A votre estime encor, seigneur, je puis prétendre. Je ne farderai point l'aveu que je vous dois; Non, la vérité seule est la langue des rois : Souvent dans les combats le sang de mes ancêtres A coulé pour les rois vos peres et nos maîtres, Et le nom d'Arondel qui vit encore en moi Ne vous annonce pas l'ennemi de son roi. Au sein de ces honneurs qu'adore le vulgaire Je pouvois conserver un rang héréditaire ; Mais né libre, j'ai fui l'esclavage des rangs, Et j'ai laissé ramper les flatteurs et les grands: Spectateur des humains, citoyen de la terre, Pour vivre indépendant, je quittai l'Angleterre ; Et si, changeant de soins, je revois ce séjour, L'intérêt de l'état a voulu mon retour: En Norvege informé de la fuite d'Alzonde, Et d'une trahison qu'ici même on seconde, J'en venois à Vorcestre éclaircir les horreurs, Et j'arrivois enfin, quand j'appris ses malheurs. Je ne le défends pas des crimes qu'on m'annonce; Défendu par ses mœurs, sa vie est ma réponse : J'ai paru sans effroi ; plus stable que le sort, Vous connoissez la main, lisez, voyez, seigneur, Si les tourments sont faits pour qui vous en délivre, Et jugez qui des deux a mérité de vivre. ÉDOUARD. Que vois-je ? avec Volfax Aglaé conspiroit! ARONDE L. Son inflexible haine empêchoit Eugénie De confondre à vos yeux la noire calomnie. Mortel ami des cieux, vous que leur équité Vous verrez qu'Edouard est digne de l'entendre, Vorcestre est libre: allez, qu'il paroisse à mes yeux; SCENE IX. EDOUARD, VORCESTRE, ARONDEL, GARDES. ÉDOUARD. Vorcestre, paroissez : en vain la calomnie VORCESTRE. Si je pouvois changer, par cet opprobre insigne, Mais l'honneur se ressemble, et n'a qu'un sentiment. Un instant affermit ou renverse un empire. De traîtres investi, l'état veut en ce jour Des soins plus importants que les soins de l'amour: Peut seule en dévoiler les trames criminelles ; Mes ordres sont donnés, on doit... Mais la voici. SCENE X. EDOUARD, ALZONDE, VORCESTRE, ARONDEL, GLASTON, GARDES. ARONDEL. En croirai-je mes yeux ? c'est elle-même... ALZONDE. Arrête. Je te connois, je vois l'orage qui s'apprête; (A Edouard.) Toi qui fais ma disgrace et ma douleur profonde, Respecte ton égale, et reconnois Alzonde. ÉDOUARD. Alzonde! ALZONDE. A tes malheurs tu la reconnoîtras: Mais trop long-temps ici je contrains mon courage. Je sais comme un grand cœur doit fuir l'aspect d'un maître. ÉDOUARD. Gardes, suivez ses pas. |