expression. crime ni délit, puisque le code ne punit pas la simple fornication. Dans le second cas, au contraire, la femme mariée, adultère elle-même, pourra être dénoncée par son mari, et punie conformément à l'article 337. >

Mais cette raison est-elle fondée? Est-il bien exact de dire que la femme libre qui, sciemment et volontairement, entretient des liaisons avec un homme marié, ne commet qu'une simple fornication? Puisque ce délit suppose deux coupables, n'est-il pas évident que la concubine du mari et l'amant de la femme sont, l'une et l'autre, complices de l'adultère? D'après les principes généraux, cette question, nous semblet-il, ne peut recevoir une solution différente. Mais la loi doit-elle punir, dans l'une et l'autre hypothèse, la

(1) CHAUVEAU et HÉLIE, no 2904, et ibidem M. NY

PELS.

(2) CARNOT, sur l'art. 339, no 10.

Une conséquence nécessaire du principe dénoncé dans l'art. 336 du code pénal et l'article 452, § 1o, du projet, est que le complice ne peut être poursuivi qu'autant que le mari a porté plainte contre la femme.

Sous l'empire du code actuel, le mari, incapable de porter plainte, s'il a entretenu une concubine dans la maison conjugale, ne peut lui-même, s'il est poursuivi de ce chef, fonder aucune fin de non-recevoir sur l'adultère de sa femme. Comme la condition des deux époux doit être égale, l'art. 452, § 2, du projet étend à la femme adultère l'incapacité dont l'art. 452, § 1o, frappe le mari convaincu d'avoir entretenu, dans la maison commune, des liaisons criminelles avec une personne étrangère.

(3) Dans ses additions au Commentaire de CHAUVEAU et HÉLIE, no 2945, 2o.

(4) CHAUVEAU et HÉLIE, no 2889.

54. ART. 453 (391 du code). Le code de 1810 punit | pose, dans les liens qu'elle brise et qu'elle forme à la des travaux forcés à temps celui qui contracte un fois (2). second mariage avant la dissolution du premier (arti- Mais si un simple emprisonnement appliqué au coucle 340). Ce crime est très-grave, en effet, dit l'ex-pable de bigamie ne nous semble pas combler la meposé des motifs du code; il renferme tout à la fois l'adultère et le faux; car le coupable a déclaré faussement devant l'officier de l'état civil, et même attesté par sa signature, qu'il n'était point engagé dans les liens du mariage. »

Cependant, des criminalistes sont d'avis qu'une peine criminelle, appliquée sans distinction au coupable de bigamie, excède souvent la mesure de ce méfait; que la loi doit graduer la peine d'après les causes qui l'ont déterminé et d'après les effets qu'il produit. La loi, dit De Molènes, tombe dans une injuste sévérité, lorsqu'elle punit avec une égale rigueur tous les cas de bigamie, et qu'elle frappe indistinctement d'une peine afflictive et infamante, dont trois familles sont déshonorées à la fois, une action qui, quoique toujours coupable, n'est pas toujours également vile... La bigamie est un méfait d'une nature particulière, quant à ses causes et à ses effets. Elle peut être déterminée par une basse cupidité, mais il peut se faire aussi qu'une passion violente, étrangère à tout sentiment d'intérêt, en soit la cause. Le degré de culpabilité est tout à fait différent suivant ces cas. Quant aux effets de la bigamie, ils varient beaucoup aussi suivant les circonstances... Le mal que produit ce crime s'apprécie, en outre, par la position des enfants. Il varie suivant qu'il y a des enfants ou non de l'un ou de l'autre mariage. J'irai plus loin. La bigamie ne jette pas dans la société le même genre d'inquiétude qu'y répandent les autres crimes. Le mal qu'elle cause s'arrête aux familles trompées, et les pères de famille redoutent peu un événement qu'il paraît toujours facile d'éviter avec de la vigilance et de la prudence (1). ►

