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ceux qui les imitent ou les traduisent? Pope et Dryden en Angleterre, Annibal Caro en Italie, ont dû, l'un à Homère, les autres à Virgile, la plus belle partie de leur gloire. Bien loin au-dessous d'eux, Messieurs, je dois au Prince des Poètes latins l'hommage de votre choix, et c'est pour mon au teur favori que je m'enorgueillis de vos suffrages; il me servit à les obtenir, vous m'apprendrez à les mériter. Ici se trouvent réunis tous les genres de talens, ici la tragédie et la comédie m'offrent ce qu'il y a de plus touchant dans la peinture des passions, et de plus piquaħt dans la peinture des mœurs. Ici la poésie, tantôt peignant avec ma gnificence les phénomènes des saisons, tantôt des cendant avec noblesse à des badinages ingénieux, l'éloquence célébrant dans les temples et les lycées les vertus des grands hommes; les principes des arts discutés, leurs procedés embellis par le charme des vers; l'art important d'abréger l'étude des langues, la connoissance profonde des langues anciennes, la nôtre enrichie par vos ouvrages, épurée par le commerce de ce que la Cour a de de plus grand par la naissance, de plus aimable par l'esprit; la morale déguisée sous d'agréables fictions; l'histoire écrite avec éloquence et sans partialité ; la fable, qui créée par un esclave dans la Grèce, embellie à Rome par un affranchi, se glorifie de devenir, entre les mains d'un des premiers hommes de la Cour, l'instruction des Grands et des Rois: tout semble m'offrir la réalité de ce

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fabuleux Hélicon, où habitoient toutes les divini. tés des Arts.

Et quelles couleurs prendrai-je pour peindre cet homme qui réunit à lui seul tous les genres; qui, dans la carrière des lettres, après avoir, comme un autre Hercule, épuisé tous les travaux, ne s'est point, comme lui, permis de repos, et ne s'est point prescrit de bornes, dont le génie est également étendu et sublime, qu'on pourroit com parer, par une image gigantesque, s'il ne s'agissoit de lui, à ces montagnes, qui, non contentes de dominer la terre par leur élévation, l'embrassent encore sous différens noms par l'immensité de leur chaîne.

Au sentiment de l'admiration succède celui de la reconnoissance. Je vois dans cette assemblée des personnes dont l'amitié pour moi remonte. jusqu'à mon enfance. J'y distingue ce compatriote chéri, ce panégyriste éloquent des grands hommes, qui le premier m'inspira l'amour de la poésie et le désir d'honorer notre Patrie commune, qui, malgré mes efforts, auroit encore le droit de demander ce que j'ai fait pour elle et pour sa. gloire, si, en m'adoptant, Messieurs, vous n'eussiez daigné m'associer à la vôtre.

Eh! puis-je contempler la splendeur de ce corps célèbre, sans me rappeler ses illustres Auteurs? Vous avez pour protecteurs de grands Monarques, pour fondateurs de grands Hommes. C'est ce Roi, véritablement grand en tout, qui illustra ses pre

mières années par ses victoires, et les dernières par sa constance, et à qui il manqueroit peut-être la plus belle partie de sa gloire, s'il n'eût été qu'heureux. C'est ce Séguier qui tempéra, par le charme des lettres, l'auguste sévérité des lois; c'est ce Richelieu, ce Ministre avide de tout genre de gloire, qui, d'un côté, par une audace sublime, relevoit la timidité rampante de la politique; de l'autre, ennoblissoit, si je l'ose dire, la jalousie littéraire, ordinairement si basse, en honorant de son envie les palmes de Corneille.

A ceux qui, confondant les lettres avec l'abus trop réel des lettres, prétendent qu'elles sont dangereuses aux lois, au Gouvernement, à l'autorité royale, vous pouvez donc répondre que vous avez pour auteurs et pour protecteurs un grand Magistrat, un grand Ministre, un grand Roi.

Et quel nouveau protecteur vient animer vos travaux ? C'est celui de l'État ; c'est ce Roi dont la ; bonté active a devancé nos espérances, qui a essaye par des bienfaits la douceur de règner. Auguste espoir de la France, jouissez de votre gloire, jouissez du bonheur que vous méritez si bien, de commander à des François. Tant d'autres Princes ont des Sujets, et vous avez un peuple, un peuple qui ressent pour ses Rois l'ivresse de l'amour, et l'enthousiasme de la fidélité, qui obéit à la tendresse, qui se laisse gouverner par l'exemple. Entendez-vous ces applaudissemens qui vous reçoivent, qui vous assiégent au sortir de votre pa

lais? Voyez-vous cette foule qui s'empresse autour de votre char? Et lorsqu'au milieu de ces cris d'allégresse, ralentissant votre marche, charmé de voir votre peuple, lui prodiguant, sans pouvoir l'en rassasier, le bonheur de vous voir, vous prolongez vos plaisirs mutuels, est-il, fut-il jamais un triomphe que vous puissiez encore envier? Ces applaudissemens ne sont point un vain bruit: c'est le gage de notre bonheur et de notre gloire. Un Roi avoit chargé un homme de sa Cour de lui rappeler tous les jours ses devoirs; votre peuple vous le rappele de la manière la plus touchante, en vous annonçant qu'il vous aime; ses cris vous disent assez de l'aimer, et votre cœur vous le dit encore mieux. Pourrions-nous craindre les flatteurs? Mais quand vous n'en seriez pas naturellement l'ennemi, quel charme pourriez-vous trouver à la fausse douceur de l'adulation, après avoir éprouvé la douceur pure de ces acclamations si flatteuses? Malheur au Souverain, qui, après avoir goûté le plaisir d'être aimé de ses Sujets, peut voir tranquillement les cœurs se refermer pour lui!

La plus grande partie de ces fidèles Sujets ne peut vous faire entendre les cris de son amour; mais elle vous envoie le prix de ses sueurs, mais son sang est prêt à couler pour vous. Déjà du milieu de la Capitale s'est répandu dans les provinces, dans les villes, dans les armées, sous les cabanes du pauvre, le bruit des prémices heureuses de votre règne.

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Bien loin de redouter votre jeunesse, nous en tirons d'heureux augures. C'est l'âge où l'ame senşible et tendre s'ouvre à l'amour du beau, et s'épa nouit à la vertu. Nous croyons voir ce moment, le plus intéressant de la nature, ce moment de l'aurore, où tout s'éveille, tout se ranime, tout reprend une nouvelle vie. Ce plaisir si touchant de rendre un peuple heureux, vous en savourez mieux la douceur, en le partageant avec votre auguste épouse, qui présente le plus beau spectacle que la terre puisse offrir au ciel, la beauté bienfaisante sur le trône. Combien de fois vos cœurs se sont-ils rencontrés avec délices dans les mêmes projets de bienfaisance! Couple auguste! autrefois votre bonté étoit trop resserrée dans le second rang de l'État; eh bien, la voilà libre, un vaste empire lui ouvre une immense carrière! Tous deux à d'heureuses inclinations, vous joide grands modèles : la Reine, une mère adorée de ses sujets; Vous, un père qui eût été adoré des siens, si le ciel ́.. Mais, hélas! ne r'ouvrons pas la source de nos larmes. Il vous parle, ce père, du fond de son tombeau. « Mon fils, dit-il, fais » ce que j'aurois voulu faire, rends heureux ce bon peuple; je me consolois quelquefois d'être destiné au trône, par l'espérance de lui prouver » mon amour, et de mériter le sien ». Vous hériterez aussi de son goût pour les lettres et les Arts, dont la culture suppose toujours un état heureux et florissant ; ce sont des fleurs qui naissent après

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