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obstacle, si sa chute pouvait avoir lieu sans exposer les fortunes particulières à de trop grands bouleversemens.

Déjà même les théories républicaines ont fait parmi les électeurs les progrès les plus effrayans, et l'espèce de liberté, établie par la Charte, ne suffit plus à l'esprit de nivellement qui les anime. Je sais bien qu'on niera ce fait avec emportement, parce qu'on ne veut pas que le gouvernement se mette en garde contre cette formidable disposition des esprits; mais que l'on m'explique alors comment, et par quels motifs, les opinions républicaines auraient disparu de la France. Niera-t-on que, pendant la révolution, il n'y ait eu des hommes franchement républicains? Niera-t-on que, sous l'empire même, un grand nombre de ces hommes ne soient restés courageusement fidèles à leurs sen

timens politiques? La république, comme la religion, n'a-t-elle pas eu ses cavernes, ses mystères et ses martyrs? Les Moreau, les Oudet, les Mallet, les Carnot et tant d'autres, sont-ils déjà si loin de nous? Quelle soudaine lumière aurait donc éclairé leurs amis et leurs admirateurs? Quelle incontestable expérience leur aurait démontré l'erreur de leurs théories? Reconnaissons plutôt que le cours des événemens, et surtout les fautes des rois, ont dû imprimer à ces théories, plus de force et d'évidence. Les malheurs de l'Espagne, la rentrée des jésuites en France, les entreprises du clergé, le triste sort de l'Italie, les désastres de la Grèce, l'horrible parjure de don Miguel; quelle terrible accusation contre la royauté quelle source féconde d'argumens et de déclamations pour ses détracteurs !

Ces dispositions républicaines se manifestent d'ailleurs par les signes les moins équivoques. Voyez cette haine profonde qui s'accroît chaque jour contre toute espèce de distinctions sociales; cette soif de pouvoir qui s'est emparée de toutes les classes; ce dédain général pour l'autorité; cette confiance en soi qui fait le caractère distinctif du siècle, et enfin ce mot de république, ce mot sacramentel, déjà prononcé hautement, et présenté comme la juste et véritable expression de notre nouveau système de gouvernement.

La démocratie coule à pleins bords, s'est écrié M. Royer-Collard dans la chambre des députés; et les échos du libéralisme ont répété avec une joie menaçante: « Oui, à pleins bords! >>

Combien même de royalistes, (je veux dire de citoyens attachés de cœur à la

royauté), emportés, comme les autres, par l'esprit du siècle, aident à démolir cette royauté qu'ils vénèrent, par l'appui qu'ils prêtent, dans leur égarement, à toutes ces lois républicaines qui doivent finir par la

renverser!

Le commerce surtout qui joue un si grand rôle dans les élections, tant par son influence directe dans les colléges électoraux, que par les moyens qu'il peut fournir aux comités directeurs pour diriger les élections; le commerce, dis-je, est essentiellement ennemi de tout gouvernement monarchique qui s'appuie principalement sur d'anciennes illustrations. L'éclat qui les environne fait naître un secret dépit dans l'ame même du plus modeste négociant; il porte le désespoir dans celle de l'orgueilleux millionnaire. Courbé sur son coffre-fort, qu'il s'est habitué à regarder

comme la source de toutes les jouissances, il lui demande en vain la considération et le respect qui s'attachent aux noms historiques; il n'en peut obtenir que du luxe, et toujours du luxe; bientôt ce luxe stérile lui devient insupportable. A travers les hommages empressés de ses parasites, il aperçoit une nuance de légéreté qui l'humilie et qui dissipe ses illusions. Il se voit alors tel qu'il est vu par tout le monde: un enrichi, un homme à argent; rien de plus. Dévoré de chagrins, accablé de son impuissance, il rêve un état social où l'or soit une dignité, et dans lequel tout soit nivelé, à l'exception des fortunes.

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La loi actuelle des élections, de même que celle qui avait été adoptée par l'assemblée constituante, ne peut donc amener à la chambre des députés que des hommes pour le moins indifférens à la royauté, s'ils

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