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conséquemment, que ses tombeaux et tous les objets qu'on y trouve remontent nécessairement au delà de cette époque. Or c'est une notion qui ne peut être étrangère à personne, que le plus grand nombre des miroirs étrusques qui ont enrichi la science dans l'espace des dernières années sont sortis de la nécropole de Vulci: d'où résulte la preuve que l'usage du meuble en question était familier à ce peuple dans le cours des deux siècles où furent exécutés la plupart des monuments, miroirs, vases peints, et autres objets du mobilier funéraire, produits sous l'influence alors dominante du génie grec, c'est-à-dire dans le cours des I et ive siècles de Rome.

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Le second des miroirs, publié par M. Micali et pareillement inédit, provient de Chiusi il représente trois femmes debout, dont deux sont vêtues, la troisième, nue, qui sont désignées par leur nom, EVTVORA, ALTDIA, OALHA; un quatrième personnage, dont la figure manque entièrement, était nommé AVE. Le nom d'Euturpa, certainement la forme étrusque d'Euterpe, était déjà connu par un autre miroir du Museo Gregoriano, et l'on ne risque rien de regarder la femme désignée par ce nom comme la muse Euterpe: d'où il suit que les deux autres femmes représentées dans les mêmes conditions doivent être des figures du même ordre, c'est-à-dire des Muses ou des Grâces. Mais on n'en est pas plus avancé dans l'explication des noms énigmatiques, Altria, Thalna, donnés aux deux figures en question, non plus que dans celle du nom Aiche, qui désigne le quatrième personnage, et que M. Micali croit pouvoir interpréter par le nom de l'une des Grâces, Aglaie. La vérité est que cette interprétation n'a rien de satisfaisant, et que ces noms étrusques, pareils à une foule d'autres qui sont dans le même cas, sont autant d'énigmes, sur lesquelles s'est vainement exercée, depuis déjà plus d'un siècle et de nos jours encore, la sagacité des antiquaires. Le nom de Thalna, si souvent donné, sur les miroirs étrusques, à une divinité qu'à raison de ses attributs et de la part qu'elle prenait à l'action représentée sur ces miroirs, on avait cru pouvoir considérer tantôt comme une nymphe de Dodone, tantôt comme Vénus, ou bien comme Diane, ou enfin, comme Thalló, l'une des Heures attiques; ce nom, donné ici à une femme compagne de la muse Euterpe, vient accroître de nouveau les doutes dont son étymologie, aussi bien que sa détermination, était l'objet, et c'est là un des phénomènes de l'archéologie étrusque, que les incertitudes s'y augmentent à mesure que les monuments s'y multiplient. Cet état de choses durera tant que l'on ne archeol. t. III, p. 101. · Mus. Gregor. t. I, tav. xcvi; voy. aussi les Monum. public. dall' Instit. archeol. t. II, tav. xxvг.

possédera pas le seul moyen critique d'interprétation qui puisse s'appliquer aux inscriptions étrusques, c'est-à-dire l'intelligence de l'idiome auquel elles appartiennent; or c'est là une découverte réservée peutêtre à notre siècle1, comme tant d'autres qui paraissaient plus difficiles, mais à laquelle j'avoue, à ma grande confusion, que je ne vois rien qui conduise ou qui prépare dans tout ce qui a été exécuté jusqu'ici de travaux sur cette partie du domaine de la science.

(La suite à un prochain cahier.)

RAOUL-ROCHETTE.

ANTONIO PERez et Philippe II.

HUITIEME ET DERNIER ARTICLE 2.

1. Obras y cartas de Antonio Perez. In-8°, Genève, 1644.

2. Dépêches de M. de Beaumont, ambassadeur en Angleterre. Manuscrit de la Bibliothèque royale, fonds Béthune, vol. 8993, 8994.

3. Lettres inédites de Perez. Manuscrit de la Bibliothèque royale, fonds Béthune, n° 9141.

Aussitôt après la mort de Philippe II, le bruit se répandit en Europe que ce prince, sur son lit de mort, avait ordonné de mettre en liberté la femme et les enfants de Perez, avec restitution de leurs biens 3. On publia même des instructions secrètes qu'il aurait laissées à son .fils Philippe III, et dans lesquelles il lui aurait recommandé de s'entendre avec Perez et de l'employer en Italie, sans, toutefois, lui permettre jamais de revenir en Espagne ou de se fixer aux Pays-Bas ".

