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éloge que nous faisons des retranchements opérés par MM. Quicherat et Daveluy; ces retranchements eussent été quelquefois regrettables chez lui. On ne peut que les approuver tous dans un lexique spécialement destiné, comme le nouveau dictionnaire latin-français, à l'usage de la jeunesse.

A ces retranchements particuliers, il en faut ajouter de généraux, qui leur ont permis de ne pas dépasser les limites sévères que prescrivait à leur dictionnaire sa destination spéciale. Ils n'ont point admis ce qui n'avait pour autorités que des traducteurs d'écrivains grecs, des auteurs postérieurs au vi° siècle, et, à plus forte raison, des philologues modernes. Ils ont cru cependant devoir faire une exception en faveur d'Isidore de Séville, dont la vaste encyclopédie, disent-ils dans leur préface, reproduit souvent textuellement la science des anciens. Ils l'ont traité comme un ancien, et le dépouillement complet qu'ils ont fait de ses Origines leur a fourni des rectifications et des additions précieuses.

Si bien des mots leur ont semblé devoir être omis, ou comme postérieurs au temps où se renferme l'histoire de la véritable langue latine, ou comme ne pouvant être assez évidemment attribués à cette période, il en est d'autres dont leurs recherches les ont mis à même d'établir, ou du moins d'affirmer avec plus de confiance, la légitimité jusque-là mise en doute. Tels sont concivis, cumulatio, defloro, as, fervide, festinate, festine, florus, a, um; gnave, gratulator, pertingo, præconor, remediabilis, scripto, as, suinus.

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Pour l'un de ces mots, gratulator, Forcellini ne produisait d'autre autorité que celle d'un passage contesté de Cicéron2; il est singulier qu'il ait laissé aux auteurs du nouveau dictionnaire le soin d'ajouter à ce nom celui de Martial: Ce poëte célèbre a dit, en effet :

Jam parce lasso, Roma, gratulatori.

Le mot scripto a été condamné par Bentley, qui, dans le scripto et le lecto d'un passage célèbre d'Horace,

Ad quartam jaceo, post hanc vagor, aut ego lecto
Aut scripto, quod me tacitum juvet, ungor olivo,

voyait, non pas des verbes fréquentatifs de lego, de scribo, à la première personne du présent de l'indicatif, mais des participes absolus. Ses pa

'M. Quicherat en fait connaître d'autres, qu'il explique savamment, dans une lettre récemment insérée au n° 69 de la Revue de l'instruction publique, p. 668 et suiv. De fin., II, 33.· 3 Epigramm. X, 74, 1. -Serm. 1, VI, 122.

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roles sont, à cet égard, plus qu'affirmatives: «Me illorum miseret qui «<lecto hic et scripto verba esse volunt pro lectito et scriptito, verba utiinaudita et in ultimam barbariem releganda. » Cet arrêt a été que répété depuis par beaucoup d'interprètes d'Horace, et, en dernier lieu, par un des meilleurs, M. Orelli. Quelques-uns cependant en avaient. appelé, comme Dacier, qui trouvait une grande ressemblance entre le passage d'Horace et un autre où Cicéron, avant lui, avait décrit l'emploi de sa journée : «Ubi salutatio defluxit, litteris me involvo, aut « scribo, aut lego 1. » Les vers du satirique se prêtent assurément à l'une et à l'autre interprétation; on doit dire, toutefois, que celle dont Bentley fait si peu de cas avait été indiquée par une scholie de Porphyrion, et qu'elle peut s'appuyer de l'autorité de grammairiens comme Priscien2, comme Marius Victorinus 3, lesquels comptent scripto au nombre des verbes. Négligeant, je ne sais pourquoi, le second de ces grammairiens, MM. Quicherat et Daveluy se sont justement fondés sur le premier, pour accueillir dans leur dictionnaire, malgré l'assertion de Bentley, le verbe scripto.

