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préparations arsenicales pour guérir les hernies? M. Devergie. -Non, Monsieur.

Mme Lacoste. Le témoin se trompe; mon mari n'a pas vomi dans la nuit du mardi au mercredi. Me Alem. Le témoin sait-il si Lacoste est resté jeudi dans le lit de la cuisine? - Cournet n'en sait rien. Lacoste ne voulait voir personne. Il ne voulait que les soins de sa femme. «Los chirurgiens et los médecins, disait-il, sount de f..... charlatans. >> Me Alem. Que fit Lacoste en revenant de la refoire?-R. Il envoya Navarre chercher 300 francs chez le percepteur. Navarre n'ayant pas rapporté l'argent, Lacoste écrivit un billet qui fut porté par un domestique, et il attendit ce domestique, qui ne revint qu'à la nuit.

Me Alem-Rousseau.-Mais les hernies font vomir? M. Vigne, médecin de Tarbes, a donné des soins à M. Lacoste. Le malade se plaignait de douleurs générales, mais plus particulièrement dans la région des lombes. Il voulait se faire saigner. Il ne parla ni de hernies, ni d'humeurs dartreuses. Seulement il avait sur le bras quelques petites tumeurs qui parurent au témoin être innocentes. Mme Lacoste avait l'air d'être vivement préoccupée de la santé de son mari; ses soins étaient empressés. Lacoste disait souvent : « A Riguepeu, serais-je à l'agonie, je n'appellerais pas de médecin.»> Interrogé sur la conduite de Mme Lacoste à Tarbes, le témoin déclare qu'il n'a eu connaissance que de bruits vagues. Mme Lacoste avait beaucoup de pré

tendants.

Me Alem. Cela se comprend de reste. A cette heure nous avons soixante-huit demandes. M. Devergie est rappelé pour donner des explications sur les effets possibles d'une hernie étranglée. Une hernie, dit-il, n'est pas une maladie : c'est une infirmité avec laquelle on peut vivre sans qu'il en résulte d'accidents, mais à la condition de la réduire. Si, par suite d'imprudence, une portion d'intestin sort et s'étrangle, les aliments, détournés de leur route naturelle, remontent vers l'estomac, et alors se développent des accidents graves, coliques vives, vomissements continus, inflammations du ventre, et mort, si l'on ne remédie à l'étranglement. Il y a peu ou pas de garde-robes, les matières étant rendues par la bouche. Tels n'ont pas été les symptômes observés chez Lacoste. Les symptômes contraires ont été reconnus, et l'autopsie n'a constaté ni étranglement ni déplacement d'intestin.

Jean Durieux, cultivateur à Riguepeu, raconte en patois que, le jour de la foire, il a rencontré Lacoste revenant de Riguepeu. Étonné de le voir rentrer de bonne heure, le témoin lui en demanda la cause, et Lacoste répondit :- Aquet j... f..... de Meilhan qui m'a fait beoure de bin, et m'a f.... la coulique (Ce jean-f..... de Meilhan qui m'a fait boire du vin et m'a f.... la colique). M Alem, au témoin. Ere et à pé ou à chibava? (Était-il à pied ou à cheval?)-R. A pied.

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M Alem. Ceci est très-important pour fixer que c'était le jour de la refoire.

Le témoin Durieux affirme que, voisin du ménage Lacoste, il n'y a jamais vu que l'union la plus parfaite.

Pierre Cournet, maçon, à qui, le même jour, Lacoste a tenu un propos semblable, a dit à Meilhan que Lacoste l'accusait de lui avoir fait prendre du vin_qui l'avait rendu malade. Meilhan répondit: -Faou que siè bien animaou dé croire qué l'y fisqui prendre qu'auecmet dé nuisible (Il faut qu'il soit bien animal de croire que je lui aurais fait prendre quelque chose de nuisible). Le lendemain, le témoin a revu Lacoste, qui allait mieux; sur son conseil Lacoste avait bu de l'eau chaude et avait vomi pendant la nuit, au dire de la servante, deux pleines casseroles.