La confiance rentra dans l'âme du vieux ministre proscrit; il avait eu autrefois des relations fort amicales avec le favori du nouveau roi,

1 On sait que le P. Secchi s'occupe d'un grand travail sur l'alphabet et la langue des Étrusques, et personne n'attend le résultat de ce travail avec plus d'intérêt et de confiance dans les lumières du savant antiquaire que l'auteur de cet article. - Voir les n° d'août et décembre 1844, janvier, février, mars, avril et mai 1845. Cartas de Ant. Perez: A un señor amigo, p. 469, 470.-Economies royales de Sully, Collect. Petitot, seconde série, t. III, p. 254; Palma Cayet, Chronologie septénaire, in-8°, Paris, 1605, p. 29; Meteren, Hist. des Pays-Bas, in-fol., La Haye, p. 443.

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don Francisco Gomez de Sandoval y Rojas, marquis de Denia, quí gouverna si absolument et si longtemps la monarchie espagnole, sous le nom de duc de Lerma. «Je l'ai connu dès sa jeunesse, écrivit-il à l'un de ses amis, d'un naturel excellent, doux et noble. Dans le cours de mes malheurs et pendant mes captivités; ses parents détestaient les auteurs de mes persécutions et parlaient librement contre les favoris de ce temps, qui s'alimentaient de ma fortune et se couvraient de mes dépouilles. Son père m'aimait...., il était attaché au parti de Ruy Gomez de Silva, et avait pour lui un dévouement entier. Ses cousins germains, fils de don Hernando de Rojas, naquirent et furent élevés dans la maison des pères de doña Juana Coëllo. Ils grandirent, la main dans la main, avec ma femme et ses proches....; lui-même venait me visiter publiquement en prison et s'exposait ainsi à la colère du roi1. » Ces souvenirs fortifièrent encore les espérances que lui avaient inspirées la mort de son opiniâtre persécuteur et l'avénement au trône d'un jeune prince qui voudrait sans doute signaler les commencements de son règne par des actes de clémence et de douceur. Il crut à un prochain retour de fortune.

Six mois se passèrent sans apporter aucun changement à sa situation et à celle de sa famille. Philippe III partit de Madrid, au mois d'avril 1599, pour aller épouser à Valence l'archiduchesse Marguerite d'Autriche, qui s'y rendait de son côté par Gênes. C'est alors seulement qu'un notaire de Castille se présenta à la prison où doña Juana Coëllo était enfermée avec ses sept enfants.: «Madame, lui dit-il, Sa Majesté ordonne que vous soyez libre. Vous pouvez aller à la cour et partout où bon vous semblera; mais vos enfants doivent rester ici.» Doña Juana fut extrêmement troublée à cette nouvelle; elle ne voulait pas accepter une faveur si imparfaite et laisser au milieu des soldats et des alguazils sa fille doña Gregoria, âgée de vingt ans, chargée de garder trois frères et trois sœurs plus jeunes qu'elle3. Après de violents combats, elle s'y décida cependant, afin de pouvoir solliciter leur déli

vrance.

Elle se rendit à la cour, et visita d'abord Rodrigo Vasquez de Arce, que Perez appelle son bourreau en chef. En la voyant, Vasquez versa des larmes hypocrites. Doña Juana Coëllo eut la consolation d'assister à la soudaine disgrâce de ce ministre des vengeances de Philippe II,

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1 Cartas de Ant. Perez: A un señor amigo, p. 502, 503. • Ibid., P. 473. Ibid. — Ibid. Verdugo mayor Rodrigo Vasquez. Ibid., p. 495.- «Quantan que se enternesciò, y que llorò lagrimas visibles aquel crocodillo con ella.. Ibid., p. 474.

alors âgé de quatre-vingts ans, et qui avait été si impitoyable pour son mari, pour elle, pour ses enfants. La présidence du conseil royal de Castille lui fut brusquement retirée, et il reçut l'ordre de quitter la cour et de ne pas se rapprocher de vingt lieues de Madrid ni de dix de Valladolid. Le comte de Miranda, qui devint son successeur, par la grâce du marquis de Denia, dont la miséricordieuse protection s'étendit bientôt de la femme de Perez sur ses enfants, se montra trèsfavorable à cette famille captive et dépouillée 2. Les sept enfants de Perez sortirent de la prison où ils étaient enfermés depuis neuf ans, et où le dernier avait reçu le jour. Il leur fut même permis de poursuivre Rodrigo Vasquez de Arce en restitution de vingt mille écus qu'il avait pris sur une rente ecclésiastique accordée par le pape Grégoire XIII à Gonzalo, l'aîné d'entre eux, et que Vasquez avait employés à payer des alguazils pour les garder 3.

