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Il ramène la joie et fait cesser l'ennui;
Ton fils, qui par ce mets attire l'âme à lui,
La guide par ce mets, et l'allie à son père.
Ce mets de tous les biens est l'accomplissement;
Il est de tous les maux l'anéantissement :

Pour nous il vainc, il règne, il étend son empire;
Il soutient, il fait croître en sainte ambition;
Et pour dire en un mot tout ce qu'on en peut dire,
Il élève tout l'homme à sa perfection.

Il est le pain vivant et qui seul vivifie,
Il est ensemble et vie, et voie, et vérité;
Lui-même il nous départ son immortelle vie
Par les épanchements d'une immense bonté.
L'Eglise avec ce pain reçoit tant de lumière,
Que la nouvelle épouse efface la première
Par les vives splendeurs qui font briller sa foi :
La synagogue tombe, et périt auprès d'elle,

Et l'ombre de la vieille loi

Fait place au jour de la nouvelle.

Recreat et regenerat,
Et sibi mentem allicit,
Dirigit et confœderat;
Omne bonum exaggerat,
Et omne malum abjicit;
Vincit, regnat et imperat;
Auget, alit et perficit.

Vivus panis, et vitalis,

Via, veritas et vita,
Est hic panis immortalis,
Et bonitas infinita,
Quo refulget præmunita
Nova sponsa spiritalis.
Synagoga definita

Perit, et umbra legalis.

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295

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La manne a donc tari, le ciel n'en verse plus:
La figure cède à la chose,

Et le pain que Dieu nous propose,

D'un ciel encor plus haut descend pour ses élus
Si la manne eut cet avantage

Que des fils d'Israël elle fut le partage,

Ce pain est celui du chrétien.

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O chrétien, pour qui seul est fait ce pain mystique, Viens, mange, et puisqu'enfin c'est un pain angélique, Fais comme un ange, et montre un zèle égal au sien.

Passons de miracle en miracle :

Moïse met, au nom des tribus d'Israël,

Pour faire un prêtre à l'Éternel,

Douze verges au tabernacle;

Aaron y joint la sienne; elle seule y produit
Des feuilles, des fleurs et du fruit;

Par là du sacerdoce il emporte le titre :

Ix. Figurata fuit per virgam Aaron quæ habuit fructum præter opus naturæ. (Numerorum cap. XVII.)

Manna cessat, et cœlicus
Nobis panis proponitur ;
Panis verus vivificus
Nobis de cœlo mittitur;
Christianis comeditur1
Solis panis hic mysticus,
Quibus communis traditur
Verus panis angelicus.

Beatus tabernaculo

Moïses virgam posuit
Aaron, sed pro titulo
Sacerdotis quæ fronduit,
Floruit, fructum habuit,
Evidenti miraculo;

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1. Comeditur pourrait bien être une faute d'impression, pour conceditur,

qui se lit dans les éditions de saint Bonaventure.

Tout ce peuple n'a qu'une voix,
Et de ce même Dieu qu'il en a fait l'arbitre
Il accepte à grands cris et bénit l'heureux choix.

Quelle nouveauté surprenante!

La fleur sort de l'aridité;

Le fruit, de la stérilité;

Un bois sec reverdit; il germe, éclôt, enfante.
Où sont tes lois, nature, et que devient ton cours
Dans ces miraculeux retours

Qui rendent, malgré toi, l'impuissance fertile?
Et quel est le pouvoir qui ne prend qu'une nuit
Pour tirer d'une branche et séchée et stérile

Ces feuilles, ces fleurs, et ce fruit?

Ce fruit, et ces fleurs, et ces feuilles,
Pour étaler aux yeux un si nouvel effet,

N'attendent point que tu le veuilles :
Dieu le veut, il suffit, le miracle se fait;
Il est son pur ouvrage, et comme ce grand maître

Sacerdotis obtinuit

Jus Aaron in populo.

Ecce valde mirabilis

Res, et miranda novitas,

Floret siccitas sterilis,

Gignit sicca sterilitas :

Parturit virgæ siccitas,
Fructum profert, et fertilis

Efficitur ariditas ;

Non fuit ante similis.

Notat virga florigera,

Quæ naturæ non opere
Efficitur fructifera,
Sed puro Dei munere,

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Sans prendre ton avis toi-même t'a fait naître,
Sans prendre ton avis il renverse tes lois :
Un bois sec rend du fruit par son ordre suprême;
Par son ordre suprême, ô Vierge, tu conçois,
Et ta virginité dans ta couche est la même.

Elle est toujours la même, et ce grand souverain
En conserve les fleurs toujours immaculées,
Alors qu'il fait germer dans ton pudique sein
La fleur de la campagne, et le lis des vallées.
Ta prompte obéissance attire sa faveur
Qui te fait de la terre enfanter le sauveur,
Sans que ta pureté demeure moins entière;
Et cette obéissance, enflant ta charité,

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D'un amour tout divin fait comme une rivière
Qui s'épanche à grands flots sur notre aridité.

Un prophète promet une nouvelle étoile,
Du milieu de Jacob cet astre doit sortir;
Une verge nouvelle en doit aussi partir:

x. Figurata fuit per stellam et per virgam de quibus

Quod debebas concipere,
Virgo nova puerpera,
Et novum fructum parere,
Post partum virgo libera.

Ergo, virgo vere parens,
Germinasti campi florem;
Dei patris verbo parens
Mundi paris salvatorem,
Puritatisque decorem
Non amittis, sorde carens,
Charitatis fundens rorem,
Quo rigatur mundus arens.

De Jacob exoritura

Nova stella prædicitur;
Ex Israël nascitura

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L'une et l'autre a paru, l'une et l'autre est ton voile.
La verge d'Israël dont Moab est battu

Est un portrait de ta vertu,

Qui de tous ennemis t'assure la défaite;

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Et la fleur qu'elle porte est ton fils Jésus-Christ,
En qui d'étonnement la nature muette

Voit ce qu'elle attendoit et jamais ne comprit.

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L'étoile garde encor sa chaleur tout entière,
Bien qu'un rayon en sorte et brille sans égal;
La pureté de sa lumière

Fait toujours même honte à celle du cristal:
Ce rayon qui la laisse ainsi brillante et pure
De ton fils et de toi nous offre la figure;
De ce fils qui conserve en toi la pureté,

De toi qui le conçois sans souillure et sans tache,
Et qui gardes encor la même intégrité

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Quand même de tes flancs pour naître il se détache. 370

Verge mystique d'Israël,

prophetavit Balaam. (Numerorum cap. xxiv.)

Virga nobis ostenditur,

Per quam Moab percutitur :
Te præsignat hæc figura,
De qua virga producitur
Christus, mirante natura.

Ista stella clarissima,

Quam non violat radius,
Luce nitens purissima,
Crystallo fulgens clarius,
Te significat verius,
Virgo semper castissima,
Quam non violat filius,
Ex te nascens, mundissima.

Consurgens virga florida1

1. Il y a mystica dans l'édition de 1665. Nous rétablissons, d'après le texte

des éditions complètes de saint Bonaventure, florida, que veut la rime.

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