En entendant cette déposition, Meilhan s'exclame, moitié en patois, moitié en français: « Ah! le vilain témoin! Mais, mon cher, mais, mon ami, je ne vous ai jamais parlé de cela! Dis donc, mon ami, fais attention! M. Lacoste appelait sa hernie ou l'horloge, ou le petit coup de vin! »

Me Alem.

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Qui a donné l'eau chaude à Lacoste? Le témoin ne peut le dire.

Me Alem. Quand Lacoste s'est plaint de ses vomissements, le témoin n'a-t-il pas entendu Navarre faire des observations sur l'imprudence qu'il avait eue de manger de l'ail, des haricots et de l'oignon ?

Le témoin répond affirmativement.

Bernard Daste, autre maçon, confirme en tous points les dépositions précédentes. Il ajoute que Lacoste était pâle et moins gai qu'à l'ordinaire.

Lacoste a-t-il passé une ou deux nuits dans le lit de la cuisine? Faut-il placer les vomissements au mercredi ou au jeudi? Voilà les questions sur lesquelles s'élève, entre l'accusation et la défense, un débat des plus confus. Le président coupe court à ces « subtilités ».

Dominique Milhas, domestique à Riguepeu, raconte, avec une certaine hésitation, que, le soir de la foire, il vit Lacoste souffrant, et que, le lendemain suivant, il se plaignit d'avoir vomi pendant la nuit. Mme Lacoste avait de grands soins pour son mari; elle lui portait des tisanes et était toujours auprès de lui.

D. Et la bonne, donnait-elle aussi des soins? — R. Oh! oui.

D. Mme Lacoste dit le contraire; prenez garde. Me Alem. Lacoste refusait-il de recevoir ceux qui venaient le voir? — Le témoin répond: Non, avec une assurance croissante.

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M. le président. - Vous parlez bien maintenant; vous ne parlez pas si bien sur d'autres points. Votre déposition d'aujourd'hui diffère essentiellement de celle que vous fites dans l'instruction.

M. le procureur du roi. Le témoin est encore

au service de l'accusée.

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Est-ce dans la nuit du mardi au mercredi, est-ce le mercredi matin, que Lacoste a vomi? La question reste indécise. L'accusation fait remarquer que Navarre aurait dit : « Voilà ce que c'est que de manger des haricots à l'ail; » ce qui place le propos au mercredi matin, Lacoste ayant mangé ces haricots le mardi matin, jour de foire. La défense soutient que le propos a été tenu en présence de Mme Lacoste et de la bonne, qui toutes deux avaient dû rester sur pied toute la nuit, ce qui reporte le propos au jeudi matin.

Navarre (Joseph), menuisier à Vic-Fezensac. Quelques jours avant la foire je travaillais chez M. Lacoste, à Riguepeu; il était malade et venait au bout de mon établi, où il se plaignait beaucoup. Un jour, après avoir fait rentrer du fourrage, il fut dans la maison, et mangea une assiette de soupe, de la cuisine de haricots, et il but de la mauvaise piquette bien pourrie. «Ma foi! je lui dis, si j'avais de bon vin comme vous dans ma cave, je ne boirais pas de saloperie comme ça. » Il m'ap

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pela gourmand. Le jour de la refoire, il me chargea de ramener madame, et, au retour, il m'envoya toucher un bon chez le percepteur. Il se coucha de bonne heure. Le lendemain il se plaignit beaucoup de maux de tête et d'estomac.

