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assez ordinaires, les Anglais, qu'on avait vus négocier, pour procurer sur terre des succès aux Turcs, semblaient les abandonner sur mer à des bricks marchands, devenus la terreur du Croissant. Le ministère de S. M. B. avait reconnu le blocus des places assiégées par les Hellènes; et les Grecs, informés que la bande noire chargée de leurs approvisionnements attendait un bâtiment de guerre étranger, pour escorter un convoi de vivres qu'elle voulait envoyer à Patras, résolurent d'empêcher cette expédition.

Le navarque, informé à point nommé de l'expédition projetée par la compagnie des agioteurs de Zante, avait à peine établi sa croisière au promontoire Araxe, que ses vigies signalèrent un bâtiment suspect escortant un convoi. Il porte soudain le cap dans cette direction, et, parvenu à distance, il assure le pavillon de la Croix par un coup de canon, auquel le navire inconnu répond en hissant sa bandière. On l'approche; c'était un brick armé de quatorze pièces de canon, le Montecuculli, et on lui signifie que la ligne de blocus ayant été déterminée et reconnue jusqu'à cette hauteur, il ne pouvait naviguer au-delà. Il insiste pour passer, en prétendant au titre de bâtiment de guerre! On lui répond qu'il n'est qu'un pacotilleur, et on lui en fournit la preuve, en lui envoyant la liste des marchandises qui se trouvaient sur son bord. On l'entoure; on saisit son convoi, qui, amariné sous ses yeux est conduit à Missolonghi, et il est obligé de virer de bord, sous l'escorte de trois bâtiments

grecs, jusqu'au port de Zante où il rentre honteusement, à la vue des Anglais qui félicitent les Hellènes de soutenir des droits qu'ils ont si glorieusement acquis.

La marine impériale d'Autriche favorable aux Turcs dut feindre d'ignorer cet affront, dont elle ne tarda pas à faire retomber la vengeance sur Antoine Maritza, agent consulaire de France. Dénoncé comme complice de baraterie dans une affaire atroce qui s'était passée aux Scrophes, il est enlevé d'un bâtiment autrichien qu'il avait sauvé, par le lieutenant de vaisseau Angelo Soardo. Arraché au milieu d'une foule de femmes et d'enfants réfugiés sur ce navire, on le charge de chaînes, ainsi que son neveu, son écrivain, et ils sont bientôt après traînés dans les prisons de Trieste (1).

Ces incidents ayant fait trève à l'impatience de la garnison de Missolonghi, Mavrocordatos trouva le moyen de l'amuser ensuite par des escarmouches, qui durèrent jusqu'au 1 janvier (30 décembre),

(1) Ils arrivèrent le 13 janvier suivant à Trieste, et reconnus innocents, ils furent relâchés le 2 juillet 1823, après cinq mois d'incarcération. Les auteurs de leurs maux furent Nicoletto Zen, et son collègue. Voici un état des objets qu'Antoine Maritza réclame de la probité des agents de l'Autriche, qui s'empresseront sans doute de faire droit à ses réclamations : quàrante-quatre chemises, une ceinture avec agrafes estimées quarante sequins de Venise, cent louis d'or monnayé, trois cents roubiés, trente sequins vénitiens, six rosponis, une double pontificale, dix-huit ducats, ses meubles embarqués sur le bâtiment, sa batterie de cuisine, et les effets appartenant à son épouse.

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jour auquel Omer Briones reçut une lettre de Varnakiotis, qui l'obligea de prendre un parti décisif. Il lui mandait que J. Rhengos, oubliant la foi jurée lorsqu'il embrassa là cause du sultan au mois d'octobre précédent, s'était de nouveau rangé dans le parti des Grecs Acarnaniens rentrés en terre ferme. A la suite d'une violente altercation avec le vieux Gogos Bacolas, capitaine de l'Athamanie, dont la fidélité était, disait-il, équivoque, il avait déclaré publiquement qu'il voulait désormais combattre et mourir pour la cause de la Croix. Qu'il marchait, par Langada, à la tête de trois cents palicares, pour lui couper la retraite dans le Macrynoros. Enfin il le prévenait de l'arrivée à Catochi, de Pierre Mavromichalis, qui avait déja réussi à rassembler plus de deux mille cinq cents hommes sous ses drapeaux; de l'occupation des défilés des lacs Ozeros par les insurgés de l'Agraïde, de la levée en masse des paysans du Valtos, et de la nécessité de pourvoir à sa sûreté avant que toute espèce de retraite lui fût coupée. Pour comble d'embarras, on venait d'apprendre qu'Odyssée manoeuvrait sur l'Événus, et qu'il était au moment de pénétrer dans le Vlochos.

