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XLVI.

Thécle Raci

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fons Religieufes, vint demeurer fur la fin & P. R. où elle a vécu fix ans profitant des bons exemples des Religieufes, & en donnant elle-même de grands.

En 1700. on perdit la Mere Agnès de fainte Mort de la Thécle Racine. Elle étoit tante de l'illuftre Mere fainte Poëte du même nom. Sa famille qui réfidoit ne, Abbefle, à la Ferté-Milon, eut connoiffance de P. R. & d'une autre par les premiers Solitaires de cette Maison, Religieufe. qui étant obligés d'en fortir, allérent fe ca

cher à la Ferté-Milon dans une maison amie.
M. le Maître étoit à la tête de ces fugitifs.
Ils édifiérent beaucoup la petite ville pendant
le féjour qu'ils y firent, & y laifférent beau-
coup de lumire. Les Religieufes de P. R. &
M. de faint Ciran y furent donc connus de ré-
putation. Plufieurs Dames fuivirent ces Mef-
fieurs lorfqu'ils retournérent à P. R. & fe lié-
rent avec le Monaftére de Paris. La jeune Ra-
cine qui n'avoit que neuf ans, y fut ame-
née pour être penfionnaire en 1635. Elle s'est
fouvenue toute la vie du bonheur qu'elle avoit
eu d'être vue de M. de faint Ciran qui lui avoit-
fouvent donné fa bénédiction, & lui avoit
fait le figne de la croix fur le front : & elle
ne doutoit point que ce ne fût là la fource de
plufieurs graces particuliéres que Dieu lui a
faites dans la fuite. Elle a été une très-ver-
tueufe Religieufe. Elle eft morte âgée de 74-
ans. Elle a été 20 ans Célériere
Prieure, & 12 ans Abbeffe depuis 1689 juf
qu'en 1700.

, 15 ans

En 1706. mourut la fœur Françoise de sainte Thérèse Maignart de Bernieres, fille du pieux M. de Bernieres dont il a été fait mention plufieurs fois dans cette Hiftoire. Elle fut élevée à P. R. depuis l'âge de quatre ans

& demi, & n'eft jamais fortie de la maison, où elle fit fa Profeffion dans le tems. On a remarqué en elle deux vertus capitales, favoir, un zéle fort grand pour inftruire les enfans & du dedans & du dehors, des vérités du falut, & une fimplicité dans l'obéissance qui étoit fans égale. Ces enfans du dehors étoient de pauvres petites filles qu'elle faifoit venir pour les catéchifer, furtout depuis qu'il n'y avoit plus d'enfans à inftruire au dedans, à caufe du renvoi des penfionnaires fait par ordre de la Cour en 1679. Lorsqu'elle étoit Sous-Prieure, elle ne vouloit régler rien, à moins qu'on ne lui ordonnât. Un jour pendant sa maladie, une four lui ayant demandé fi elle ne fouhaitoit point fe lever pour faire fon lit, elle répondit avec une candeur charmante: » Me lever, me coucher, & mourir; tout cela m'est égal.

La même année & dans le même mois XLVIT. > Mort de la moururent trois autres perfonnes très-refpec- Mere Abl effe tables de la Communauté, dont la mort qui Anne Boulard, fe trouva en concurrence avec le fignal donné & de deux pour la derniére perfécution, redoubla la conf- autres. ternation de la Maison.

La premiére eft la Mere Abbeffe Elizabeth de fainte Anne Boulard de Ninvilliers. Elle avoit fait fes vœux en 1652; & depuis elle a paffé par toutes les charges confidérables de la maison, dont elle s'eft acquittée au grand contentement de toute la Communauté, édifiant furtout par fa fincére humilité, & par fon exactitude exemplaire à tout. Elle a été Sacriftine, Maîtresse des Novices, Prieure, enfin Abbeffe. Elle a fait ufage de fa grande foi dans les différentes perfécutions qu'elle a eu à effuyer avec fa Communauté, & furtout

dans la derniére dont l'histoire va fuivre, & dans laquelle elle a eu la douleur de laiffer fes fœurs en mourant. Elle eft morte âgée de 79 ans. La Prieure fe mouroit dans le mêmetems que l'Abbeffe étoit à l'extrémité. C'est pourquoi celle-ci avant que de mourir nomma pour Prieure la Mere de fainte Anaftafie du Mefnil. On ne fit qu'un feul enterrement pour les deux Meres.