D. Vous dit-il qu'il avait vomi dans la nuit?R. Il n'avait pas vomi; il me l'aurait dit, ou d'autres. D. Cependant plusieurs témoins le disent. R. Non, non, je n'ai pas entendu cela. Madame me dit que monsieur était indisposé; mais elle ne me dit pas qu'il avait vomi. Le vendredi matin, je fus voir M. Lacoste. Madame était dans sa chambre. Je

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lui dis de faire venir un médecin. « Bah! dit-il, il n'y en a pas de bon dans ce pays; j'aurais plus de confiance dans le vétérinaire de Blazou qu'au premier médecin de Paris. » Il fit apporter du papier et de l'encre, et fit écrire par madame une lettre dans laquelle il demandait une consulte à M. Boubée. Le lundi, il me dit : « Je suis f.... » Je dis : « Il faut aller chercher un médecin. Il ne veut pas,>> dit madame. Cependant, comme Lasmolles l'avait saigné une fois, il le laissa venir. Lasmolles vint le mercredi, et il donna une purge, que je fus chercher dans une fiole.

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A la refoire de Riguepeu.

D. Savez-vous si Lacoste prenait habituellement des remèdes? R. Oui; il prenait une pommade que lui prescrivait un devin ou sorcier du côté d'Orisat. Un jour que mon fils avait des boutons dont il se plaignait, M. Lacoste lui dit : «J'ai bien de quoi te guérir, une pommade.....; mais il m'en reste trop peu.»

D. Lacoste n'était-il pas avare? R. Oui, et jaloux. Il disait la vérité en riant : « Je ne voudrais pas confier ma femme à tout le monde. >>

D. Le soir de la mort, n'est-ce pas Mme Lacoste qui vous a donné le drap pour mettre son mari au suaire? R. Oui; elle m'a ensuite appelé; elle avait une chandelle et cherchait le testament.

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R. Non; seulement elle me dit un jour que, si jamais elle se remariait, elle n'en prendrait jamais d'autre que celui-là.

D. Quel motif donnait-elle quand elle disait qu'elle ne voulait épouser que ce jeune homme?

R. Ah! voilà. Comme elle descendait chez moi quand elle venait à Fezensac, beaucoup d'amants me priaient de venir parler pour eux. Alors je disais à madame: «Une première fois vous avez mal choisi; il faudra mieux choisir maintenant. >> Alors elle me disait : « Non, non; si je me remarie, je ne prendrai que M. B.... »

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M. le Procureur du roi. Vous avez été plus précis dans votre déposition écrite; car vous avez dit qu'elle le préférait parce qu'il avait été son pre mier amoureux.

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Me Alem. A quelle époque se placerait ce propos?-R. A la fin de septembre, c'est-à-dire trois mois après la mort.

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D. N'avait-il pas des coliques? - R. Non. D. Cela est singulier; tous ceux de Riguepeu parlent de coliques, tous ceux de chez Lacoste d'un mal de tête.-R. Eh! je ne sais pas ce qu'on dit à Riguepeu; moi, je suis du château. Le lendemain matin, je demandai des nouvelles de monsieur à la Chérie; elle me dit qu'il était malade un peu. Au déjeuner j'avais pris un morceau de pain un peu fort. M. Lacoste me le vit travailler. «Sacré gueux, qu'il me dit, que tu es heureux de pouvoir manger comme ça! Moi, je suis f....» Mais il se reprit tout de suite: «Non, non; j'en ai encore bien pour dix Lacoste ne vous a-t-il jamais dit qu'il se fit des frictions avec des pommades, des onguents ou des poudres? R. Non, Monsieur Alem; seulement, une fois, j'avais du feu à la figure; M. Lacoste me dit que c'était une dartre, et que lui avait guéri la sienne avec une graisse qu'un homme de la Fouasse lui avait donnée.

ans. >>>

M. le Président. Me Alem. Prenez garde, témoin; vous parlez trop; il y a des témoins qui disent le contraire.

Navarre. Mais la porte était forcément ouverte, puisqu'il n'y avait ni verrou, ni loquet. M. le Président. Ce n'est pas un loquet qui ferme une porte, c'est la volonté du maître. Cournet déclare de nouveau que la porte était fermée pour tout le monde.

