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ces bas-reliefs parmi les monuments de sujet proprement historique. L'espace me manque pour rendre compte des objets représentés sur les dernières planches, LII-LXI, objets qui ne se recommandent pas d'ailleurs par une bien haute importance, et dont l'explication ne laisse rien à désirer, ni à reprendre. Je termine donc ici cet examen trop rapide du premier volume du Musée de Brescia, en exprimant, avec une conviction profonde, ma haute estime pour le travail du savant antiquaire qui en a rédigé la partie archéologique du texte, et en y ajoutant le vœu d'une prompte publication du second volume, qui doit comprendre le recueil entier des inscriptions, et qui, confié aussi à la plume de l'un des hommes de notre siècle les plus versés dans l'étude de l'épigraphie latine, ne peut manquer de renfermer un véritable trésor d'érudition classique.

RAOUL-ROCHETTE.
AOUL-ROC

Leçons de géologIE PRATIQUE, par M. Élie de Beaumont, membre

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J'ai déjà parlé, dans ce journal2, des travaux de Buffon, mais je considérais alors Buffon en lui-même. Je le considère aujourd'hui par rapport aux auteurs qui l'ont précédé.

Avant Buffon, il y avait Palissy 3, Stenon, Scilla 5, Burnet, Leibnitz, Woodward 8, Whiston 9, etc. Entre ces auteurs, les trois principaux relativement à lui, j'entends relativement au parti qu'il en a tiré, sont Stenon, Woodward et Leibnitz. Il prend aux deux premiers le fait de la disposition de la terre par couches, celui des coquillages fossiles répandus partout, celui du changement des terres en mers et des mers en terres 10, etc; il prend au troisième la vue des deux grands

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Voyez le numéro d'août 1845, p. 456. — Voyez le numéro d'avril 1844, p. 234. Voyez aussi mon Histoire des travaux et des idées de Buffon, chap. x, p. 193 et suiv. Paris, 1844. - Discours admirables de la nature des eaux, etc. 1580. De solido intra solidum naturaliter contento, etc. 1669. La vana speculazione disingannata dal senso, etc. 1670. • Telluris theoria sacra, etc. 1680-1689. Protogea, etc. 1683. — An essay towards the natural history of the earth, etc. 1695. - A new theory of the earth, 1696.10 Sex itaque distinctas Etruriæ facies agnoscimus, dum bis fluida, bis plana et sicca, bis aspera fuerit.... » De solido intra solidum, etc., p. 68.

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agents qui ont tout renouvelé sur le globe, l'eau et le feu; et, rassemblant ces membres épars de ses doctrines brillantes, il écrit successivement la Théorie de la terre, le Système sur la formation des planètes, et les Époques de la nature.

La base de la Théorie de la terre est dans les ouvrages de Stenon et de Woodward; la base du Système sur la formation des planètes est dans l'ouvrage de Leibnitz; les Époques de la nature sont une combinaison savante de toutes ces grandes idées, soumises à un ordre nouveau, et liées entre elles par un enchaînement admirable.

1° Théorie de la terre.

La base de toute la Théorie de la terre est dans ces deux faits: le premier, que ce globe est partout composé de matières, lesquelles, d'abord fluides, se sont déposées ensuite par couches; la seconde, qu'il y a partout, dans ces couches, des coquilles et d'autres productions marines.

Et ces deux faits sont dans Woodward1. Ils y sont même avec une exagération vicieuse qui trompa Buffon; car, comme nous le verrons plus tard, tout n'est pas composé de couches sur la terre, et il n'y a pas des coquilles fossiles partout.

Je reviens à Woodward.

<«<La plus grande partie du globe terrestre, dit-il, se trouve composée de matières disposées par couches, à commencer depuis la surface jusqu'aux endroits les plus profonds où l'on ait pu paryenir en creusant. C'est sur les observations que j'ai faites là-dessus que toutes mes conclusions, au sujet de la terre, sont fondées 2.. .. . »

Relativement aux coquilles fossiles, personne ne fait mieux voir que lui, par tous les détails de leur structure, que ce sont de vraies coquilles, de vraies productions marines: il était anatomiste, comme Stenon; ici l'anatomiste devait aider beaucoup au géologue; enfin, et c'est là sa qualité dominante, il était observateur.

Buffon distingue très-bien Woodward de Beurnet, de Whiston et des autres spéculatifs 3, comme il les appelle.

