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PARTIE III.
N° 74.

monte au moins au 12 septembre, et il est difficle d'admettre qu'à cette époque le souscripteur pût se faire illusion sur la situation réelle.

Enfin, en raison même de la crise si terrible qui a pesé cruellement sur la France, du mois de septembre au mois de janvier, il est permis d'affirmer que le nombre des effets souscrits pendant cette période est peu important, et qu'il n'y a aucun inconvénient à échelonner du 13 juin au 12 juillet le remboursement de tous les effets échus postérieurement au 12 novembre et jusqu'au 12 avril. De telle sorte que les effets échus, par exemple, les 20 novembre, 20 décembre, 20 janvier, 20 février et 20 mars, deviendront exigibles le 20 juin.

Tout en adoptant ce paragraphe 2, votre commission vous propose de décider que tous les effets créés postérieurement au 9 février et échéant avant le 12 avril seront privés du bénéfice des prorogations.

Cette date du 9 février coïncide avec le dernier décret relatif aux prorogations. Toute valeur créée postérieurement à cette date doit donc rentrer dans le droit commun. C'est le principe que nous appliquons, en vous proposant d'ajouter à la suite du paragraphe 2 cette phrase :

«Ne sont point admis à jouir du bénéfice des prorogations tous effets créés postérieurement au décret du 9 février. »

Pour rendre le texte de la loi encore plus précis, votre commission vous propose de rappeler à la suite du second paragraphe la mention qui figure au premier, concernant les intérêts qui devront être payés, au taux commercial bien entendu, par le débiteur depuis le jour de l'échéance inscrite au titre.

Enfin, le paragraphe 3 de l'article 2, stipulant que les dispositions précédentes sont applicables aux effets qui auraient été déjà protestés ou suivis de condamnations, a soulevé diverses questions.

Les protêts faits antérieurement dispenseront-ils du protêt lors de l'exigibilitė? Si le protêt doit être fait, le débiteur est-il tenu de payer les frais des deux protêts et des dénonciations?

Quel sera le sort des condamnations obtenues?

Votre commission n'a pas hésité à reconnaître qu'un second protêt doit être fait au moment de l'exigibilité. Mais, afin de diminuer les frais à la charge du débiteur, elle vous propose de décider, dans ce cas, que le refus de payement à la nouvelle échéance devra être constaté par une mention écrite par l'huissier sur l'ancien protêt, et que cet acte sera exceptionnellement enregistré gratis.

Les frais de dénonciation faits régulièrement lors du premier protêt resteront à la charge du débiteur, quand bien même ce dernier payerait au jour de l'exigibilité.

Enfin, pour mettre la loi d'accord avec les solutions adoptées par nous, votre commission vous propose de remplacer le paragraphe 3 par la rédaction suivante :

Ces dispositions sont applicables aux effets qui auraient été protestés. En cas de second protêt, le refus de payement sera constaté par une mention inscrite par T'huissier sur le premier. L'enregistrement se fera exceptionnellement gratis. Si les

premiers protêts ont été suivis de jugement, il sera sursis à l'exécution jusqu'à PARTIE III. l'expiration des nouveaux délais de prorogation. »

ART. 5. Cet article a donné lieu, dans le sein de la commission, à d'assez longues discussions.

La grande majorité de votre commission a pensé que l'on pouvait, sans crainte, donner aux tribunaux de commerce la faculté d'accorder des délais modérés aux débiteurs que la crise politique et commerciale aurait momentanément gênés. La sagesse dont les tribunaux de commerce font journellement preuve est une garantie que ces délais ne seront accordés que dans une juste mesure.

La minorité de la commission a demandé que, dans toute la France, les tribunaux de commerce fussent investis du même droit. Mais la majorité a maintenu la rédaction du projet, étant bien entendu que le droit est accordé aux tribunaux de tous les départements qui ont été envahis, et dont l'énumération est faite dans l'article 3 du traité du 26 février.

Les lourdes charges qui ont pesé sur ces départements, la suspension presque totale des affaires dont ils ont eu à souffrir pendant l'occupation, justifient suffisamment, aux yeux de la majorité, le triste privilége qu'on leur accorde. Enfin, il a paru juste à votre commission d'autoriser tous les tribunaux de commerce de France à accorder des délais modérés aux souscripteurs d'effets de commerce qui, retenus hors de chez eux pour le service de l'armée régulière et de l'armée auxiliaire, se seraient trouvés, à leur retour, dans l'impossibilité momentanée de faire face à leurs engagements.

Votre commission vous propose l'adoption de l'article 5.

N° 75.

N° 75.

A.