Navarre (Gabriel), charpentier, fils du précédent témoin. Je connaissais beaucoup M. et Mme Lacoste, et je travaillais pour lui; il bêtisait souvent avec moi, à cause qu'il trouvait mon caractère assez sans-souci. Le jour de la refoire, M. Lacoste revint quand j'étais à causer avec la servante du château, la Chérie, sous le vestibule. Comme monsieur disait toujours des bêtises et des grossièretés quand il voyait des femmes, il ne manqua pas la bonne occasion; il nous dit un tas de légèretés, comme, par exemple, que dans sa jeunesse il était un fameux danseur; que, dans l'âge de quinze ans, il avait enlevé, en dansant, une fille, et qu'à Bayonne il en changeait plus que de chemises. Moi, pour rire, parce que j'aimais à le contrarier pour le voir dans sa pleine colère: «Monsieur Lacoste, je lui dis, ne me fait pas l'effet d'avoir été un fameux danseur.-Moi! qu'il me dit; moi! Je te dis que j'étais le premier du pays, et qu'il ne faudrait pas me prier une heure de te le prouver. Eh bien! Monsieur Lacoste, que je lui dis, moi je vous en prie deux heures. » Immédiatement il se mit à danser. D. Le 16 mai, le jour de la refoire? - R. Précisément, comme je vous le dis.

D. Mais il s'était plaint au village d'être malade, il revenait chez lui parce qu'il souffrait, et vous le faites danser?-R. Ce n'est pas moi qui l'ai fait danser c'est ben lui avec ses jambes; moi, je n'ai pas bougé que de rire avec la Chérie, qui se tortillait sur une chaise.

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R. Une fois il me rencontra dans sa maison, que je causais avec une servante; il me dit : « Si quelqu'un te donnait 10,000 francs, serais-tu content? Je le crois que je le serais. Eh bien! il y a des filles qui sont plus bêtes que toi et qui ne veulent pas serrer la main quand on le leur met dedans, l'argent.» Je compris que j'étais bien peiné de n'être pas une fille, qu'il n'aurait pas manqué de

me mettre des écus dans la main.

D. Lacoste fut-il malade dans la soirée, à son re

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Jacquette Larrieu, ou, si on l'aime mieux, la Chérie, jeune et mignonne fille de dix-huit ans, coquettement coiffée du foulard jaune, dépose à son tour. En revenant de la refoire, monsieur nous a bien fait rire en nous disant qu'il avait été le premier danseur du pays, et, pour nous le prouver, il a fait quelques pas, mais pas forts. Monsieur est tombé malade. Je ne sais si c'est le lendemain ou le surlendemain. C'est le jeudi que madame m'a dit qu'il avait eu des vomissements.

D. Après la mort de M. Lacoste, que fit madame? R. Madame versa quelques larmes et fut tout de suite chercher le testament.

D. Elle n'était donc pas triste? - R. Si, Monsieur D. Mais son chagrin cessa bientôt? R. Qui Monsieur, le soir.

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D. M. Lacoste était-il jaloux? R. Je ne m'en suis pas aperçue. D. Exigeant?-D. Madame ne soupçonnait-elle pas que son mari faisait des propositions à de jeunes filles? Sur ce point vous pouvez parler sans rougir; votre conduite a été des plus honorables.

La Chérie, baissant les yeux. Madame m'a dit qu'elle avait renvoyé une autre fille pour ça. Il m'a recherchée aussi. Un jour que j'étais au salon, il me dit qu'il me donnerait bien 2,000 francs de rentes; je ne lui répondis pas. Le lendemain, pendant que j'étais encore dans le salon, il revint et me dit : « Je viens de faire mon testament; je t'y ai écrite pour 2,000 francs de rente; je vais placer le testament derrière la glace tu le trouveras après ma mort.Laissez-moi tranquille avec votre testament. — Alors je vais le déchirer. Faites vite, et je vous aiderai

à la besogne, si vous voulez. » La Chérie n'a pas entendu parler d'un verre de vin que Lacoste aurait bu le jour de la refoire. Pouylatoulère, propriétaire à Riguepeu, affirme que l'union régnait dans le ménage de Lacoste. D. N'était-il pas jaloux?

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Le témoin, avec exaltation: Ah! tous les vieillards le sont. (Hilarité générale.)