Il lui reconnaît « le mérite d'avoir rassemblé plusieurs observations importantes, et d'avoir mieux connu que ceux qui avaient écrit avant

"Ils sont aussi dans Stenon, comme nous avons vu dans mon précédent article; mais je m'attache ici à Woodward, parce que c'est surtout de Woodward que Buffon les tire. towards, etc., essay 6 de la traduction. P. spéculatifs n'ont pas fait attention.... » T. I, p. 189.

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lui les matières dont le globe est composé'. » Il le plaint seulement de ce que, « avec d'excellentes observations, il a fait un mauvais système 2. »

Aux deux faits de la disposition de la terre par couches et des coquilles marines répandues partout, Buffon joint le fait de la direction correspondante des collines et des vallons, qu'il emprunte à Bourguet3; et, de ces trois faits réunis, il conclut, comme Stenon, comme Woodward, comme Leibnitz, comme Bourguet, comme tous les autres, que la mer à couvert la terre.

La mer a donc couvert la terre : voilà le premier résultat de l'étude positive du globe, et, certes, ce résultat est grand. Mais, puisque la mer a couvert la terre, comment y avait-elle été portée d'abord, comment s'en est-elle retirée ensuite ? Ces deux questions ont produit tous les systèmes.

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Woodward place un grand réservoir dans le centre du globe c'est de là que les eaux sont venues, c'est là qu'elles sont rentrées, quand il l'a fallu. Ce réservoir, ce grand abîme, avait déjà servi à Burnet 5; il servit plus tard à Whiston. Leibnitz imagine de grandes cavernes, dont les voûtes, en s'affaissant, ouvrirent aux eaux un vaste refuge 7; et ces cavernes de Leibnitz ont été la ressource de presque tous les géologues jusqu'à nos jours. Les moyens qu'emploie Buffon sont beaucoup plus simples.

D'une part, la mer fait sans cesse des montagnes dans son, fond. D'autre part, les eaux de la pluie, les fleuves, défont sans cesse les montagnes de la terre.

«Ne sait-on pas, dit Buffon, que les montagnes s'abaissent continuellement par les pluies qui en détachent les terres et les entraînent dans les vallées ? Ne sait-on pas que les ruisseaux roulent les terres des plaines et des montagnes dans les fleuves, qui portent, à leur tour, cette terre superflue dans la mer? Ainsi peu à peu le fond des mers se remplit,

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'T. I, p. 184. T. I, p. 191. — 3 Lettres philosophiques... Lettres philosophiques....... avec un mémoire sur la théorie de la terre, p. 1729. Mais il n'y a pas assez d'eau sur la terre pour que cela se puisse.... Eh bien, nous dit-il, il y a de l'eau plus qu'il n'en faut au centre de la terre.... » Buffon, Exposition du système de Woodward, t. I, p. 186. Dans un instant toute la terre s'écroula et tomba par monceaux dans l'abîme d'eau qu'elle contenait..... » Buffon, Exposition du système de Burnet, t. I, p. 182. .... Cette eau forme une couche concentrique,.... de sorte que le grand abîme est composé de deux orbes concentriques, dont le plus intérieur est un fluide pesant, et le supérieur est de l'eau.» Buffon, t. I, p. 173. Potuit enim (aquæ superfluum) per cæcos aditus, tum primum diruptos, recipi cavernis immanibus, et in globi interiora penetrare... Protogea, etc., p. 11, édition de 1748.

la surface des continents s'abaisse et se met de niveau, et il ne faut que du temps pour que la mer prenne successivement la place de la

terre 1. »

<< Personne, dit-il encore, ne peut nier que, sur une côte contre laquelle la mer agit avec violence dans les temps qu'elle est agitée par le flux, ces efforts réitérés ne produisent quelque changement, et que les eaux n'emportent à chaque fois une petite portion de la terre de la côte.... Ces particules de pierre ou de terre sont transportées par les eaux jusqu'à une certaine distance, et dans certains endroits où le mouvement de l'eau, se trouvant ralenti, abandonne ces particules à leur propre pesanteur, et alors elles se précipitent au fond de l'eau en forme de sédiment, et là elles forment une première couche 2, etc. » On conçoit aisément tout le reste : cette couche est bientôt couverte et surmontée d'une autre, puis d'une autre encore, et peu à peu, par succession de temps, comme dit Buffon, il se forme une montagne dans la mer.

