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on leur fignifia un nouvel Arrêt du Confeil d'Etat, portant qu'elles rendroient compte de l'emploi des bois coupés & vendus, avec défenfe d'en couper vifs ou morts. On leur en avoit fignifié un autre le 23 Juillet, qui ordonne que la fomme qui leur doit revenir d'un legs de M. l'Abbé de Pontchâteau fera mife en Séqueftre, pour en faire emploi. Quelle vigilance, quelle préfence d'efprit, quelle activi té de part & d'autre pour faire face à tout; d'un côté pour la pourfuite d'une entreprise auffi étrange, & de l'autre pour l'exercice d'une jufte défense !

feffion de P.

Château - Re

Les voies de fait parurent aux Religieufes XIX. de Paris un moyen plus court de terminer. Ainfi Prife de pofla Dame de Château-Renaud, Abbeffe de P. R. des R. de Paris, prit le parti, fans attendre la Champs par confommation de toutes les procédures, d'al- la Dame de ler fe mettre en poffeffion de P. R. des Champs. naud, Abbefle Elle s'y tranfporta le 1. Octobre avec deux de P. R. de Religieufes de fa Maifon & deux Notaires. Paris. Les Notaires fe préfentérent & firent annoncer l'Abbeffe de P. R. La Mere Prieure fe rendit au parloir, où elle n'ouvrit point le châffis de la grille. L'Abbeffe demanda s'il n'y avoit pas moyen de fe voir, & la pria d'ou vrir. La Mere répondit que la Régle ne le permettoit pas. La Dame répliqua qu'entre Religieufes on pouvoit en ufer autrement. II eft vrai, Madame, répondit la Mere Prieu→ re, mais j'ai entendu des voix d'hommes. Les hommes s'étant retirés, la Mere ouvrit la toile de la grille & leva fon voile. La Dame Abbeffe lui déclara qu'elle venoit avec un ordre de M. l'Archevêque, qui enfuite de la Requête qu'elle lui avoit présentée, lui avoit permis de fortir de fon Couvent, & enjoignoit

aux Religieufes des Champs de la recevoir comme Abbefle. Elle ajouta qu'elle fuppofoit que toute fa Communauté étoit dans la difpofition d'obéir à leur Supérieur commun. La Mere Prieure répondit que toute la Communauté étoit appellante à Lyon de tout ce qui avoit été ordonné à leur préjudice dans l'affaire préfente; qu'elles n'ignoroient pas l'obéiffance qu'elles doivent à M. l'Archevêque ; mais que dans les affaires contentieuses, les Saints Canons & les Loix avoient réglé la conduite que doivent tenir les inférieurs envers leurs Supérieurs. La Dame dit alors qu'elle étoit munie d'un Arrêt du Parlement, qui déclare la Bulle de partage nulle & abusive, & tout ce qui s'étoit fait en conféquence pareillement nul: qu'ainfi les choses étoient à préfent dans le premier état d'une unique Abbaye qui ne fait des deux maifons qu'une feule Communauté ; qu'ainfi elle vient comme Abbefle fe faire reconnoître de fes filles de P. R. des Champs. La Prieure répliqua que cet Ar rêt étoit obtenu par défaut, & qu'elles y étoient oppofantes; que maintenant elle s'oppofoit tant en fon nom qu'en celui de fes fœurs à tout ce qu'elle entreprendroit. La Mere crut devoir aflaifonner d'une politeffe fa proteftation, & dit à l'Abbeffe que fi l'on pouvoit féparer Madame de Château-Renaud d'avec I'Abbeffe, elle fe feroit un plaifir de rendre à fa qualité & à fon mérite ce qui leur eft du, & de la recevoir dans fa maison le plus honorablement qu'il lui feroit poffible.

Oh! pour cela non, reprit la Dame; & elle appella les Notaires. Alors prenant le haut ton, elle fit fonner le droit qu'elle avoit de déposer la Prieure, lui reprochant en même

tems qu'elle étoit rebelle à toute autorité. A quoi la Prieure répondit modeftement, que tout le monde n'en penfoit pas de même ; qu'au refte elle Prieure avoit fait profeffion sous une Abbesse élective, & qu'elle n'en connoifloit point d'autre. Les Notaires cependant dreffoient leur procès-verbal: après qu'ils l'eurent achevé, ils en firent la lecture; & comme ils y parloient de rompre les portes, l'Abbeffe les arrêta, & dit que ce n'étoit ni fon intention ni fon goût; qu'elle avoit des voies auffi sûres & plus convenables dont elle fe ferviroit. La Mere Prieure fit fa réponse fur le procèsverbal, qui confiftoit en une oppofition qu'elle faifoit pour elle & pour fa Communauté. Elle le figna, & les Notaires lui laifférent copie de l'acte.

