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D'agréables seigneurs, des campagnards plaisants, Qui vous diront du neuf sur de vieilles gazettes; Cela fera vraiment des visites parfaites.

SIDNE I.

Console-toi, demain Londres te reverra.

DUMONT.

Vous me ressuscitez, j'étois mort sans cela.

SIDNEI, Continuant d'écrire.

Tu ne te fais donc point au pays où nous sommes ?

DUMONT.

Moi! j'aime les pays où l'on trouve des hommes:
Quel diable de jargon! je ne vous connois plus;
Vous ne m'aviez pas fait au métier de reclus:
Depuis votre retour du voyage de France,

Où mon goût près de vous me mit par préférence,
Je n'avois pas encor regretté mon pays;

Je me trouvois à Londre aussi-bien qu'à Paris ;
J'étois dans le grand monde employé près des belles,
Je portois vos billets, j'étois bien reçu d'elles :
De l'amant en quartier on aime le coureur,
Je remplissois la charge avec assez d'honneur ;
En un mot je menois un train de vie honnête:
Mais ici je me rouille, et je me trouve bête,
Ma foi, nous faisons bien de partir promptement,
Et d'aller à la cour, notre unique élément.

Mais, puisque nous partons, qu'est-il besoin d'écrire?

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Quel chagrin vous inspire

Ce changement d'humeur, cette haine de tout,
Et l'étrange projet de s'ennuyer par goût?

Je devine à-peu-près d'où vient cette retraite ;
Oui, c'est quelque noirceur que l'on vous aura faite :
Quelque femme, abrégeant son éternelle ardeur,
S'est-elle résignée à votre successeur ?

Il est piquant pour moi, qui n'ai point de querelles,
Et suis en pleine paix avec toutes nos belles,
D'être forcé de vivre en ours, en hébêté,

Parce que vous boudez, ou qu'on vous a quitté.

SIDNEI.

Chez mylord Hamilton tu porteras ma lettre.

DUMON T.

C'est de lui le paquet qu'on vient de me remettre;
Sur l'adresse du moins je l'imagine ainsi.

SIDNEI.

Comment! par quel hasard me sait-il donc ici?

(Il lit une lettre, et laisse les autres sans les ouvrir.) Il me mande qu'il vient ; mais j'ai quelques affaires

Que je voudrois finir en ces lieux solitaires :

Il faut, en te hâtant, l'empêcher de partir...

DUMONT.

Et vous laisser ici rêver, sécher, maigrir,
Entretenir des murs, des hiboux, et des hêtres...
Mais j'ai vu quelquefois que vous lisiez vos lettres.
(Dumont lit les adresses.)

Ou je suis bien trompé, monsieur, ou celle-ci
Est de quelque importance; elle est de la cour.
SIDNEI, l'ayant lue.

Et j'ai ce régiment...

Oui,

DUMON T.

Je ne me sens pas d'aise :

Allons, monsieur, je vais préparer votre chaise;
Sans doute nous partons, il faut remercier...
Mais quel est ce mystere? il est bien singulier
Qu'après tant de desirs, de poursuites, d'attente,
Obtenant à la fin l'objet qui vous contente,
Vous paroissiez l'apprendre avec tant de froideur.
SIDNEI, écrivant toujours.

Es-tu prêt à partir? j'ai fait.

DUMON T.

Sur mon honneur,

Je reste confondu; cet état insensible,

Votre air froid, tout cela m'est incompréhensible;

Et si jusqu'à présent je ne vous avois vu

Un maintien raisonnable, un bon-sens reconnu,
Franchement je croirois, excusez ce langage...

SIDNE I.

Va, mon pauvre Dumont, je ne suis que trop sage,

DUMON T.

Et pour nourrir l'ennui qui vous tient investi,
Vous entretenez là votre plus grand ami;
Ce n'est qu'un philosophe : au lieu de cette épître,
Qui traite sûrement quelque ennuyeux chapitre,
Que ne griffonnez-vous quelques propos plaisants
A ces autres amis toujours fous et brillants,
Qui n'ont pas le travers de réfléchir sans cesse ?

SIDNE I.

Pour des soins importants à lui seul je m'adresse;
Tous ces autres amis, réunis par l'humeur,
Liés par les plaisirs, tiennent peu par le cœur ;
Et je me fie au seul que je trouve estimable:
L'homme qui pense est seul un ami véritable.

DUMON T.

Du moins en vous quittant je prétends vous laisser
En bonne compagnie. On vient de m'adresser
Une nymphe affligée, et qui, lasse du monde,
Cache dans ce désert sa tristesse profonde;
Cela sent l'aventure: elle veut, m'a-t-on dit,
De ses petits malheurs vous faire le récit ;

Outre qu'elle est en pleurs, on dit qu'elle est charmante.

Si cela va son train, gardez-moi la suivante;
Vous savez là-dessus les usages d'honneur.

Laisse tes visions.

SIDNE I.

DUMON T.

Des visions, monsieur!

C'est, parbleu ! du solide, et tel qu'on n'en tient gueres.
J'ai lâché pour nous deux quelques préliminaires;
Ne vous exposez pas à les désespérer,

Et pour tuer le temps laissez-vous adorer:

Irai-je en votre nom, comme l'honneur l'ordonne,
Leur dire...

SIDNE I.

Laisse-moi, je ne veux voir personne.

DUMONT,

Oh! pour le coup, monsieur, je vous tiens trépassé;
Vous ne sentez plus rien.

SIDNEI, se levant et emportant ce qu'il vient

d'écrire.

Attends-moi; j'ai laissé

Un papier important...

(Il sort.)

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