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J'ai trois anecdotes à rapporter à l'occafion de cette mort. La premiére eft écrite dans un Nécrologe manufcrit de P. R. » Plufieurs d'en» tre nous, dit ce Nécrologe, & même des perfonnes du dehors entendirent des chants » mélodieux par des voix claires & extrême»ment douces qui raviffoient ceux & celles qui les entendirent : ce que nous avons cru » une marque que Dieu nous vouloit donner de la béatitude, dont il devoit récompenfer la vie fainte & innocente de cette excellente Religieufe. J'ai trouvé dans un gros volume de Mémoires fur la deftruction de P. R. ramaffés par un vertueux Eccléfiaftique qui avoit été très-lié à P. R. ( M. l'Ab→ bé Pineau) qu'il avoit fçu d'une fille qui étoit alors dans la Maifon, que cette mélodie fut entendue à trois différentes fois, pendant la nuit dans laquelle mourut la fainte Abbeffe, & qu'à chaque fois les Religieufes couroient à l'infirmerie, penfant que ce qu'elles entendoient, étoit le chant des priéres qu'on faifoit autour de la Mere qu'elles fuppofoient morte: mais comme on ne trouvoit rien de tout cela à l'infirmerie, on s'en retournoit. Ce fut une heure après la troifiéme mélodie que la Mere expira. Le Lecteur en penfera ce qu'il voudra. J'ai cru devoir faire mention de cette merveil

le,comme j'en ai rapporté quelques autres dans le cours de cette Hiftoire. On me rendra cette juftice, que je l'ai fait fobrement ; & je puis affurer que j'en ai paffé d'autres,pour éviter l'affectation du merveilleux. Il n'y a rien au reste en cela d'incroyable. Pareille merveille eft rapportée dans Matthieu Paris pour la mort de Robert Evêque de Lincoln, qui mourut en 1253 dans la difgrace de la Cour de Rome, dont il avoit repris les abus.

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La feconde anecdote regarde l'Epitaphe qu'on mit fur la tombe de la Mere Abbefle. A la fin de l'Epitaphe on lifoit ces mots: Peregrinationis fua fini proxima, vidit fatanam expetentem forores, ut cribraret ficut triticum; vidit & fide plena rogavit, ut non deficeret fides earum ; & voti compos in pace quievit. Ce qui fignifie : » Sur la fin de fon pélerinage ici bas, elle vit fatan qui deman» doit à cribler fes fœurs, comme on crible »le froment; elle le vit ; & pleine de confian» ce en Dieu, elle pria que leur foi ne défail»lit point. Elle eut la confolation de voir l'ef

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fet de fes prières, & fe repofa en paix. Après que la tombe fut pofée, on fit réflexion que cette phrafe pourroit faire du bruit. On la changea, & on fubftitua ces mots : Vidit forores nova jamque extremâ tempestate a&tas ; vidit, &c. Elle vit fes fours engagées dans » une nouvelle tempête qui a été la derniére. «e' Cependant l'Epitaphe de la premiére façon avoit déja tranfpiré dans le public. Les ennemis de P. R. firent leur délation en Cour. Le Roi donna ordre au Cardinal de Noailles de vérifier la chofe. Les Prêtres de faint Nicolas. du Chardonnet qui étoient les Emiffaires de la cabale molinienne à P. R. examinérent de près l'Epitaphe, & s'apperçurent qu'en effet la

premiére phrafe avoit été gravée fur la tombe, & que la feconde avoit été écrite après coup fur l'autre, dont on avoit rempli les lettres de maftic. Le Cardinal envoya un Sculpteur qui ôta avec le ciseau l'endroit tout entier, & laiffa la place biffée & fans écriture.

La troifiéme anecdote eft que lorfqu'en 1711. on fit l'exhumation des corps après la deftruction de la Maifon, le corps de la Mere Boulard fut trouvé entier.

Vingt-quatre heures après la Mere Abbcffe, la Pricure mourut, Françoife-Madeleine de fainte Julie Baudrand; elle fut enterrée dans la même foffe. On l'éprouva au commencement de fa Profeffion, en la mettant auprès d'une perfonne difficile d'humeur. Sa patience & fa douceur compatiffante s'y manifeftérent. Elle a paffé fucceffivement dans les emplois de Célériére, de Touriére, d'Infirmière, enfin de Prieure. Elle les a remplis avec une diligence parfaite, quoiqu'ils fuilent tous fort laborieux. Hors les tems deftinés à fes emplois, elle s'occupoit toujours à la lecture, ou a la prière, ou à l'écriture, ou au travail des mains. Elle a été éprouvée par de grandes infirmités & des maladies confidérables. Sa patience a toujours édifié. Dans fa derniére maladie, elle s'occupoit perpétuellement de Dieu, & indiquoit aux foeurs les plus beaux endroits de l'écriture dont elle les prioit de lui faire la lecture.

Enfin cinq ou fix jours après, on perdit la four Elizabeth de fainte Agnès le Féron. Elle avoit été mise à l'âge de fept ans dans la maifon, & avoit été élevée par la fœur AnneEugénie Arnauld. Elle étoit née pour la vie active; & les talens de l'efprit que la nature lui avoit donnés, l'aidérent à bien remplir cette

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