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doient la fin de la guerre, d'autant plus que les conAN. 1643. quêtes des François dans les Païs-Bas commencoient à donner de la jalousie à la République. Les fentimens étoient cependant partagez für la maniere dont il falloit terminer la guerre. Les uns vouloient qu'on s'affurât par un traité de paix folennel dont toute l'Europe fût garant, la fouveraineté des fept Provinces, & les conquêtes que la République avoit faites fur les Espagnols. Les autres n'efperant pas que le Roi d'Espagne pût jamais se résoudre à abandonner fes droits fur de fi belles Provinces, propofoient de faire une treve semblable à celle qui avoit été faite en 1609. pendant laquelle les ProvincesUnies retiendroient toutes leurs conquêtes & reprendroient de nouvelles forces pour recommencer la guerre en cas que le Roi d'Espagne refusât de faire une bonne paix à la fin de la treve.

VII.

Tel étoit fur-tout le fentiment du Prince d'OPolitique du range. Les Princes de cette Maifon étoient redePrince d'Orange, vables à la guerre de la grande autorité qu'ils avoient

acquife dans les Païs-Bas, & ne pouvoient efperer de la conferver qu'à la faveur de la guerre. Leur valeur & leur habileté les avoient rendus neceffaires, en même temps que leurs victoires les rendoient chers à la République. Mais quelque bien affermie que parût leur puiffance dans un Etat qui leur étoit redevable de fa confervation, ils n'ignoroient pas qu'une République fe fait un devoir de facrifier tous les autres devoirs à l'amour de la liberté & de l'indépendance, & ils craignoient avec raifon que leurs talens pour la guerre devenant déformais inutiles aux Provinces, les défiances & les foupçons fi ordi

naires aux peuples Républicains ne l'emportaffent fur tout le merite de leur fervices paffez. Cette con- AN. 1643. fideration donnoit au Prince Frederic-Henri de l'éloignement pour la paix ; comme il voïoit les Etats déterminez à mettre fin à une guerre qui duroit depuis fi long-temps, & qu'il étoit obligé d'avoir beaucoup de condefcendance pour cux,comme ils avoient auffi pour lui beaucoup de déference, il prenoit un milieu pour ajufter fes interêts à ceux de la République. C'étoit de faire une treve pendant laquelle il esperoit que la crainte de voir recommencer la guerre lui feroit conferver tous fes avantages.

Il étoit affez indifferent à la Cour de France que les Etats fiffent la paix ou une treve, pourvû qu'ils ne traitaffent que de concert avec elle, fuivant l'ancien projet de fes Miniftres, & comme elle n'ignoroit pas que le fentiment du Prince d'Orange prévaloit dans les Etats, il n'étoit queftion entre la France & la Hollande que de regler la maniere dont chacun des deux Etats alliez procederoit dans fon traité, la nature & l'étendue des demandes qu'on devoit faire dans la négociation de Munster, la garantic mutuelle des traitez, & les conditions auxquelles on feroit durer l'alliance après la guerre. Tous ces points étoient d'une extrême conféquence pour la France. C'étoit le fujet du voïage des Plenipotentiaires à la Haye, & la fuite fera voir que rien n'étoit plus neceffaire que cette précaution.

VIII. Commencement

Dans la premiere audience que les Plenipotentiaires eurent des Etats, le Comte d'Avaux qui por-mociation. toit la parole, dit en substance, que le Roi voulant donner à la République une nouvelle marque de sa

nipotentiaires à M. de Brienne, 7. Decembre 1643.

la

bienveillance leur avoit ordonné de paffer par 'AN. 1643. Haye avant que de fe rendre à Munfter: qu'ils Lettre des Ple- étoient chargez de s'ouvrir aux Etats de tout ce qui regardoit le traité de paix, & qu'ils avoient licu d'efperer une confiance réciproque. A ce difcours le Préfident qui étoit de femaine répondit en termes generaux & refpectueux, que quand les interêts de la République ne feroient pas auffi infeparables qu'ils l'étoient de ceux de la France, la feule reconnoiffance obligeroit les Etats à demeurer éternellement unis avec une Couronne dont ils avoient reçûs tant de bienfaits; & comme le Comte avoit demandé que les Etats nommaffent des Commissaires pour regler en détail tout ce qu'on jugeroit neceffaire pour le bien commun, le Président ajouta qu'on procederoit inceffamment à l'élection.

bique.

IX.

Lettre des mémes

sembre 1643.