EXPOSÉ DES MOTifs du projet de loi (loi du 4 juiLLET 1871) SUR LA PROROGATION
DES ÉCHÉANCES DES EFFETS DE COMMERCE DANS LE DÉPARTEMENT DE LA SEINE.

(URGENCE DÉCLARÉE.) (Extrait.)

Séance de l'Assemblée nationale du 14 juin 1871.

Messieurs,

Nous sommes obligés encore une fois, nous espérons que ce sera la dernière, de venir vous parler de l'échéance des effets de commerce.

Nous pouvons dire du moins avec satisfaction que cette question est complétement et définitivement réglée dans les départements autres que celui de la Seine. Le droit commun a pris la place des mesures exceptionnelles; les engagements commerciaux y sont tenus avec régularité; le commerce y retrouve le crédit qui est plus nécessaire que jamais au développement de ses entreprises.

PARTIE HII.
N° 75.

A Paris, il en est autrement: l'effroyable dictature qui a régné dans cette grande ville depuis le 18 mars jusqu'à la fin de mai, a achevé des ruines que cinq mais de siége avaient déjà commencées. Un tiers de ses habitants a été entraîné loin de ses murs par de trop légitimes craintes. Ceux qui restaient et qui n'étaient pas complices de l'insurrection se sont effacés autant qu'il leur a été possible. Les travaux ont cessé, les boutiques ont été fermées, le cours de la justice a été interrompu pendant plus de deux mois; les violences personnelles, les rapines, la destruction des monuments publics et des demeures privées, l'incendie préparé, prémédité, répandu avec art dans les quartiers divers ont interdit toutes relations sociales; il faut plus de temps que nous ne l'avions pensé pour que l'on se retrouve en état de reprendre régulièrement ses affaires; on ne nous fera pas un crime de n'avoir pas prévu de tels crimes, suivis de telles calamités.

Cette crise douloureuse est passée, notre grande ville reprend sa vie habituelle; mais le négociant le plus actif, l'ouvrier le plus industrieux ne peuvent, du jour au lendemain, se procurer les ressources nécessaires pour liquider le passé. Des poursuites faites aux époqués que nous avons fixées par nos lois des 10-24 mars et 26 avril derniers rendraient inévitable la ruine d'un grand nombre de débiteurs. Nous demandons à l'Assemblée d'accorder de nouveaux délais, en s'attachant toujours à échelonner les échéances, comme elle l'a fait précédemment.

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B.

RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI
PRÉCÉDENT, PAR M. FRANCISQUE RIVE. (Extrait.)

Séance de l'Assemblée nationale du 28 juin 1871.

L'exposé des motifs du projet de loi présenté à l'examen de l'Assemblée par M. le Garde des sceaux renferme des raisons qui ont été acceptées par votre commission, et il lui a paru que la dictature dont l'ordre social vient de triompher a placé le commerce de Paris dans une situation qui appelle une dernière loi lui donnant le temps de se recueillir et de réaliser ses ressources.

En effet, toutes les échéances sont accumulées et les 800,000 valeurs en circulation dues par le commerce de Paris arrivent en échéance toutes en même temps, presque le même jour.

La situation est donc à cette heure, pour Paris, ce qu'elle était le 10 mars pour la province, et de même qu'au 10 mars une loi était nécessaire pour échelonner les échéances de la province, de même une loi nouvelle est indispensable pour échelonner les échéances de Paris.

Votre commission avait à choisir entre trois solutions:

1° Prorogation des échéances;

2° Prorogation des protêts;

3° Prorogation des poursuites.

Adopter la première, c'était porter au contrat, au fond du droit une atteinte

sérieuse. Si la troisième présentait l'avantage de laisser en définitive le seul débiteur et son créancier originaire en présence, et de ne pas immobiliser les valeurs, elle avait le grave inconvénient d'entacher par le protêt l'honneur du commerçant et d'altérer son crédit.

Aussi la très-grande majorité de votre commission a pensé que ce sont les formalités conservatoires, c'est-à-dire les délais du protêt, qu'il faut proroger, d'abord parce que c'est se maintenir dans la voie ouverte par la loi du 13 août 1870, suivie par les lois et décrets postérieurs; ensuite parce que ce moyen secourt non-seulement les débiteurs directs, mais encore les endosseurs qui éprouvent une gêne momentanée à remplir leurs engagements.

Un autre avantage de ce système a trait à nos relations avec l'étranger.

Proroger l'échéance, c'est altérer un des éléments du contrat, le terme. Nous ne le pouvons pas sans danger, car s'il nous est permis de légiférer pour la France, il ne nous est pas permis de le faire pour l'étranger.