:

La Dame alla de ce pas à l'Eglife y prendre poffeffion elle toucha felon l'ufage les principaux endroits, & en dernier lieu elle fit la cérémonie de fonner la cloche. Comme les gens de fa fuite prirent la cloche après elle, & fe mirent à fonner à tour de bras, un domestique de la maifon les avertit qu'en tirant de la forte ils la cafferoient. Mais ils ne tinrent point compte de l'avis & continuérent. Le domeftique toujours en peine pour fa cloche monta promptement au clocher, & coupa la corde. Au fortir de l'Eglife l'Abbeffe alla aux appartemens de la cour d'ou elle fe tranfporta à la ferme des Granges pour continuer fa prife de poffeffion. Elle dîna aux Granges avec les Notaires. Ceux-ci après le dîner tirent la copie de leur procès-verbal; & lorfqu'elle fut faite, ils defcendirent pour la remettre à la Mere Prieure, qui de fon côté leur préfenta un acte d'acquiefcement de la

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XX.

part de toutes les Religieufes à l'oppofition qu'elle avoit faite, & requit qu'il fût ajouté à la fuite du procès-verbal; ce que les Notaires refuférent. La Dame Abbeffe partit des Granges pour aller coucher à faint Cyr, où le lendemain elle rendit compte à Madame de Maintenon de fon voyage & de fon expédition. Il y eut dans le tems deux Relations de ce voyage; l'une de la part des Religieufes, l'autre de la part de la Dame. Les Religieufes donnérent encore des apoftilles fur la Relation de la Dame. Du refte il n'y a point de différence confidérable entre les deux récits. Celui de l'Abbeffe ajoute un dernier trait, favoir, que Madame de Maintenon après avoir entendu le rapport de l'Abbeffe, lui demanda en fouriant, fi elle avoit fenti étant à P. R. des Champs cette onction » qu'on difoit s'y faire fentir de tous ceux qui y abordoient ; & que l'Abbeffe lui réspondit qu'elle n'avoit rien fenti de particu

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lier; que d'ailleurs elle n'étoit point affez » bonne pour éprouver ces fortes de mou » vemens. "La Dame obtint un Arrêt du Confeil daté du 8. Octobre, qui enjoint aux Religieufes des Champs de reconnoître pour Abbeffe la Dame de Château-Renaud, de lui ouvrir les portes, de lui remettre en main tous les titres, &c. Elle ne fit point cependant ufage de cet Arrêt qu'elle avoit fait fignifier à la maison des Champs le 19. Elle fe contenta de faire publier fur les lieux, que tous les Fermiers euffent à fe rendre à Paris pour remettre leurs baux.

Tous les événemens qui ont précédé, étoient M. d'Argen-des préliminaires : nous voici arrivés à la fon apporte à Porte grande catastrophe. Elle confifte dans la difP. R. les or

perfion

perfion de toutes les Religieufes, & dans la dres de laCous deftruction de la maifon & de tous les bâti- pour l'enlèvemens. L'enlèvement des Religieufes fe fit le ment desReli29. Octobre, le Mardi devant la Touffaint, gieufes. Ce jour à fept heures & demie du matin, les Religieufes à la fortie de la Meffe, qu'elles avoient entendue après Prime, étoient allées au Chapitre fuivant la coutume. On vint faire fortir la Mere Prieure pour aller promptement au parloir; c'étoit pour parler à un homme qui étoit accouru des bois, pour avertir à la Maifon qu'il venoit plufieurs caroffes. Un moment après arriva M. d'Argenson, Confeiller d'Etat & Lieutenant de Police accompagné des Commiffaires Cailli & Borton, du fieur Gaudin Greffier,& de quelques Exempts & Archers à cheval. En entrant, il fit donner la clef de la porte du dehors à un garde qu'il y plaça. Il pofta auffi un Archer à la porte du Tour, un à la porte de l'Eglife, & ainfi des autres lieux où il pouvoit y avoir communication. Il avoit donc amené main-forte avec

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lui; grand nombre d'Archers, gens de pié,
gens de cheval, comme s'il s'étoit attendu d'y
trouver quelque réfiftance. Il n'y avoit pas
cependant d'apparence de la part d'une Maifon
telle que P. R. c'étoit affurément une terreur
panique fi cependant c'étoit une terreur, &
non pas plutôt une malice affectée, afin de
décrier la Maison encore par cet endroit, en la
faifant paffer pour une maifon portée à la ré-
volte & à la fédition, capable d'embarraffer
le Gouvernement par des coups de mein. On
voyoit fur les hauteurs & autour des mûrs de
la Maifon des troupes de Cavaliers : ils é-
toient au moins deux cens. Toutes les ave-
nues jufqu'à une demie lieue étoient gardées par
Tome III.
I

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