D. Madame n'avait-elle pas pour lui des soins extraordinaires? - R. Ah! je me rappelle qu'un jour il me dit : « Je viens de faire une découverte qui vaut mieux que de l'argent? - Qu'es aco? - Devinez. Feumie m'a proposé de me raser. Elle m'a

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Sévère Bordes, aubergiste à Riguepeu, a entendu dire par des domestiques de Lacoste que leur maître s'était plaint d'être malade par suite d'une potion que Meilhan lui avait fait prendre. Cinq mois avant son mariage, Lacoste, partant pour Tarbes, dit au témoin, en lui laissant voir une petite bouteille : «Ca, c'est bon pour... » Je compris ce qu'il voulait dire et je lui fis du doigt: Ses un poulissoun (vous êtes un polisson). Il se mit à rire, ajoute Bordes, et je compris qu'il s'agissait de quelque farce avec les femmes; il les aimait beaucoup.

Pierre Desbarrata, cultivateur, a appris par la Chérie que Lacoste s'était plaint d'avoir été rendu malade en trinquant avec Meilhan.

La Chérie nie énergiquement ce propos. Les dé fenseurs établissent que le témoin avait d'abord attribué le propos à une autre et qu'il a varié sur les dates.

M. Sabazan, capitaine en retraite, officier de la Légion d'honneur, maire de Riguepeu, a été consulté par Meilhan sur la valeur d'une lettre de change que Mme Lacoste lui avait donnée, disait-il. «Ça ne sera pas tout, ajoutait Meilhan. Mme Lacoste m'a dit qu'elle veut me faire du bien. » Il demanda au témoin un modèle d'acte d'une pension viagère. Il lui montra plus tard un acte de ce genre signé : Veuve Lacoste. Au mois d'avril, le témoin rencontra Meilhan revenant, disait-il, de chez Mme Lacoste, et frappant sur ses poches comme un homme qui a de l'argent.

Le témoin ajoute qu'il est l'ami de Meilhan, dont la réputation est très-bonne. Il a couru autrefois des bruits sur Meilhan, à propos d'une jeune fille morte qu'on disait enceinte. L'autopsie ne fit rien trouver. « Voyez-vous, ajoute le témoin, dans les campagnes on fait tant de bruit pour pas grand

chose ! »

Interrogé sur la rente de Meilhan, M. Sabazan dit que Meilhan le consulta sur ce qu'il devait accepter de Mme Lacoste, ou une rente de 500 fr., ou une de 400 fr. et une lettre de change de 1772 fr. Je lui conseillai la rente de 500 fr.; il se décida pour le contraire. Meilhan. C'était pour faire croire à mon fils que je n'avais plus d'argent.

D. Ainsi vous vous faisiez plus riche que vous n'étiez afin de passer pour pauvre? R. Je l'ai compris; il est possible que j'aie été un peu amphigourique avec moi-même dans cette affaire-là. Quant à mes propos d'argent à M. Sabazan (avec gaîté), c'est encore une petite farce que je lui faisais.

M. Sabazan. Ah! ça n'est pas bien; je n'aurais jamais cru que M. Meilhan voulût me jouer un tour de Gascon. (On rit.)

M. Noël, curé de Riguepeu, a vu le titre de rente; il ne se rappelle de cette signature que le prénom

| Euphémie. L'écriture ne ressemblait pas à celle de Mme Lacoste. Le témoin ajoute que la réputation de Mme Lacoste était inattaquable; l'union régnait dans son ménage. Le mariage ecclésiastique n'avait pas eu lieu à Riguepeu, parce que les futurs étaient parents au degré prohibé.

M. Tennet, chirurgien, a entendu dire, pendant la maladie, que Lacoste s'était bourré d'ail, d'oignons et de haricots, et qu'il refusait de voir un chirurgien « parce que ce sont des ânes qui coûtent trop cher.» Quant le bruit courut que Meilhan avait de l'argent, une rente, le fils de Meilhan s'en était prévalu pour faire demander par le témoin un secours à son père; Meilhan lui dit qu'il n'avait rien, que l'acte prétendu était une invention, qu'il l'avait fait lui-même.