Quelque impatience que les Ambassadeurs témoifentimens entre la gnaffent de terminer au plûtôt la négociation pour France & la Répu- faire ceffer les murmures des Plenipotentiaires étrangers qui les attendoient à Munfter, l'élection des Commiffaires fe fit plus tard qu'on ne l'avoit promis. Ce ne fut qu'après plufieurs jours de délais qu'ils au même, 14. De- furent enfin nommez au nombre de fept, & ils rendirent auffi-tôt une vifite de cerémonie aux Plenipotentiaires qui jugerent par cette premiere entrevûë que la négociation feroit beaucoup plus épincuse que la Cour de France ne s'étoit imaginé. Car aïant laiffé entrevoir aux Commiffaires la nature de leurs propofitions, ceux-ci leur firent comprendre que les Etats ne consentiroient jamais à un des articles que la France avoit le plus à cœur, qui étoit que la République s'obligeât en general à appuïer & à soutenir

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dans la négociation de Munfter toutes les propofitions de la France, fans les fpecifier en détail : que AN. 1643. les Etats n'approuvoient nullement la réfolution où le Roi paroiffoit être de faire à leur exemple une paix à la Hollandoife, c'est-à-dire fans rien reftituer.

X.

Raifonnement

Ils faifoient fur cela un raifonnement que l'interet feul pouvoit leur faire trouver bon. Leur pau- des Etats refuté. vreté, felon eux, les autorifoit à retenir toutes les conquêtes qu'ils avoient faites dans les Païs-Bas; d'autant plus, ajoutoient-ils, que c'étoit là une réunion & non pas une nouvelle acquisition : au lieu que la France pouvoit aisément se paffer de deux ou trois Villes, ou même reftituer des Provinces entieres fans s'affoiblir. Il eft bien vrai que la France étoit beaucoup plus puiffante que la. République ; mais on ne croira jamais qu'à proportion qu'un Prince eft puiffant il lui foit moins permis d'ufer de ses droits. La France, difoient les Plenipotentiaires, ne pouvoit-elle pas avec justice se dédommager des dépenfes énormes qu'elle avoit faites dans la guerre, & étoit-il jufte que fes Alliez en faveur defquels elle les avoit faites, refufaffent de contribuer à lui procurer ce dédommagement qu'elle ne cherchoit qu'aux dépens de l'ennemi ? Le Roi n'étoit-il pas d'ailleurs en droit de retenir fes conquêtes à titre de réunion beaucoup plus que les Hollandois qui certainement, pour ne rien dire de plus, ne pouvoient avoir hors de leurs fept Provinces que des droits chimeriques ? Ces raifons toutes folides qu'elles devoient paroître faifoient peu d'impreffion fur les Commiffaires, & ils ne répondoient à tout ce que leur difoient les Ambaffadeurs que par des geftes négatifs. Leur con

duite avoit pour principe une raifon plus fecrete AN. 1643. qu'ils n'avoient garde de découvrir; c'est que les États ne vouloient point que le Roi poufsât fes conquêtes en Flandre, parce qu'ils redoutoient le voifinage d'un Prince si puissant encore plus que celui des Espagnols.

XI. Politique du

Prince d'Orange.

potentiaires à M.

cembre 1643.

Cependant tandis que les Commiffaires raisonnoient ainfi avec les Ambaffadeurs, le Prince d'Orange qui avoit d'autres vûës tenoit en particulier un Lettre des Pleni- langage tout different, & difoit aux Ambassadeurs de Brienne,7. De- qu'il confeilloit au Roi de ne rien reftituer. Il étoit perfuadé que c'étoit le moïen de faire échouer les négociations de la paix, & c'eft ce qu'il prétendoit; ou du moins en engageant la France à faire des proAu même le 4. pofitions de paix qu'on n'accepteroit jamais, il vouloit l'obliger à ne faire qu'une treve comme la République; foit pour lier plus étroitement les deux Etats; foit parce qu'il craignoit que fi la France faifoit fa paix, fon exemple n'engageât la République à faire auffi la fienne.

Fanvier 1644.

XII.

tiaires de France - négocient avec hauteur.

Plus les Hollandois s'éloignoient des vûës de la Les Plenipoten- France, plus il falloit affecter avec eux de fermeté & de réfolution pour les obliger à fe rapprocher du moins fur les articles effentiels de la négociation. C'eft ce que firent les Ambaffadeurs dans les Conferences reglées qu'ils eurent avec les Commiffaires. La premiere propofition qu'ils leur firent fut que les Etats s'obligeaffent de nouveau à l'observation des traitez précedens. C'est une chofe ordinaire dans les renouvellemens d'alliance, & qui ne fouffre aucune difficulté. Cependant les Commissaires refuferent de l'accepter fans fe mettre même en peine

Ibidem.

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