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A l'occasion de ce verbe, je remarquerai que le substantif scriptus, us, seulement indiqué comme douteux, et dans l'article scriptum, i, par Forcellini, a été inscrit en son rang par les auteurs du nouveau dictionnaire, d'après un passage de Fronton", qui ne permet aucun doute sur l'existence de cette forme. Scriptus est le synonyme de scribatus, qui se lit dans le code théodosien. MM. Quicherat et Daveluy traduisent le dernier par « emploi de scribe. » Je voudrais qu'ils eussent répété pour l'autre encore cette traduction. Elle me paraît mieux répondre à la variété des offices désignés par le mot général de scribe, que cette expression, selon moi, trop particulière : « charge ou fonction de greffier. » Ils l'auraient fait, je n'en doute pas, s'ils eussent compris parmi leurs exemples, avec le scriptus publicus de Fronton, le scriptus quæstorius de la vie d'Horace attribuée à Suétone, lequel, je crois, offrait un emploi du mot curieux à recueillir. Puisque je suis en train de chercher à grand peine des omissions, il me semble qu'à la suite de cette expression, empruntée à Tite-Live5, scriptum facere, eût été bien placée cette autre, ployée, selon Aulu-Gelle, par l'ancien historien Pison, scriptu se abdicare. J'ai parlé du retranchement et du maintien, également dignes d'être approuvés, de certains mots dans le nouveau dictionnaire latin-français. J'arrive à quelques rectifications, qui, je crois, lui sont propres.

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Fam. IX, 20. - Lib. VIII, c. De speciebus verborum, Putsch., p. 825.'Lib. I, c. De syllabis, Putsch., p. 2472.- Epist., ed. Mai, II, 6.- Hist. IX, 46. 'Noct. Attic. VI, 9.

Forcellini donnait, comme exprimant une sorte de pied composé de deux syllabes brèves, les mots pariambus et periambus, le premier d'après Marius Victorinus 1 et Diomède2, le second d'après Quintilien3. MM. Quicherat et Daveluy ont vu dans periambus un barbarisme dont il fallait purger le texte de Quintilien au lieu de l'admettre dans les lexiques. Ils n'ont inscrit dans le leur que pariambus, dont un des grammairiens cités plus haut, Marius Victorinus, explique ainsi la composition et le sens : « Ita appellatus quod minus habeat unum tempus «ab iambo: παрá enim Græci minus dicunt. >>

On trouvait encore chez Forcellini, à la suite d'aspernor, cette autre forme adspernor. MM. Quicherat et Daveluy l'ont retranchée, pensant, avec grande apparence de raison, que la préposition admise dans la composition de ce verbe, était, non pas ad, mais ab. Il faut dire cependant qu'adspernor peut se défendre par le principe grammatical qui attribue à la préposition ad, dans les verbes composés, une valeur augmentative, de telle sorte que adamare, par exemple, se traduit par valde amare. En faveur de cette forme on pourrait encore invoquer une longue possession. Que d'éditions estimées où elle se rencontre! Heyne la conserve partout dans son Virgile, et les éditeurs les plus récents et les plus approuvés de Tacite, entre autres MM. Naudet et Burnouf, ne l'ont effacée d'aucun des nombreux passages de l'historien qui semblent la consacrer7.

Parmi les mots dont le nouveau dictionnaire latin-français a enrichi la lexicographie latine, j'en remarque un qui est cependant d'un ancien et fréquent usage, à tel point qu'il a passé dans notre langue : c'est le mot qui sert à exprimer la moralité d'une fable, affabulatio, dont nous avons fait affabulation. MM. Quicherat et Daveluy le donnent d'après l'autorité de Priscien. Ce grammairien s'en est en effet servi, et même il en paraît le premier auteur. Il dit, au commencement d'un de ses ouvrages: «... Oratio qua utilitas fabulæ retegitur, quam uov « vocant, quod nos affabulationem possumus dicere, a quibusdam prima, « a plerisque rationabilius postrema ponitur. »

Les écrits des grammairiens sont au premier rang parmi les monuments de l'antiquité qui ont fourni à nos deux auteurs des additions de quelque valeur. Ils leur doivent des termes de grammaire jusqu'ici i Putsch., 2 2/486. 3 Instit. orat. IX, * III, Putsch., p. 471, 475, 478. 4. -Georg. 1, 228; III, 393; Æn. XI, 106.- Bibliothèque classique de Lemaire, 1819-1820. • Traduction des œuvres de Tacite, publiée de 1828 à 1833.

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p.

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Ann. I, 16, 27; IV, 46; X, 10; XIV, 42; XV, 27 ; Hist. II, 52; III, 68, etc.

De præexercitamentis rhetorice ex Hermogene liber, Putsch., p. 1330.

négligés dans les lexiques, comme aoristus1, barytonum 2; des expressions didactiques, comme bacolista 3.

Ils annoncent également dans leur préface qu'ils ont heureusement mis à contribution les écrivains ecclésiastiques; ainsi Lactance leur a donné l'adjectif errabilis.