Lescure, l'aubergiste chez lequel aurait été pris le verre de vin offert par Meilhan à Lacoste, ne se rappelle rien de semblable.

M. Fourcade, marchand de fer à Tarbes, a loué un appartement à Mme Lacoste. Il raconte que, une femme de chambre ayant trouvé un bonnet de nuit de Lacoste, sa veuve fit un mouvement de dégoût et s'écria Tirez-moi ça de devant. » Comme le témoin s'étonnait : « Ah bah! dit-elle, il m'a fait trop souffrir. » Le témoin insiste sur les visites prématurées d'un jeune homme qui compromettait sa maison. Mme Fourcade ayant fait des observations à Mme Lacoste, celle-ci aurait répondu : « L'opinion publique n'est pas grand'chose. »

Le témoin ajoute qu'il n'a jamais eu de discussions d'intérêt avec Mme Lacoste. Il est immédiatement démenti par l'accusée, qui déclare lui avoir répété un effet de 1,500 francs dont elle avait trouvé trace, dans les papiers de son mari, comme ayant été remis par M. Lacoste à M. Fourcade, pour en opérer le placement. M. Fourcade répondit qu'il ne savait ce qu'on voulait lui dire, et cependant ce placement se trouva avoir été fait au neveu de M. Fourcade.

M. Fourcade déclare alors qu'il avait accepté de M. Lacoste une cession simulée, à la charge par lui de payer tous les ans une somme à des héritiers Bastard, somme qui fut payée en effet. Le témoin avait oublié cette cession quand il nia l'existence de l'effet de 1,500 francs. Pressé par Me Alem de dire ce qu'il a fait du reste de la somme non payée aux Bastard, le témoin dit que Lacoste lui en avait fait un don manuel, ainsi que des revenus d'un immeuble dont il poursuivait la vente au profit de Lacoste.

On appelle M. Berens, négociant à Tarbes. Une vive curiosité accueille ce nom; c'est que c'est celui du jeune homme désigné par l'initiale B...., qui a eu l'honneur d'être choisi par Mme Lacoste dans la foule de ses prétendants. On espère un incident romanesque; mais, ici encore, désillusion nouvelle. Le héros de roman est petit, de figure et de tournure triviales. Il est épicier! Il répond, d'un ton froid et guindé, que sa recherche a été exclusivement honorable, ce que M. le président s'empresse de reconnaître. Il ne connaissait pas Mme Lacoste avant son mariage. Il a fait visite à Mme Lacoste pour lui demander sa main.

Après ce désappointement, on entend une foule de témoignages insignifiants, qui se réduisent à des propos favorables ou défavorables à l'accusée.

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M. Deville (Joseph), cinquante-deux ans, notaire à Tarbes. Je connus Mme Lacoste à Tarbes; je reçus les instructions qu'elle me donna après la mort de M. Henri Lacoste; elle me recommanda de

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M. le Président. Je ne permettrais pas qu'un témoin fût attaqué s'il n'était pas là pour répondre. Appelez M. Fourcade...

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Le témoin Deville s'apprête à continuer. M. Fourcade. - Je n'ai pas bien entendu le commencement de la déposition.

M. le Président répète ce que vient de dire le témoin Deville et l'engage à continuer lui-même.

M. Deville. Quand M. Fourcade se vit déçu dans ses espérances, il eut des procédés peu convenables pour Mme Lacoste; une rupture complète s'ensuivit. Je fis envoyer à M. Fourcade, au nom de Mme Lacoste, un commandement pour les 2,000 fr. exigibles sur les 10,000 fr. prêtés. J'envoyai un huissier et fis élection de domicile chez moi. Lorsque l'huissier se présenta chez M. Fourcade et qu'il s'entendit menacer de saisie, il sortit de chez lui furieux et dit dans la rue : « Cette g...., cette p....., elle verra! elle me le payera!»

