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INTRODUCTION.

PREMIÈRE PARTIE.

L'Abyssinie et ses habitans.

Avant de faire connaître à nos lecteurs l'intéressant journal que M. Gobat a écrit pendant son séjour de trois ans en Abyssinie, il ne sera peutêtre pas hors de propos de leur donner une idée générale de ce pays si remarquable, ainsi que de ses habitans, pour les transporter en quelque façon sur le théâtre où se sont passés les faits que racontent ces feuilles, et pour leur faire mieux comprendre la liaison de ces faits avec les constitutions de la contrée.

L'Abyssinie, ce riche paysde montagnes de l'Afrique orientale, qu'on a souvent, avec raison, appelé la Suisse africaine, était connue dans l'antiquité sous le nom d'Ethiopie, et ses habitans, les Ethiopiens ou les noirs, se sont distingués dans les pre miers siècles par leur civilisation et par leur valeur.

Le pays s'élève en terrasses depuis les bords de la Mer-Rouge jusqu'à une immense pyramide de rochers dont le sommet est recouvert de neiges éternelles et n'a encore été atteint par aucun Européen. Lorsqu'à la fin du dix-septième siècle le savant Hiob Ludolf, dans son histoire d'Ethiopie (Historia Ethiopica sive brevis et succincta descriptio regni Habyssiniorum, Francof. 1681-1694. Vol. II, fol.), fit connaître à l'Europe, d'après les sources que fournissait l'histoire ancienne, cette contrée mystérieuse, peu d'Européens osèrent s'y aventurer pour satisfaire la curiosité de l'Occident sur l'état actuel de ce pays et de ses habitans. James Bruce, Ecossais, qui vint à Alger comme consul anglais, en 1764, essaya le premier de pénétrer dans les vallées rocailleuses de l'Abyssinie, où il parvint après de longs voyages en Numidie, en Perse et en Arabie. Il apprit la langue du pays, passa plusieurs années dans les provinces du sud-ouest, et imprima à son retour, en 1790, une description de ce voyage, en cinq volumes dont l'apparition excita dans le public un vif intérêt. Quelques années plus tard, un autre Anglais, M. Salt, qui avait été consul général en Egypte pendant plusieurs années, arriva en Abyssinie par l'Orient, et attira, par les récits de son expédition (An account of a voyage to Abyssinia, etc., by H. L. Salt, London, 1814, 4°), l'attention de l'Europe sur la partie nord-est, ou province du Tigré, comme Bruce l'avait attirée quelques années auparavant sur la partie sud-est ou province d'Amhara.

Des pâturages presque complètement découverts mais abondamment arrosés, forment la perspeclive qui s'offre à l'œil, dans la plus grande partie de la haute région, dont quelques portions sont cultivées avec beaucoup de soin. Cette région est riche en troupeaux de moutons et de chèvres, en bœufs et en chevaux de la plus forte espèce. Les habitans sont beaux, forts et actifs, mais ils sont en guerre continuelle avec leurs voisins, les sauvages Gallas, qui, comme des hordes nomades, se sont jetés dans le pays par le sud et l'ouest, et l'occupent déjà en grande partie,

C'est dans les montagnes de Godscham que sont les sources de la rivière Bleue qui arrose les vallées des provinces occidentales, et vient ensuite sous le nom de Nil, fertiliser les plaines de l'Egypte. Près de lui, une autre rivière, le Tacazzé, traverse le milieu du pays, recueille sur son passage de nombreux torrens, et, au travers d'énormes murs de rochers, se fraie un chemin dans les plaines de la Nubie jusqu'au Nil. D'autres petites rivières parcourent le pays dans toutes les directions pour y répandre la vie et l'abondance.

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La grande variété de nature qu'on remarque dans la contrée en amène aussi dans le climat. Il fait une chaleur brûlante dans les vallées basses au pied des montagnes; plus on s'élève et plus il fait frais; dans les vallées élevées on respire un air délicieux, tandis que dans le bas il n'est pas rare

de voir le thermomètre s'élever à 100° de Farhen

heit. L'année se partage en deux saisons, celle des pluies et des inondations, et celle de la chaleur ardente. La saison des pluies commence en avril et dure jusqu'au mois d'août; pendant sa durée, le matin est ordinairement beau; après midi le ciel s'obscurcit, puis la pluie tombe par torrens pendant plusieurs heures avec un accompagnement effroyable de tonnerre et d'éclairs. Alors, les défilés et les vallées étroites deviennent des torrens, et le voyageur est obligé de chercher un abri sur les hauteurs et sous les rochers.

Le pays est riche en fer et en or; ce dernier métal se trouve aussi dans le sable des rivières, mais les habitans ne connaissent point encore la richesse de leur sol (1). Les montagnes manquent complètement de sel; il y est apporté par des caravanes de la grande plaine qui sépare, au sud-est, les provinces de Tigré de Dankali; toute cette plaine, qui est d'une longueur de quatre jours de marche sur une largeur de trois, est couverte de sel qui y existe en couches superposées.

Dans les districts sablonneux des côtes, on ne voit guère que des mimosas qui atteigneut souvent jusqu'à une hauteur de quarante pieds et sont en

(1) Il est même des contrées où, selon le rapport de M. Gobat, les indigènes, quand ils viennent à trouver, ce qui n'est pas rare, un morceau d'or massif, en rompent les angles et rejettent le noyau dans la rivière pour servir, disent-ils, de graine. (Note des Rédacteurs.)

tourés de plantes grimpantes. Plus on s'élève dans la région où les sources viennent ranimer le voya geur fatigué, plus aussi sont variées les plantes qu'on y rencontre; on trouve des forêts dont les arbres ressemblent au Manglier des Indes. On aperçoit des tamarins et des figuiers. On y remarque surtout le Collquall, que ses rameaux sans feuilles font ressembler à un énorme candelabre, et qui s'élève à une assez grande hauteur. C'est surtout dans le voisinage des anciennes églises qu'on voit des dattiers, des orangers et des citronniers qui ont probablement été importés par les Portugais. C'est à eux que les habitans du pays doivent aussi la culture de la vigne, qui a été introduite dans plusieurs contrées et qui produit un vin excellent. On trouve aussi de grandes plantations de cotonniers sur les versans occidentaux du pays, et non loin de là le caféier à l'état sauvage.

Le maïs devient très beau dans les hautes plaines; on y cultive aussi en assez grande abondance une espèce de froment qu'on appelle Teff, et dont se servent les familles aisées pour faire le pain; on y rencontre encore de magnifiques pâturages qui fournissent aux bêtes à cornes, aux chevaux et aux moutons une abondante nourriture. Les bas-fonds sont couverts de buissons et d'épines.

Les troupeaux de bêtes à cornes sont nombreux; les moutons petits, et en général noirs; les chevaux, pleins de vie et de feu, se distinguent par une vitesse prodigieuse. Les mulets d'Abyssinie sont excellens ; ils servent, comme les ânes, de bêtes de

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