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On baptise, on absout, et le temple se vide.
Les deux femmes alors, se croisant sous l'abside,
Échangent un coup d'oeil aussitôt détourné,

Et, merveilleux retour qu'inspire la prière,
La jeune mère pleure en regardant la bière,
La femme qui pleurait sourit au nouveau-né!

JOSEPHIN SOULARY.

1815-.

PAGE DE LA BIBLE.

Dédié aux Filles de la Bible.

I.

J'écoutais doucement tous les bruits d'alentour:
Les murmures de la fontaine,

Les clairs mugissements des vaches au retour,
Les voix de la cloche lointaine;

Le cri du laboureur qui finit un sillon,
Le sol amoureux des verdières,

Le chant du rossignol, le conte du grillon
Et le battoir des lavandières.

A peine si la brise agitait les roseaux,
Les hirondelles revenues

Se miraient en passant dans le miroir des eaux,
Et s'envolaient avec les nues.

Les jeunes écoliers, redevenus enfants,
Loin du maître au regard sévère,

S'en allaient dans les prés bondir comme des faons
Pour moissonner la primevère.

II.

Tout à coup j'entrevis aux marges du chemin,
Comme un roseau fragile,

Une fille aux yeux bleus balançant à la main
Une cruche d'argile.

Son front presque voilé s'inclinait mollement
Aux flots des rêveries!

Son petit pied distrait glissait languissamment
Dans les herbes fleuries.

Le vent sur son épaule avait éparpillé
Sa fauve chevelure;

Une pervenche ornait son blanc déshabillé:
Une agreste parure!

Au bord de la fontaine elle s'agenouilla
Sur une pierre antique:

Et plus allégrement le bouvreuil gazouilla
Son amoureux cantique.

III.

Survient un mendiant qui n'avait pour ami
Qu'un bâton de branche de chêne;

Son vieux corps chancelant s'inclinait à demi
Vers sa fosse toute prochaine.

Ayant avec tristesse aux branches d'un bouleau
Suspendu sa besace vide,

Le vieillard épuisé sur la face de l'eau
Promena son regard avide.

Dans sa main il voulut boire, ce fut en vain ;
Et, voyant sa peine, la belle

Offrit sa cruche avec un sourire divin:

,,Buvez, mon père," lui dit-elle.

Spectacle des vieux jours dont mon coeur fut charmé! Pur souvenir des paraboles!

Avant de se coucher, le doux soleil de mai

Lui ceignit le front d'auréoles.

ARSENE HOUSSAYE.

1815

LE VOYAGE.

L'azur de l'éternelle voûte
Sourit à l'homme jeune encor,

Et l'espérance sur sa route

Sème des fleurs de pourpre et d'or.
„Pour moi l'abeille ici compose
Le miel céleste du bonheur;

Permets qu'ici je me repose

,,Marche, marche!" dit le Seigneur.

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Aux plaines, aux forêts profondes,
Un ruisseau verse ses trésors;
Les cygnes voguent sur ses ondes,
La violette orne ses bords.
„Voici la source salutaire
Où l'homme puise le bonheur;
Que ma lèvre s'y désaltère . . .“
„Marche, marche!" dit le Seigneur.

Un mont couronne au loin ses cimes
D'orages sombres et brûlants:

A ses pieds s'ouvrent des abîmes,
Des torrents grondent sur ses flancs.
„Salut, empire du tonnerre!

Sans doute ici luit le bonheur;

..“

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Je veux ici bâtir mon aire . .
„Marche, marche!" dit le Seigneur.

Du doux repos humble royaume,
Un hameau paraît, l'homme y court.
Sous un rustique toit de chaume
Un lit s'élève étroit et court.

„A sa fin mon voyage touche,

Ici m'attendait le bonheur;

Voici mon toit, voici ma couche ...“ ,,C'est ton cercueil!"

dit le Seigneur.

LOUIS DELATRE.

1815-.

LE CHANT DU CORDIER.

A reculons, à petits pas,

Le cordier va chantant tout bas:

Blonde filasse que je tire,

Dis-nous à quoi tu serviras?
Feras-tu virer un navire,

Boulinette, drisse ou grand bras?

A reculons, à petits pas,

Le cordier va chantant tout bas.

Pendue au clocher du village,
Feras-tu sonner le bourdon,
Enterrement et mariage,

Messe et tocsin, guerre et pardon?

A reculons, à petits pas,

Le cordier va chantant tout bas.

Dans la plaine où chaque fillette
Apporte son linge à sécher,
Berceras-tu la chemisette

De Madelon, fleur du rocher?

A reculons, à petits pas,

Le cordier va chantant tout bas.

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