M. Fourcade, avec vivacité. faux !

C'est faux! c'est

Le témoin. M. Fourcade dit : « Elle me le payera!... » Je donnai congé du logement occupé par Me Lacoste chez M. Fourcade. Je l'assignai en payement des fermages pour le terrain qu'il occupait. C'était le 18 novembre. M. Fourcade tint publiquement alors les mêmes propos. Je fis assigner M. Fourcade devant le juge de paix pour la somme

de 198 francs de fermage. J'envoyai mon fils, qui est avocat à Tarbes, soutenir les droits de Mme Lacoste. Là encore, M. Fourcade tint des propos grossiers, inconvenants. Mon fils le menaça d'en prendre acte. Vous voyez que cela alla assez loin. Enfin M. Fourcade partit en s'écriant: «Tout n'est pas fini! Elle s'en repentira!»> - Vous semblez supposer que, pour se venger, M. Fourcade a parlé de l'empoisonnement? R. Je ne m'arrête pas à des suppositions, Monsieur le Président.

M. le Président.

M. le Procureur du roi. A l'époque où ces faits se passaient, les bruits sur l'empoisonnement étaient déjà fort répandus. M. Deville. Je dois citer une autre circonstance.

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Une dame avait emprunté 6,000 francs à M. Lacoste. Après la mort de celui-ci, elle m'avait prié de lui procurer une somme pareille pour rembourser; je la lui fis avoir. Elle venait me payer pour Mme Lacoste; elle ne connaissait pas son domicile; elle le demandait dans la rue, lorsque M. Fourcade s'approcha d'elle et lui dit : « Prenez garde, Madame, de vous livrer. Mme Lacoste est poursuivie criminellement; vous seriez peut-être exposée à payer deux fois. » Et il accompagna cela d'injures.

M. le Président.-Est-ce vrai, Monsieur Fourcade? M. Fourcade. Je suis étonné qu'un homme grave comme M. Deville se présente devant la justice pour avancer de pareilles choses.

-

Me Alem. Je demanderai au témoin M. Deville s'il n'y a pas eu une discussion d'intérêt entre Mme Lacoste et M. Fourcade? s'il n'y a pas eu une demande d'un titre de 1,500 francs de la part de Mme Lacoste? M. Deville ne savait-il pas que Mme Lacoste se servait de M. Fourcade pour ses recouvrements à Tarbes? Enfin Mme Lacoste ne témoigna-telle pas son étonnement de ce que M. Fourcade n'avait pas d'argent à son mari entre ses mains? M. le Président. - Voilà bien des questions.

M. Deville. Je n'ai aucun souvenir du titre de 1,500 francs et de la discussion à laquelle il donna lieu. M. le Président. - Madame ne témoigna-t-elle pas de la surprise de ne pas trouver de fonds entre les mains de M. Fourcade?

M. Deville. Il ne s'agissait pas de fonds, mais d'effets de commerce. Mme Lacoste ayant réclamé, M. Fourcade m'a remis des lettres de change, dont il n'avait pas parlé d'abord. Mme Lacoste prétendit qu'il en retenait entre ses mains.

M. Fourcade. Que l'on demande à Mme Lacoste si je ne lui ai pas fait la remise de tous ses effets de commerce, alors que nous étions très-bien ensemble.

Mme Lacoste. Oui, Monsieur; ces effets m'ont été remis, mais sur ma réclamation. M. Fourcade. J'ai remis à madame une note des efiets que j'avais.

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M. le Président. Madame Lacoste, vous croyez donc que M. Fourcade a encore d'autres effets entre les mains?

Me Lacoste. Je présume que tous les effets que M. Fourcade avait entre les mains ne m'ont pas été remis.

M. le Président. Sur quoi vous basez-vous? — R. Sur ce que beaucoup de titres qui n'étaient pas couchés sur le livre de mon mari n'ont pas été retrouvés. Come mon mari n'écrivait jamais sur son livre les effets qu'il confiait à M. Fourcade, je présume que ceux-là sont en sa possession,

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