C'est un mot poétique, ou du moins que Lactance avait employé assez prosaïquement dans des vers. M. Quicherat l'avait déjà compris, avec l'exemple qui l'autorise, dans son Thesaurus poeticus linguæ latine. Il a naturellement emprunté au même recueil quelques mots encore qui lui devaient leur introduction tardive dans le vocabulaire, comme decania, œ, dire, eximpero, visco, as, qu'on avait laissés, chose étrange! sans les en extraire, dans les écrits de Manilius 5, de Sénèque ", de Juvénal: tant il est vrai que, pour qui se donne la peine de chercher, il y a toujours quelque trouvaille à faire, même dans ce qui a été le plus visité.

Les écrits de Cicéron et de Pline l'Ancien sont de ce genre, et pourtant ils ont donné au nouveau dictionnaire les substantifs legatas, æ, et resupinatus, ús o.

Il me resterait à relever, dans le nouveau dictionnaire latin-français, bien des mérites qui ont encore leur prix, je veux parler de l'exactitude, quelquefois rare ailleurs, avec laquelle y sont notés, pour les substantifs, toutes leurs irrégularités, pour les adjectifs, les adverbes, leurs comparatifs, leurs superlatifs, quand ils existent, pour les verbes, leurs prétérits et leurs participes, le passage de certains du sens actif au sens neutre 10, enfin les archaïsmes, les néologismes, les mots de latinité douteuse.

Je me borne à ces indications générales et crois en avoir assez dit pour faire connaître quels soins consciencieux et profitables ont apportés de concert à l'accomplissement de leur œuvre, MM. Quicherat et Daveluy. La collaboration littéraire est aujourd'hui appliquée à toutes choses, à des choses même où on aurait peine à se l'expliquer, s'il n'y fallait voir souvent une communauté de métier au lieu d'une 2 Ibid. 3 Diom., Putsch.,

1 Macrob. De verbo.

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35. Astron. IV, 298.

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Thyest. 315; Epist. 80.

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P.

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484.

De Phænice,

7 Sat. VI, 463

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....

Ad

en

Att. XIV, 19. 9 Hist. nat. IX, 36, 1. 10 Je transcris ces derniers mots de la préface du livre, mais non cette addition que je ne comprends pas bien : « le restreignant (ce passage), ce qu'on ne faisait pas, au participe présent. » Cette restriction était-elle donc nécessaire, et le nouveau dictionnaire a-t-il pu toujours la faire? Ne cite-t-il pas le zephyri posuere de Virgile, le ponit hiems de Stace? N'aurait-il pas pu citer le prora avertit du premier, en même temps que son dixit et

averlens?

communauté d'idées, de sentiments, d'inspirations, plus souvent encore une simple fiction commerciale. On peut la concevoir comme naturelle et utile, dans ce qui regarde les sciences et l'érudition. Là, en effet, les travaux de plusieurs peuvent se compléter, se contrôler mu tuellement, et, par une entente facile, être ramenés à l'unité. Telle a été l'heureuse association de MM. Quicherat et Daveluy. Souhaitons, dans l'intérêt de nos études classiques, qu'elle ne se rompe point après ce premier succès, et qu'on lui doive, je ne dirai pas bientôt, MM. Quicherat et Daveluy, éclairés par leur propre expérience, et fidèles à leur principe de sage lenteur, ne le diraient point eux-mêmes, mais quand il sera raisonnablement possible, le pendant obligé de ce lexique, un nouveau dictionnaire français-latin.

PATIN.

ANTONIO PERE2 ET PHILIPPE II.

QUATRIÈME ARTICLE 1.

1° Retrato al vivo del natural de la fortuna de Antonio Perez. En Rhodanusia, a costa de Ambrosio Traversario. 1625, petit in-8° ou in-12, contenant Relacion sumaria de las prisiones y persecuciones de Antonio Perez, etc.; El memorial que Ant. Perez presentò del hecho de su causa en el juyzio del tribunal del justicia de Aragon, etc.

2° Processo que se fulminò contra Antonio Perez, secretario de estado del rey don Phelipe segundo y del despacho universal y por su mandado sobre la muerte de Juan de Escobedo, etc. Manuscrit.

3° Collection manuscrite de Llorente, Biblioth. royale, en 17 volumes, sur l'inquisition en Espagne, sous le n° 1036-24, et contenant, dans les XIII, XIV, XV, XVI et XVII volumes, les pièces originales relatives au procès de Perez devant l'inquisition d'Aragon et aux insurrections de Saragosse.

Dès que Perez fut arrivé en Aragon, tout changea de face. Il n'y eut plus un procès mystérieux entre deux complices, dont l'un opprimait

1

Voir le Journal des Savants des mois d'août et décembre 1844 et janvier 1845.

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