Nous ne partageons point la manière de voir du savant criminaliste dont nous venons de citer les pa- | roles; dans notre opinion, la bigamie mérite d'être frappée d'une peine criminelle, quelle qu'en soit la cause et quels que soient les effets qu'elle a produits. L'injure d'un second mariage contracté avant la dissolution du premier, disait l'orateur du corps législatif, n'est pas seulement concentrée dans l'enceinte domestique; c'est un crime social, une atteinte à l'ordre établi dans les familles, où de pareilles unions, d'après les lois qui nous régissent, porteraient le trouble, le désordre et la confusion. » Voici comment Chauveau et Hélie apprécient la gravité de ce crime: Il importe de distinguer avec soin l'acte de la polygamie commis chez les peuples qui l'admettent, et le même acte commis chez ceux qui le défendent. Chez les premiers, en effet, le second mariage, quelle que soit sa moralité intrinsèque, n'entraîne ni la ruine d'une première famille, ni le parjure, ni l'adultère, ni la fraude. Chez les autres, au contraire, il n'est pas seulement une offense à la loi qu'il enfreint, il blesse la morale, parce qu'il emporte nécessairement l'abandon du premier époux et la violation de la foi jurée, la dissolution de la famille et l'adultère, le crime de faux et la fraude exercée à l'égard du second époux. Il est donc impossible de méconnaître ici une criminalité qui naît, non de la volonté arbitraire de la loi, mais de l'action elle-même et des circonstances qui l'accompagnent; elle ne se puise pas seulement dans la violation de la loi, mais dans les conséquences funestes de l'action, dans l'immoralité qu'elle sup

(1) DE MOLÈNES, De l'humanité dans les lois criminelles, p. 488.

|

sure du crime, la peine des travaux forcés à temps, portée par le code actuel, nous paraît excéder cette mesure, du moins dans le système du projet. En effet, sous le régime du code français, le minimum de cette dernière peine est de cinq ans, et presque jamais les cours d'assises ne l'ont prononcée, pour crime de bigamie, pour plus de dix années. Or, d'après le projet, les travaux forcés à temps sont de dix ans au moins. Ce châtiment est trop rigoureux; d'ailleurs, il ne serait pas en harmonie avec le système de notre législation nouvelle, qui tend à diminuer les peines tout en cherchant à les rendre plus efficaces. Nous avons donc jugé convenable de remplacer, en cette matière, la peine des travaux forcés à temps par la reclusion, qui est de cinq à dix ans. Cette peine est bien plus forte que celle qui est portée par les codes d'Allemagne, et spécialement par le code de Prusse, dont l'art. 139 ne punit le crime de bigamie que de la reclusion de deux à cinq ans.

En s'appuyant sur les mêmes considérations que nous venons de rapporter, De Molènes propose de n'autoriser les poursuites, comme en matière d'adultère, que sur la plainte de l'une des parties lésées. Cette proposition nous paraît inadmissible. En effet, dès que l'époux offensé consent à pardonner l'outrage, la société n'a plus d'intérêt à punir le fait d'adultère; elle manquerait même son but, qui consiste à maintenir indissolubles les liens du mariage, en autorisant des poursuites d'office, et en livrant à la publicité des faits que la partie lésée désire couvrir du voile de l'oubli. Mais le crime de bigamie attaque la société elle-même; car la société a pour base la famille, qui repose sur l'unité du mariage; c'est un crime social, comme l'a fait observer l'orateur du corps législatif. La loi peut-elle raisonnablement subordonner la poursuite d'un pareil crime à la condition d'une plainte? Ensuite, si la réconciliation qui est intervenue entre le coupable et la femme qu'il avait abandonnée, si le pardon que lui accorde celle qu'il a associée à son sort par un odieux abus de confiance, sont des motifs pour ne pas le poursuivre du chef de ces délits, la générosité des parties offensées peut-elle couvrir le crime de faux que renferme le fait de bigamie? Enfin, il s'agit ici de deux mariages. Si la société a intérêt à maintenir le premier, la loi doit annuler l'autre. Pourquoi donc le ministère public, qui peut lui-même demander au tribunal civil la nullité du second mariage, serait-il désarmé, devant la juridiction répressive, par le silence des parties lésées ?

Dans l'accusation de bigamie, le code de 1791 admettait l'exception de bonne foi de celui qui contractait un second mariage avant la dissolution du premier. Si les auteurs du code de 1810, disait Monseignat au corps législatif, n'ont pas cru devoir reproduire textuellement cette exception, c'est moins pour la défendre que parce qu'il est inutile de l'énoncer; elle est de droit commun; elle est consignée dans ce principe antérieur à tous les codes, que là où il n'y a point de volonté, il ne peut y avoir de crime. Cette raison, qui est parfaitement fondée, nous détermine à conserver la rédaction du premier alinéa de l'art. 340 du code pénal.

Mais nous avons cru devoir supprimer le paragraphe de cet article qui punit de la même peine

(2) CHAUVEAU et HÉLIE, Théorie du code pénal, no 2923.