« Ce président du conseil de Castille, dit Perez dans son indignation, qui avec ses quatre-vingts ans se croyait si loin du sépulcre, cet homme dont l'aspect était si composé, l'hypocrisie si raffinée, et qu'on avait appelé, au commencement de sa fortune, et comme pour avertir tout le monde, un ail confit, prit vingt mille écus de la rente d'un enfant placé dans l'Église par la faveur du souverain pontife Grégoire XIII. II les prit pour nourrir ses sbires et ses carnassiers serviteurs, afin qu'ils mortifiassent les corps et les âmes de ces pauvres affligés pour son divertissement, ne pouvant pas les faire servir sur sa table, la chair humaine n'étant pas encore exposée à la boucherie publique..... et ce qu'il y a de bon, c'est que l'enfant possesseur de cette rente, sa mère, ses frères, ses sœurs, il les laissait nus; il les faisait vivre en leur mesurant la nourriture, sans user de la pitié qu'ils invoquaient de les laisser mourir de faim en une seule fois..... Lorsqu'ils lui demandaient du pain ou des vêtements pour se couvrir, afin que ces jeunes filles net parussent pas nues aux yeux de ses sbires, il répondait : « qu'il n'osait pas le prendre sur lui; qu'il consulterait là-dessus Sa Majesté; que Sa

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«Lo que yo se que luego a pocos dias tras estas vistas fue Rodrigo Vasquez mandado privar del officio de presidente de Castilla, y salir de la corte. » Ibid. « Sobre averle echado del officio y de la corte porque se estava rehazio en Caravanchel, media legua de Madrid, quiriando esperar al rey, le vino mandato, que à la hora saliesse y no pudiesse estar ny entrar xx leguas de Madrid ni x de Valladolid. Carta à M. Geronimo Gondi, p. 600. Fue proveydo el conde « de Miranda, uno de los señores grandes de España y en su presencia por todo el consejo declarado no aver lugar los executoriales, y buelta la possession a mi hijo de su pension, y de los fructos caydos. Carta à un señor amigo, p. 475. Ibid., p. 474 et 475.

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« Majesté était fort en colère; que c'était à Sa Majesté qu'il fallait le de«mander; que tout dépendait de Sa Majesté. » Malheureux président de justice (si tu avais été le président des œuvres de la miséricorde, tu aurais été heureux, pour de telles actions, dans les heures de cette vie et dans les heures de ce siècle éternel où tu te trouves maintenant), pourquoi ne disais-tu pas au roi que cela n'était pas juste? pourquoi ne le calmais-tu pas s'il était irrité? pourquoi dissipais-tu, sans ses ordres, vingt mille écus distribués à tes bourreaux, et mettais-tu ces fautes sur le compte de Sa Majesté? pourquoi? parce que c'était toi qui voulais nuire et qui entretenais l'irritation du roi. Tu étais le roi en tout cela. Tu craignais de voir reprendre son rang à celui qui t'avait tiré de la condition de bachelier pour te faire arriver jusqu'à sa place..... mais Vasquez est maintenant soumis au jugement éternel1. »

En effet, Rodrigo Vasquez n'avait pas survécu à sa disgrâce 2, que la voix publique considérait surtout comme le châtiment de ses injustices envers Perez et les siens. Il était mort avant que le conseil de Castille eût rien décidé sur la demande en restitution des vingt mille écus que le comte de Miranda avait encouragée de la part de doña Juana Coëllo, et que celle-ci avait dirigée contre Rodrigo Vasquez.

Cet adoucissement au sort de la famille de Perez fut accompagné d'un acte habile de clémence envers les Aragonais qui avaient pris part à l'insurrection et à la tentative de résistance de 1591. Le pacifique marquis de Denia persuada à son docile souverain de se concilier l'affection du royaume d'Aragon en abolissant le souvenir des crimes commis, des châtiments prononcés, et en accordant un pardon général. Philippe III se rendit dans ce royaume aussitôt après les fêtes de son mariage à Valence. Il arriva le 11 septembre au soir près de Saraoù il ne voulut pas entrer avant qu'on eût fait disparaître les têtes, de don Juan de la Nuza, de don Diego de Heredia et des autres condamnés qui étaient encore exposées au-dessus des portes de la ville et du palais de la Députation. Le même soir, le comte de Morata conduisit dans le couvent où le roi s'était arrêté pour passer la nuit les fils de don Diego

gosse,

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Cartas de Ant. Perez: A un señor amigo, p. 479-481. - Ibid., p. 478. «Que la voz commun, mi advogado y procurador principal, corriò, que por los agravios de Ant. Perez, y de sus hijos y muger. Asy venia escripto en cartas à Flandes, y a otras partas. Asy se dezia por aquellas callas de Madrid. Ibid., p. 475. D. Jos. Ysabau y Blanco, Historia general de España, continuation de Mariana, in-8°, Madrid, 1821, t. XVII, Tablas chronologicas, p. 18. — Gonzalez Davila, Historia de la vida y hechos a de Felipe tercero, dans Monarquia de España de Salazar, in-fol., Madrid, 1771, t. III, fol. 76.

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