La nuit qui suivit la réception de cette dépêche fut extrêmement agitée, sans que les assiégés en connussent la cause. Le 13 janvier, à deux heures du matin, on aperçut les feux d'un vaste incendie. C'étaient les tentes des Turcs auxquelles ils avaient mis le feu. Mais on craignait quelque ruse, et on attendit le jour pour faire une reconnaissance.

En effet, à sept heures on sortit. Omer Brionès s'était mis en route à deux heures du matin, et son armée le suivait en désordre. On n'osait encore ajouter foi à une retraite aussi précipitée, on craignait qu'elle ne couvrît un stratagème, et ce ne fut qu'au retour de quelques éclaireurs détachés pour reconnaître le camp ennemi, qu'on apprit qu'il était en plaine retraite.

Une partie de la garnison, conduite par Mavrocordatos, se porte aussitôt sur les lieux. On s'empare de huit pièces de canon en bronze, montées sur affûts de campagne, de leurs caissons, de deux obusiers, d'un mortier, des munitions de guerre, des fusils, des effets de campement et d'une quantité considérable de provisions de bouche. On montre le lieu où était dressée la tente d'Omer Briones, qu'on trouve renversée; on voit les tables qu'il n'avait pu emporter, une partie de ses harnais. On visite le quartier des Toxides, celui des Guègues, et le lieu où les Asiatiques avaient dressé leurs somptueux pavillons. A chaque pas on découvre des armes, des selles, des bagages, on fait main basse sur quelques traînards, après avoir tiré d'eux des renseignements relativement à la route que l'ennemi suivait dans sa fuite.

Informé qu'Omer Brionès se retirait par le défilé de Cleïsoura, tandis que Routchid pacha, traversant la forêt de Coudouni, marchait vers Gérasovo, on détache cinq cents hommes à leur poursuite. Ils volent sur leurs traces, en passant au fil de l'épée les fuyards qui tombent sous leur

main; arrivés à Cleïsoura, ils enlèvent aux Turcs la dernière pièce d'artillerie qu'ils avaient sauvée, et ne les quittent qu'en vue du lac Trichon (1).

Ils rentraient au camp en même temps qu'un détachement envoyé à l'embouchure de l'Événus, où Routchid pacha avait établi son camp. Instruit à temps de la résolution de son collègue, il avait évacué les malades et les blessés sur Lépante; et on avait saisi une grande quantité de bagages abandonnés dans les villages de Galata et d'Hypochori. Les Grecs ramenaient en triomphe deux canons et un mortier, dont ils s'étaient emparés. Leur bonheur était au comble; ils étaient désormais invincibles; ils triomphaient du superbe Omer Brionès. Il ne s'agissait plus que d'anéantir son armée; et dès que Mavrocordatos leur eut permis de la poursuivre, les chrétiens prirent la route de Vrachori, vers laquelle l'ennemi opérait sa retraite.

C'était le 26 janvier. Omer Brionès, au moment

(1) Ce fut à peu près dans ce temps que le docteur Lucas, médecin d'Ali Tébélen, et frère de l'infâme Athanase Vaïa, déserta du camp d'Omer Brionès pour se réfugier à Missolonghi. Il donna à Mavocordatos plusieurs renseignements utiles, qu'il n'est pas encore temps de révéler. On sut par lui que ce serasker avait fait un médecin d'un des Philhellènes pris à Péta, auquel il avait sauvé la vie. L'esculape de sa façon tuait journellement une foule de malades sans rien perdre de sa considération, Omer soutenant envers et contre tous que c'était un fort habile homme, quoiqu'il eût dépêché un des éphèbes, Delicias domini! En revanche l'archiatre s'était décidé à prendre le turban; nous nous abstenons de nommer cet individu par respect pour sa famille.

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