LIVRE II.

l'officier public qui a prêté son ministère au second est nécessaire pour prévenir la condamnation d'un mariage, connaissant l'existence du précédent. Cepen- officier qui n'aurait été coupable que d'insouciance ou dant on a soutenu la nécessité de cette disposition. de négligence. Mais quel juré déclarerait coupable un Voici comment Rauter s'exprime sur ce point: La officier public auquel on ne pourrait reprocher qu'une loi voulant punir l'officier de l'état civil comme com- simple faute? Il est généralement reconnu que l'intenplice, pour cela seul qu'il a célébré le mariage, ayant tion criminelle est une condition essentielle de tout connaissance du mariage déjà existant, il fallait une crime. Si le législateur n'a pas jugé à propos d'exiger disposition spéciale; puisque, sans cela, très-souvent formellement cette condition, en puuissant celui qui, les conditions communes de la complicité ne se seraient étant engagé dans les liens d'un premier mariage, en pas rencontrées, et que, par conséquent, il n'y aurait contracte un autre, pourquoi cette même condition pas eu pénalité; il en fallait une d'autant plus que, devrait-elle être exprimée lorsqu'il s'agit de l'officier comme le code civil et le code pénal même out spécia- public qui prête son ministère à ce mariage ? N'estlement puni certaines fautes des officiers de l'état elle pas consignée, comme le dit l'orateur du corps civil, on aurait pu en inférer que la célébration irré- législatif, dans ce principe antérieur à tous les codes, gulière dont il s'agit, n'étant pas punie par une dispo- que là où il n'y a point de volonté, il ne peut y avoir sition semblable, n'était point susceptible de poursuites de crime? pénales. D'un autre côté, le législateur a voulu, par une disposition spéciale, et en faisant entrer textuellement dans la définition de la complicité de l'officier, la connaissance du fait de bigamie, prévenir la condamnation de celui qui n'aurait été coupable que d'insouciance ou de négligence (1).

Ces arguments ne soutiennent pas un examen sérieux. Il paraît d'abord incontestable que les règles de la complicité établies par l'article 60 du code pénal s'appliquent au fait de l'officier public qui, sciemment, prête son ministère pour la célébration du mariage criminel. Mais si quelque doute pouvait encore subsister à cet égard sous l'empire du code actuel, ce doute s'évanouirait en présence des dispositions du nouveau code. En effet, l'article 78 de ce code punit comme auteurs du crime ceux qui l'ont exécuté ou ont coopéré directement à son exécution; ceux qui, par un fait quelconque, ont prété pour l'exécution une aide telle que, sans leur assistance, le crime n'eût pas été commis... N'est-il pas évident que le fait de l'officier de l'état civil, qui procède avec connaissance à la célébration du second mariage avant la dissolution du premier, tombe sous l'application de ces règles générales?

Mais, objecte-t-on, comme le code civil et le code pénal, qui répriment certaines négligences des officiers de l'état civil dans l'exercice de leurs fonctions, ne prévoient pas le cas où ces officiers auraient prêté leur ministère à l'union d'un bigame, on pourrait en conclure que ce fait n'est pas punissable, alors même qu'ils auraient agi par connivence. Cet argument n'a pas besoin d'être réfuté. Si la loi ne punit pas la simple faute, qui pourrait jamais croire que l'intention criminelle reste également impunie?

On dit enfin que la disposition spéciale de l'art. 340

(1) RAUTER, Traité de droit criminel, no 477.

Non-seulement la disposition du second alinéa de l'art. 540 est complétement inutile, mais elle présente. de plus un inconvénient assez grave pour motiver sa suppression. Dans notre opinion, les principes relatifs à la participation criminelle doivent également recevoir leur application en matière de bigamie. Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple, le nouvel époux qui, au moment de la célébration du mariage, savait que la personne avec laquelle il allait le contracter était encore engagée dans les liens d'un mariage précédent, serait coauteur du crime (2). Mais on pourrait conclure de la disposition spéciale de l'article 340 que, par dérogation aux principes généraux, la loi ne veut punir d'autre participation au crime de bigamie que celle de l'officier de l'état civil, conformément à la maxime: Inclusio unius est exclusio alterius. La suppression du second paragraphe de l'art. 340 préviendra cette interprétation.

Nous ferons encore remarquer que, d'après le code pénal de Prusse (art. 139), la bigamie est un crime permanent ou successif, dont la prescription ne commence à courir que du jour de la dissolution de l'un des deux mariages. Ce principe produit deux inconvénients graves. D'abord, il a pour effet de rendre le plus souvent le crime imprescriptible. Ensuite, le second époux, qui n'aurait eu connaissance de la bigamie que depuis la célébration de son mariage, n'en serait pas moins coauteur du crime s'il continuait de cohabiter avec le bigame.

Dans le système du projet, comme dans celui du code de 1810, la bigamie n'est pas un crime permanent; c'est un crime simple, qui consiste uniquement dans le fait de contracter un autre mariage avant la dissolution du premier.

(2) CARNOT, sur l'art. 340, no 11; RAUTER, loc. cit.

« PrécédentContinuer »