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mes, ne laissa pour la gloire de M. de Buffon', rien à faire à la postérité.

La même magnificence se déploie dans les jardins. L'école, l'amphitéâtre, les serres, les végétaux, l'enceinte elle-même, tout y est renouvelé, tout s'y est étendu, tout y porte l'empreinte de ce grand caractère, qui, repoussant les limites, ne se plût jamais que dans les grands espaces et au milieu des grandes conceptions. Des collines, des vallées artificielles, des terrains de diverse nature, des chaleurs de tous les degrés y servent à la culture des plantes de tous les pays. Tant de richesses et de variétés rappèlent l'idée de ces monts fameux de l'Asie, dont la cîme est glacée, tandis que les vallons situés à leur base sont brûlans, et sur lesquels les températures et les productions de tous les climats sont rassemblées.

Une mort douloureuse et lente a terminé cette belle vie. A de grandes souffrances, M. de Buffon opposa un grand courage. Pendant de longues insomnies, il se félicitoit d'avoir conservé cette force de tête, qui, après avoir été la source de ses inspirations, l'entretenoit encore des grands objets de la nature. Il vécut tout entier jusqu'au moment où nous le perdîmes. Vous vous souvenez, Messieurs, de la pompe de ses funérailles; vous y avez assisté avec les députés des autres Académies, avec tous les amis des lettres et des arts, avec ce cortége innombrable de personnes de tous

les rangs, de tous les états qui suivoient en deuil au milieu d'une foule immense et consternée. Un murmure de louanges et de regrets rompoit quelquefois le silence de l'assemblée. Le temple vers lequel on marchoit ne put contenir cette nombreuse famille d'un grand homme. Les portiques, les avenues demeurèrent remplis ; et tandis que l'on chantoit l'hymne funèbre, ces discours, ces regrets, ces épanchemens de tous les cœurs ne furent point interrompus. Enfin, en se séparant, triste de voir le siècle s'appauvrir, chacun formoit des vœux pour que tant de respects rendus au génie fissent germer de nouveaux talens et préparassent une génération digne de succéder à celle dont on trouve parmi vous, Messieurs, les titres et les exemples.

J'ai parlé des beautés du style et de l'étendue du savoir de M. de Buffon. Que ne peut s'élever ici, Messieurs, pour peindre dignement ses qualités et ses vertus, et pour ajouter beaucoup à vos regrets, la voix des personnes respectables dont il s'étoit environné! Que ne peut sur-tout se faire entendre la voix éloquente d'une vertueuse amie, dont les tendres consolations, dont les soins affectueux, elle me permettra de dire, dont les hommages ont suivi cet homme illustre jusqu'au tombeau! Elle peindroit l'heureuse alliance de la bonté du coeur et de la simplicité du caraçtère avec toutes les puissances de l'esprit! Elle. peindroit la résignation d'un philosophe souf

frant et mourant sans plainte et sans murmure! Cette excellente amie a été témoin de ses derniers efforts; elle a reçu ses derniers adieux; elle a recueilli ses dernières pensées. Qui mérita mieux qu'elle d'être dépositaire des dernières méditations du génie! Que ne peut encore s'élever ici la voix imposante d'un illustre ami de ce grand homme, de cet administrateur qui, tantôt dans la retraite, éclaire les peuples par ses ouvrages, et tantôt dans l'activité du ministère, les rassure par sa présence et les conduit par sa sagesse! Des sentimens communs d'admiration, d'estime et d'amitié rapprochoient ces trois ames sublimes. Que de douceur, que de charmes dans leur union! Etudier la nature et les homines, les gouverner et les instruire, leur faire du bien et se cacher, exciter leur enthousiasme et leur amour, ce sont presque les mêmes soins, les mêmes pensées; ce 'sont des travaux et des vertus qui se ressemblent.

Avec quelle joie M. de Buffon auroit vu cet ami (1), ce grand ministre rendu par le meilleur des rois aux vœux de tous, au moment où les représentans du plus généreux des peuples vont traiter la grande affaire du salut de l'état, à la veille de ces grands jours où doit s'opérer la régénération solennelle du corps politique, où de l'union naîtront l'amour et la force; où le père de la patrie recueillera ces fruits si doux de sa

(1) M. Neker.

bienfaisance, de sa modération et de sa justice ;. où son auguste compagne, mère sensible et tendre, si profondément occupée des soins qu'elle ne cesse de prodiguer à ses enfans, verra se préparer pour eux, avec la prospérité commune, la gloire et le bonheur; dans cette époque, lá plus intéressante de notre histoire, qui peindra Louis XVI protégeant la liberté près de son trône, comme il l'a défendue au-delà des mers; se plaisant à s'entourer de ses sujets; chef d'une nation éclairée et régnant sur un peuple de citoyens; roi par la naissance; mais de plus, par la bonté de son cœur et par sa sagesse, le bienfaiteur de ses peuples et le restaurateur de ses états.

Qu'il m'est doux, Messieurs, de pouvoir réunir tant de justes hommages à celui de la reconnoissance que je vous dois ! L'Académie françoise, fondée par un roi qui fut lui-même un grand homme, forme une république riche de tant de moissons de gloire, fameuse par tant de conquêtes, et si célèbre par vos propres travaux, que peu de personnes sont dignes d'être admises à partager avec vous un héritage transmis par tant d'ayeux illustres; mais voulant embrasser dans toute son étendue le champ de la pensée, vous appelez à vous des colonies composées d'hommes laborieux dont vous éclairez le zèle, dont vous dirigez les travaux, et parmi lesquels j'ai osé former le vœu d'être placé. Ils vous apportent ce que le langage des sciences et des arts

contient d'utile aux progrès des lettres; et će concert de tant de voix, dont chacune révèle quelques-uns des secrets du grand art qui préside à la culture de l'esprit, est un des plus beaux monumens que notre siècle puisse offrir à l'admiration de la postérité.

RÉPONSE

De M. DE SAINT-LAMBERT, directeur de l'Académie, au discours de M. VICQ-D'AZYR.

Monsieur,

IL y a long-temps que l'Académie s'honore par les hommages qu'elle aime à rendre aux talens qu'elle ne possède pas et aux travaux qui lui sont étrangers; elle sait quelles qualités sont nécessaires à ceux qui se consacrent à la recherche de la vérité, et que dans tous les genres il n'y a qu'une raison supérieure qui puisse apporter de nouvelles lumières à la raison universelle.

Dans le siècle passé, où l'art étoit arrivé à sa perfection, mais où la science avoit encore tant de pas à faire, il s'étoit élevé entre l'un et l'autre des barrières qu'on n'essayoit pas de franchir. Des asiles séparés étoient destinés à ceux qui étudioient la nature et à ceux qui vouloient la

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