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dont on s'est servi il y a quelques années pour un premier essai de version de la Bible. C'est aussi dans cette langue que sont traduits les morceaux séparés du Nouveau-Testament que répandent les missionnaires, que sont composés les écrits destinés à civiliser le peuple employé dans quelques établissemens isolés. Il existe encore quelques autres dialectes qu'on parle dans des districts isolés, et qui n'ont aucune importance pour l'œuvre des missions.

Quant à l'agriculture, il y a, suivant les provinces, une grande différence ; quelques-unes sont assez bien cultivées et sont d'un bon produit; dans d'autres le terrain est complètement abandonné. Dans quelques districts, on emploie une espèce de charrue qui est faite avec la racine d'un arbre, et qui est traînée par des bœufs. On sème du millet, de l'orge, du froment, du teff, du máis; on y plante aussi de temps en temps quelques légumes. Dans plusieurs provinces, on a double et triple récolte dans le courant de l'année. Au mois de juillet on sème le teff et l'orge qu'on moissonne en novembre. Sur le même champ et sans fumier, on resème de l'orge qu'on recueille en février. Ensuite on y sème encore du teff ou une espèce de pesette qu'on moissonne en avril, avant le commencement des pluies. L'orge est foulée par des bœufs; on bat le teff avec des fléaux, on moud le blé dans des mortiers de pierre ; cette opération, ainsi que la cuisson du pain, est l'affaire des femmes.

Le sel est la monnaie courante du commerce; à cet effet, on le coupe en plaques de dix pouces de longueur sur trois pouces de large; 35 de ces plaques valent un écu ou talari (1). Pour les grandes affaires, on se sert de l'or en morceaux d'une once qui valent 8 écus.

Aucun voyageur n'a pu, jusqu'à présent donner une évaluation précise de la population de l'Abyssinie. Le missionnaire Gobat, malgré un séjour de trois ans dans le pays, malgré sa connaissance de la langue et ses rapports fréquens avec les chefs, ne croit pas non plus pouvoir rien dire de certain sur ce sujet. La grande superlicie du pays (qui s'étend du 9° au 16° degré de latitude septentrionale, et du 53° au 58° de longitude orientale, ce qui fait une largeur de 240 lieues sur une longueur de 210), qui renferme une grande quantité de villages bien peuplés, fait présumer que la population doit être considérable. Mais la vie nomade d'une

grande partie des habitans, ainsi que les guerres perpétuelles qui tiennent en mouvement des peuplades entières, rendent fort difficile d'acquérir une parfaite certitude sur l'état réel de la population.

(1) Ces talaris sont des écus d'empire à l'effigie de MarieThérèse et frappés dans certaines années. C'est la seule monnaie qui ait cours dans le pays, et encore si elle ne porte pas précisément un certain millésime, n'est-elle pas reçue dans la circulation, ou n'a-t-elle qu'une valeur inférieure. (Note des Rédacteurs.)

Ce qu'il y a de remarquable, c'est que les nombreuses réunions de Juifs que les Abyssins nomment Fallaschas exercent sur les affaires du pays où ils se sont établis une influence beaucoup plus grande qu'ils n'ont pu le faire en aucun pays depuis leur dispersion. Ala vérité, l'histoire des Ethiopiens prouve qu'ils ont, dès les temps les plus anciens, eu de grands rapports commerciaux avec les Israélites. L'histoire de la Bible montre également que les enfans de Jacob ont toujours regardé la Mauritanie ou l'Ethiopie comme un pays ami, et la visite de la reine de Séba à Salomon est nonseulement confirmée dans les annales historiques de l'Abyssinie, mais elle y est envisagée comme quelque chose de tout-à-fait naturel. Aussi les Juifs expulsés de leur patrie se réfugièrent-ils en grand nombre en Ethiopie où, non-seulement ils furent reçus amicalement, mais où ils eurent encore la joie de voir adopter leur religion. Chassés plus tard parle christianisme, les Fallaschas se réfugièrent dans les montagnes de Semen où ils existent encore aujourd'hui comme un peuple à part, ayantson gouvernement, ses lois et ses rois; mais ils vivent dans un si grand éloignement des habitans du pays, et dans une si incroyable ignorance, qu'il est difficile d'obtenir des renseignemens exacts sur leur état réel; et quoique le missionnaire Gobat se soit donné beaucoup de peine dans ce but, il n'a pu rien apprendre de certain sur ce sujet.

Il est fort étonnant que les Juifs d'Abyssinie

n'aient aucun livre hébraïque, mais seulement la traduction cophte de l'Ancien-Testament et des apocryphes, traduction qui a de grands rapports avec l'ancienne langue Gee. Ils ont depuis le dixième siècle leur propre constitution qu'ils conservent encore. Quoiqu'ils soutiennent que leurs ancêtres ont déjà émigré dans le pays du temps de Salomon et de Réhabéam, encore est-il vraisemblable que leur colonisation proprement dite n'a eu lieu qu'après la destruction de Jérusalem. Il est bien reconnu qu'ils dominaient en Arabie et dans une partie de la Perse plusieurs siècles avant l'apparition de Mahomet, mais qu'ils ne tardèrent pas à tomber sous le joug des Arabes; et, comme l'Ethiopie chrétienne résista avec une bravoure opiniâtre à l'introduction de la religion mahométane dans le pays, les Juifs qui y demeuraient ont conservé leur constitution, et ils soutiennent avoir gardé intacts leur religion, leur dynastie et leurs mœurs.

Lechristianisme est, dans la portion la plus élevée de l'Abyssinie, la religion nationale, tandis que les Gallas qui abondent dans le plat pays sont mahométans ou païens. Le journal du missionnaire Gobat peint en couleurs très vives l'état déplorable dans lequel se trouve l'église chrétienne en Abyssinie. Comme c'est d'Egypte que l'Évangile s'est répandu en Abyssinie, les Abyssins, de même que les Cophtes, ont eu connaissance de la doctrine des Monophysites, c'est-à-dire de ces chrétiens des premiers siècles qui ne reconnaissent dans le Christ

qu'une seule nature, tandis que leurs adversaires, les Nestoriens, affirment qu'il y en a deux. Il est résulté de cette antique relation, que les Abyssins ont encore aujourd'hui l'habitude de demander à l'église cophte d'Egypte leur supérieur ecclésiastique, qu'ils nomment Abouna (patriarche), et que les Egyptiens sont le seul peuple avec lequel ils aient des rapports d'amitié.

Les troubles intérieurs qui agitent constamment l'Abyssinie rendent fort difficile de dire quelque chose de précis sur sa constitution politique. La contrée a été, dans les temps modernes, partagée entre cinq souverains, dont les capitales étaient Gondar, Semen, Godscham, Begemder et Axum; mais ces souverains ont eux-mêmes fort peu d'autorité, et les gouverneurs de provinces se sont emparés du pouvoir et se battent constamment entre eux. Autrefois l'Abyssinie était une monarchie absolue. Le roi s'appelait Negus ou seigneur des seigneurs de l'Ethiopie; il était couronné à Axum par l'Abouna et résidait à Gondar. Ily a peu de temps encore que le Ras de la province de Tigré, Sabagadis, était le plus puissant des princes du pays; mais depuis qu'il a été tué dans un combat sur le Tacazzé, le pays est tombé dans l'anarchie la plus complète.

Ras est le titre des principaux gouverneurs du pays; les moins puissans s'appellent Cantiba. Quand un Ras meurt, c'est la force des armes qui tranche ordinairement la question de sa succession. On té

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