La lettre de change est un contrat du droit des gens. Or, il est d'usage que les formalités conservatoires soient réglées par la loi du pays où le payement est fait. Ce n'est pas sans motifs que nous rappelons ici ces principes qui nous semblent avoir été méconnus par un jugement du tribunal suprême commercial de Leipsick. Cette décision d'un tribunal souverain pour toute l'Allemagne a causé dans le monde des affaires une légitime et profonde inquiétude.

Pendant que l'Allemagne cherche dans une situation anormale des arguments pour restreindre les obligations qu'elle a contractées envers nos nationaux, la France renforce par des stipulations nouvelles et expresses les droits que les étrangers peuvent avoir contre nous. Je veux parler de la loi, applicable aux étrangers, qui a interrompu les échéances en matière civile et commerciale.

Le commerce étranger, qui a habitué la France à une grande loyauté, perdrait peut-être quelque chose à persévérer dans la voie où il semble vouloir s'engager et à méconnaître des lois que des événements sans précédents dans l'histoire nous ont imposées.

Aussi tout le haut commerce allemand comprend-il l'importance de la question, et déjà les chambres de commerce de Francfort et d'Augsbourg, le collège des anciens du commerce de Berlin formulent des protestations énergiques contre la décision du tribunal de Leipsick.

La commission signale ces faits à l'attention de M. le Ministre des affaires étrangères, et aussi du commerce français, qui pourrait peut-être, par une entente com mune, trouver un remède à cet état de choses (").

Votre commission a été d'avis de supprimer l'article 2 du projet, qui suspend le cours des intérêts du 18 mars au 20 juin. S'il faut en croire l'exposé des motifs,

(1) Cette question a été traitée dans la discussion de la loi par M. le Garde des sceaux Dufaure, M. Flotard, M. Rive, M. J. Favre, alors ministre des affaires étrangères, M. Ducuing et M. Aubry. (Séance du 4 juillet 1871.)

PARTIE III.

N° 75.

Question

des intérêts.

PARTIE III.

N° 76.

les moyens de placement ont fait absolument défaut pendant la période révolutionnaire.

Cette assertion nous semble contestable et au moins fort exagérée.

En effet, du 18 mars au 20 juin, la Banque de France a encaissé 13,362 effets, représentant une somme de plus de 60 millions. Beaucoup de capitaux ont quille Paris et ont été déposés dans les banques de la province et de l'étranger.

Mais, en la supposant vraie, cette fiction, qui représente le commerce de Paris à l'état de léthargie et se réveillant après le siége, serait impuissante à légitimer à nos yeux l'atteinte portée par l'article 2 aux dispositions des lois antérieures. Car le principe du droit aux intérêts a été consacré par toutes les lois de prorogation. Chacun, débiteur et créancier, a été prévenu, a agi en conséquence. Ce serait donc faire de la rétroactivité que de modifier les précédents sur ce point. Et nous ne parlons pas des complications que ferait naître l'article 2 entre les différents obligés pour déterminer en définitive celui qui devrait supporter la perte.

N° 70,

RAPPORT DE LA COMMISSION CHARGÉE D'EXAMINER LA PROPOSITION DUGUING

SUR LES CONCORDATS AMIABLES (Devenue la 101 du 22 AVRIL 1871).

(Extrait.)

Séance de l'Assemblée nationale du 17 avril 1871.

Le rapport, après avoir examiné dans sa première partie la question de savoir s'il ne conviendrait pas de faire une loi définitive à introduire dans le Code de commerce, ajoute :

Cependant il y a des infortunes intéressantes auxquelles il faut donner un secours immédiat. Des milliers de commerçants sont ou vont être mis en état de cessation de payements par le fait de la guerre et de l'insurrection. Sous l'empire de la législation actuelle ils sont tous soumis inévitablement et indistinctement aux rigueurs de la loi sur les faillites. Il est juste pourtant de donner aux tribunaux de commerce la faculté de soustraire à la flétrissure et aux incapacités légales ceux dont le désastre a été causé par ces événements de force majeure qu'ils ne pouvaient ni prévoir, ni éviter.

Il faut donc une loi qui donne ce pouvoir aux tribunaux. Cette loi est extrêmement urgente.

pour

Dans cette situation et pour répondre à ce double besoin, nous avons pensé qu'il fallait nous réserver la continuation de l'étude de la loi définitive, en vue des grands intérêts dont nous avons parlé que le silence de la loi laisse sans défense; et, pourvoir aux exigences des circonstances actuelles, proroger, jusqu'à la fin de septembre prochain, l'application du décret du 7 septembre 1870, qui n'est plus obli

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