Voilà donc les montagnes formées dans les mers; mais comment en sortiront-elles? « Comment, disait déjà Voltaire, la mer, qui ne s'élève qu'à quinze ou vingt pieds dans ses plus grandes insurrescences, a-telle produit des roches bautes de dix-huit mille pieds 3? »- « Comment, dit Deluc, la mer pourrait-elle, en déposant des couches, former des montagnes élevées de mille, deux mille, trois mille toises au-dessus de la mer "?»

Buffon dit que les pluies et les fleuves portent à la mer toute la terre des montagnes. Accordons-lui que cela soit, quoique cela ne puisse pas être, ainsi que nous le verrons plus tard 5. Au pis aller, la mer sera comblée, mais elle n'élèvera jamais des montagnes au-dessus d'elle. Voltaire et Deluc ont raison; l'impossibilité physique est ici de toute évidence; chacun la voit; comment Buffon ne l'a-t-il pas vuc? C'est qu'il avait fait le système.

2° Système sur la formation des planètes.

Tout le système de Buffon sur la formation des planètes est tiré de Leibnitz.

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'T. I, p. 98. T. I, p. 84. - Singularités de la nature. - Lettres physiques et morales sur l'histoire de la terre et de l'homme, t. I, p. 407. - « Démolissons toutes les montagnes, transportons à la mer tous leurs matériaux, tant que nous aurons des rivières s'entend. En effet, à mesure que les montagnes s'abaissent, les rivières diminuent..... Deluc, t. II, p. 14.

Buffon veut que la terre1 ait commencé par être une partie du soleil, et Leibnitz dit qu'elle a été un soleil. Il veut qu'elle ait été d'abord brûlante, fluide, et lumineuse par elle-même, et Leibnitz le veut aussi. Quand, dit Buffon, la terre fut refroidie, les vapeurs se condensèrent et formèrent les mers qui couvrirent tout, et Leibnitz dit la même chose 2. Enfin, Buffon dit que «l'intérieur de la terre doit être une matière vitrifiée dont les sables, les grès, le roc vif, les granits et peut-être les argiles, sont des fragments et des scories 3; » et, plus d'un demi-siècle avant lui, Leibnitz l'avait dit.

A la vérité, Leibnitz ne dit pas que la terre ait été détachée du soleil par une comète. C'est un petit avantage qu'il laisse à Buffon, qui en paraît très-fier.

«Je crois, dit-il, que son système (le système de Leibnitz) aurait acquis un grand degré de généralité, et un peu plus de probabilité, s'il se fut élevé à cette idée". >>

Leibnitz se serait-il élevé? On sait très-bien aujourd'hui qu'une comète n'aurait pas assez de masse pour détacher une partie du soleil. La comète de Buffon est d'ailleurs tirée de Whiston; et, chose assez singulière, il s'en moque tant qu'elle est dans Whiston, «<lequel, dit-il, plus ingénieux que raisonnable,.. explique par la queue d'une comète tous les changements qui sont arrivés au globe terrestre 5. »

On peut remarquer ici que c'est précisément la même comète, la comète de 1680, qui fournit à Whiston l'idée de son système, et à Bayle l'idée de sa fameuse Lettre sur les comètes. Peu de comètes ont eu de ces bonnes fortunes.

• On peut remarquer encore que la grande vue de la fluidité primitive de la terre, si fortement conçue par Leibnitz et par Buffon, était déjà dans Descartes.

« Descartes, dit Fontenelle, est le premier (car il arrive souvent que l'histoire de quelque recherche ou de quelque découverte commence par lui) qui ait eu la pensée d'expliquer mécaniquement la formation de la terre; ensuite Stenon, Burnet, Woodward, Scheuchzer, ont pris ou étendu ou rectifié ses idées, et ont ajouté les uns aux autres.»

Fontenelle était le cartésien le plus bomme d'esprit qu'il y ait jamais eu. « Bien que, dit Descartes, le monde n'ait pas été fait au commencement en cette façon, et qu'il ait été immédiatement créé de Dieu,

Et les autres planètes bien entendu; mais il ne s'agit ici que de la terre. Primus est formationis gradus, separatio lucis et tenebrarum....; secundus... a. liquidorum discessio a siccis.... » Protogea, etc., p. 3, édition de 1748. — 3 T. I. p. 150.-T. I. p. 133. — 1 T. I, p. 67.

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