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LES

POËTES FRANÇAIS

RECUEIL DES CHEFS-D'OEUVRE

DE LA POÉSIE FRANÇAISE

DEPUIS LES ORIGINES JUSQU'A NOS JOURS

NOTICE LITTÉRAIRE SUR CHAQUE POËTE

PAR

MM. CHARLES ASSELINEAU - HIPPOLYTE BABOU
CHARLES BAUDELAIRE - THEODORE DE BANVILLE PH. DE CHENNEVIÈRES

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Si j'avais à écrire une biographie de Boileau, je n'aurais qu'à piller Daunou. Si je voulais résumer et expliquer les variations successives de l'opinion littéraire sur le compte du premier de nos poëtes critiques, j'aurais bientôt fait de copier M. Sainte- Beuve dans ses Causeries du lundi et son dernier volume de Port - Royal. Daunou, avec sa merveilleuse sagacité de rapporteur, a réuni et discuté en quelques pages toutes les pièces du dossier biographique de Nicolas. Il n'a laissé aux biographes futurs que l'amusement du commentaire et de la libre interprétation. Quant à M. Sainte-Beuve, nul n'a, mieux que lui, restauré la noble figure de Boileau, si grossièrement bafouée dans toutes les guerres civiles, dans toutes les frondes de la république des lettres. Avant de rendre complète justice à ce grand nom, et pour qu'il fût désormais à l'abri de tout outrage de la part des sots admirateurs, des passionnés adversaires, des ignorants de toute origine et de tout parti, M. Sainte-Beuve a patiemment confronté les divers témoignages historiques des deux derniers siècles et du nôtre sur une de nos gloires les plus nationales. Il a relevé les erreurs de jugement, les préjugés d'école, les illusions de perspective, les entrainements des passions et des circonstances qui ont si souvent

contribué à rabaisser Nicolas presque au niveau de Gilles, son frère, celui qu'on appelait Boileau le grammairien, Boileau le critique. Et non-seulement le poëte a vengé le poëte, sans le surfaire par esprit de réaction, mais le peintre historien a ranimé le grand homme (greatman) dans le cadre même de sa vie passée; ce qui nous a permis enfin d'envisager le patriarche d'Auteuil dans son vrai jour, de comprendre le rôle et la fonction de cette redoutable autorité, de ce caractère si droit et si aimable, de cet esprit novateur et correcteur, de cette raison aussi fière dans ses haines qu'intrépide et indépendante dans ses amitiés.

Oui, voilà le véritable Boileau! Je le reconnais du premier coup, je l'estime toujours, je l'admire quelquefois, et quelquefois aussi je me surprends à l'aimer cordialement comme l'aimèrent sans doute ses meilleurs contemporains, dans cette solitude d'Auteuil, aussi glorieuse en son temps que le fut plus tard celle de Ferney. Je laisse de côté sa biographie anecdotique, cette collection de petits faits de la vie privée que tout le monde sait par cœur aujourd'hui. Ce que je voudrais tenter ici, c'est la biographie de l'esprit de Boileau, cet esprit dont la supériorité, comme le dit Brossette, se révèle plutôt par la conversation que par les écrits. La conversation de cet initiateur littéraire, de cette espèce de Royer-Collard poëte et critique; sa conversation à Versailles, au cabaret, dans les salons, chez les libraires, au théâtre, dans son jardin et jusque dans son lit, où il passe la franche matinée en vrai Parisien qu'il est; ses lectures et ses récitations animées par tout le prestige de l'acteur, du mime excellent et de l'habile metteur en scène, eurent évidemment sur son époque une influence beaucoup plus grande que les diverses éditions de ses œuvres poétiques et critiques. De telles œuvres, si nettement datées, si appropriées au moment, si bien venues à heure fixe, ressemblent d'une manière frappante à des pièces de théâtre, à des chansons, à des causeries, à des plaidoyers d'avocat, à des harangues d'orateur: elles sont faites, sans nul doute, bien plutôt pour être jouées, chantées, mimées et déclamées, que pour être lues avec recueillement, dans le silence du cabinet. Boileau le savait lui-même mieux que nous. Aussi lançait-il ses écrits comme des paroles volantes, que mille échos se renvoyaient, de Paris à Auteuil et d'Auteuil à Versailles, avant qu'elles ne fussent happées au vol par un libraire et triomphalement exposées dans la galerie du Palais. Il les récitait avec feu, avec adresse, et non pas seulement chez ses Mécènes, chez

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