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Cid, c'étoit pour lui désigner ses fonctions, et publiques et particulières; et alors elle les remplit avec la dignité qui lui convient, et les lumières qui la distinguent.

Cette passion vile et basse qui ne sait jamais s'arrêter dans ses vengeances, auroit-elle pu agiter l'ame de ce Richelieu qui déploya dans toute son énergie la puissance qu'un grand caractère exerce sur ce qui l'environne? Semblable à ces planètes qui asservissent à leurs mouvemens les corps voisins de leur orbite, il soumit tout, jusqu'à la volonté de son Roi, pour le bien de l'Empire. Mais je m'arrête; et sans le considérer sous tous les points de vue qui l'ont rendu célèbre, je me contenterai de dire que, dans ce palais, Messieurs, votre présence est son éloge.

Après lui, le chancelier Seguier fut seul digne, et par sa place et par ses grandes qualités, de soutenir la dignité de ce protectorat.

Louis XIV ensuite crut devoir éterniser l'éclat de son règne, par la protection accordée aux lettres.

Par un juste retour, elles feront oublier les erreurs inséparables de l'humanité, et lui assureront dans tous les temps le nom de Grand qu'il a imprimé à son siècle.

Animés par ses regards, enflammés par son suf frage, les arts et les lettres ont prouvé que, du sein d'un peuple généreux, aimant et sensible, le Souverain peut faire naître tout ce que prescri ront sa grandeur et sa volonté.

Pendant le cours de ce règne illustre, les lettres, (ainsi qu'en un temps plus reculé, l'art de l'imprimerie) les lettres préparèrent innocemment le pouvoir irrésistible des sciences et les armes de la raison. C'est au milieu de subtils déraisonnemens, c'est au bruit de disputes frivoles et interminables, que la raison se réveilla et se mità rassembler en secret les moyens qui devoient. fonder sa puissance.

Par le secours de l'imprimerie, de cet art divin, qui est pour l'aliment de l'esprit, ce que l'instrument adopté par Cérès est pour le soutien de notre existence; des ouvrages écrits sous la dictée de la philosophie, ont répandu sur toute la superficie du globe, des semences de vérité qui fructifieront chez tous les peuples de l'univers, et dans tous les siècles, pour l'extirpation des préjugés nuisibles au bonheur du genre humain.

Qu'un amas de peuples barbares vienne encore ravager la terre; que les discussions des Rois aient encore le pouvoir d'armer les mains de leurs sujets; que, plus terrible cent fois que la fureur des barbares et que les passions des Souverains, l'ordre éternel engloutisse sous l'Océan une des parties du monde, et rende au continent des espaces qu'il couvre de ses flots: les barbares, les Souverains, les élémens conjurés ne feront pas à présent reculer d'un pas la raison; elle s'arrêtera, mais l'orage passé, elle reprendra son cours, et

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ses pas, guidés par les lettres, la porteront aussi loin qu'elle peut aller.

Mais, Messieurs, la raison a-t-elle encore bien des efforts à faire pour arriver au terme de sa course? Louis XIV a élevé l'esprit de la Nation; mais la raison nous a prouvé que cette grandeur qu'il avoit manifestée dans toutes les opérations de son règne, ne suffisoit pas pour le bonheur des peuples, et que leur félicité étoit l'ouvrage de la première de toutes les vertus, de la bienfaisance. Elle s'est assise sur le trône, et le François, qui suit avec ardeur l'exemple de son Roi, doit à Louis XVI cette passion de bienfaisance qui s'est répandue dans tous les Etats du royaume le plus fortuné.

Oui, le vieillard, en mourant, relèvera sa pâupière affaissée, et jetant sur ses enfans et sur leurs rejetons un coup-d'oeil satisfait et tranquille, il leur dira: Ne pleurez pas, regardez le trône, contemplez le Monarque qui l'occupe, voyez son auguste compagne ; ils nous aiment, ils sont dans la force de l'âge, et vous serez long-temps heu

reux.

RÉPONSE

De M. LE MIERRE, au discours de M. SEDAINE.

Monsieur,

QUOIQUE les pertes qu'éprouve l'Académie se succèdent avec rapidité, et que les talens faits pour l'en consoler ne naissent qu'à de longs intervalles; quoiqu'il soit douloureux de ne pouvoir orner, dans cette assemblée, aucun triomphe qu'à la suite d'une cérémonie funèbre, je ne puis m'empêcher de rendre grâce au sort de m'avoir imposé la fonction honorable dont je m'acquitte puisqu'il charge aujourd'hui l'amitié de féliciter les talens.

Mais si je souhaitois de vous avoir pour confrère, si la sympathie des sentimens fait désirer des avantages et des honneurs qui nous soient communs, et tout ce qui peut multiplier les rapprochemens; si l'amitié n'a jamais trop de rapports, ce n'est point à elle à faire l'apologie de vos titres, elle pourroit paroître suspecte, et c'est en laissant à part un moment les sentimens qui nous unissent, que je vais être l'interprète de la voix publique.

Ce sont trente ans de travaux qui ont sollicité pour vous la place que vous obtenez; je le dirai

même à la gloire des gens de lettres, c'est l'honnê teté de vos rivaux : ils ont suspendu toute démarche, ils ont fait taire les réclamations de l'amourpropre, pour hâter l'accomplissement de vos désirs, et vous ont cédé les honneurs du triomphe, en vous dispensant des inquiétudes de la concur.

rence.

La carrière des lettres ne paroissoit pas d'abord celle où vous deviez entrer; vous vous étiez destiné à suivre les traces de l'immortel architecte dont ce palais nous offre le chef-d'œuvre : vos regards s'étoient sans doute arrêtés plus d'une fois avec complaisance pour étudier ces belles propor tions qui sont à l'architecture ce que la mesure est à la musique, et vous admiriez le superbe édi fice du Louvre, sans songer qu'il renfermoit le sanctuaire des Muses, où vos talens devoient un jour vous faire asseoir.

Vous suivites quelque temps votre première destination, et elle vous a été glorieuse, puisqu'elle vous a mérité la place que vous occupez à l'Académie d'architecture, comme organe de ses délibérations.

Cependant, séduit dès votre jeunesse par l'attrait de la poésie, vous en faisiez vos amusemens. Un recueil de pièces fugitives, d'un tour naïf et agréable, vous annonça bientôt favorablement dans le public. On y trouve un discours sur ce sujet important, qu'il n'y a de vertu que celle qui persévère : vérité sublime, qui déceloit dans l'au

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