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rence pour fa femme de fouffrir toujours l'enfant dans la maison. La mere retira fes filles de P. R. à l'âge de 15. ou 16. ans, parce que la Mere Angélique ne les jugea pas propres pour la Maifon ; & de l'avis de M. de faint Ciran, elle les envoya aux Filles de fainte Marie de Poitiers; où elles ont fait profeffion dans la fuite apportant 24000. liv. de dot les deux, fans compter 40000. liv. de bienfaits que la Mere a données à cette Maifon, quand elle fe fit Religieufe à P. R. Ce Couvent de Poitiers étoit fort régulier.

pour

C'eft ainfi que Madame de Chazé a vécu dans le mariage pendant le cours de trente années. M. de Chazé mourut en 1648. dans de grands fentimens de piété. Il fut enterré dans l'Eglife de P. R. comme il l'avoit défiré. Car deux ans auparavant paffant avec fa femme près de P. R. à fon retour de Dauphiné, il lui dit qu'il falloit prier la Mere Angélique de leur donner une place dans l'Eglife pour y bâtir une Chapelle: » Quand je ferai mort, lui dit-il, vous y ferez Religieufe: c'eft pourquoi je fouhaite d'y être enterré, afin » de n'être point féparé de vous. » Ce dernier trait joint à ceux qui ont précédé fait fentir quel homme étoit M. de Chazé, & combien il étoit digne par fa folide piété d'avoir une époufe telle que Madame de Chazé.

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VIII.

veuve.

Dèfqu'il fut mort, elle penfa à profiter de fon état de liberté pour fuivre fa premiére voElle fe fait -cation. Elle demanda à entrer à P. R. pour y P. R. étant Religieufe à être Sœur Converse. La Mere Angélique lui en fit d'abord refus. Elle avoit fcrupule de retirer du monde une Dame auffi chrétienne, qui pouvoit y être tant utile. D'ailleurs la jeuneffe de M. fon fils qui n'étoit point encore établi,

tenoit la mere elle-même en fufpens. Au bout d'un an, elle demanda qu'il lui fût permis aumoins de demeurer dans le dehors de P. R. La Mere Angélique lui donna un petit trou pour le loger auprès des Touriéres. La pieuse veuve y paffa un an, vivant fort pauvrement & vêtue de même, couchant toute habillée, n'ayant perfonne avec elle pour la fervir, & s'occupant à prier & à affifter les pauvres. La feconde année elle obtint la permission de paffer la journée au dedans; elle étoit toujours dans la Cuifine pour aider à l'ouvrage. Enfin elle repréfenta que c'étoit une peine pour les Sœurs de lui ouvrir la porte le foir & le matin pour entrer & pour fortir; & qu'il n'y avoit aucun inconvénient qu'elle y demeurât la nuit comme le jour. Ce qui lui fut encore accordé.

Dans ces entrefaites, fon fils qui étoit Confeiller au Parlement de Mets, vint à Paris pour un mariage qui fe préfentoit. La mere qui n'avoit pas oublié le vœu qu'elle & fon mari avoient fait à fon fujet, redoubla fes priéres à cette intention pour recommander à Dieu l'affaire. Elle fut exaucée, & l'affaire se rompit par une maladie qui prit en chemin au jeune Magiftrat, & qui en peu de tems le conduifit à la mort. C'étoit un crachement de fang qui devint une maladie de poitrine. Elle eut la confolation de le voir pénétré de sentimens de piété, & réfolu s'il revenoit en fanté, de fe retirer dans une folitude. Elle ne le quit» toit point, l'exhortant à s'abandonner à la » miféricorde du Seigneur avec une grande » confiance, l'affurant qu'elle confacreroit le → reste de sa vie à la pénitence, pour fuppléer à >> celle qu'il ne pouvoit point faire, n'en ayant » pas le tems.

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Lorsqu'il fut mort, la Mere Angélique fit entendre à Madame de Chazé que fi elle vouloit être Religieufe, il falloit qu'elle fût Sœur de Chœur & non Sœur Converse. Elle accepta la propofition, fe mit à apprendre à dire le Bréviaire, & entra au Noviciat à la Maifon des Champs, où elle paffa 17. mois traitée comme les autres Novices, éprouvée par toutes les petites humiliations du Couvent, fans qu'on usât d'aucun ménagement à fon égard. La Mere Angélique ayant changé d'avis, & fouhaitant qu'elle füt fimplement Converse on ne fait point pour quelle raifon ni par quel motif, la Dame propofa d'aller à Poitiers & de fe retirer dans le Monaftére où elle avoit encore une fille vivante, penfant que la Régle lui conviendroit mieux, vu le peu de force qu'elle avoit. La Providence décida la chofe tout au contraire de ce que vouloient & la Mere Angélique & Madame de Chazé. Celleci fe laiffa malheureufement tomber & fe caffa la cuiffe: elle eft reftée impotente de cette chute: enforte qu'il fallut demeurer à P. R. Elle prit l'habit en 1658. à l'âge de 62. ans & fit fa profeffion au bout de l'année. Avant fa profeffion, elle difpofa de fes biens par un teftament. Elle donna 18000. liv. à un Couvent de Beauvais, où elle avoit trois niéces ; 23000. liv. à P. R. & 40000. liv. à Poitiers: le refte de fon bien fut destiné à doter de pauvres filles qui entrérent dans des Couvens.

IX.

Elle étoit réduite à demeurer ou dans fon lit ou fur une chaife: elle n'en fortoit que ses vertus, pour se faire conduire à l'Eglife pour y entendre la Meife, & quelquefois au Chapitre pour y dire fa coulpe. Elle n'a jamais témoigné le moindre ennui de fon état, quoiqu'elle ne pûr

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X.

Bourneau

Touriére du

recevoir des Sœurs que des vifites fort rares. Elle édifia beaucoup par fes vertus, & furtout par fon humilité. Elle ne voulut jamais aucune préférence, non pas même pour le spirituel : elle recevoit tel Confeffeur qu'on vouloit lui donner, & il ne lui est jamais arrivé d'en demander aucun en particulier. A l'approche des grandes Fêtes elle pratiquoit une retraite enticre durant quelques jours: alors elle mettoit à la porte de fa cellule un petit billet, par lequel elle prioit les Sœurs de ne point entrer & de la laifler dans fa folitude. On a vu ailleurs avec quelle foi & quelle magnanimité elle répondoit, foit à M. de Péréfixe, foit à la Mere Eugénie de fainte Marie, qui la follicitoient pour la fignature, & la menaçoient du refus des Sacremens & de la fépulture. Mais Dieu lui épargna cette derniere épreuve, l'ayant laiffée en vie jufqu'à la paix de l'Eglife. Elle mourut le 6. Décembre 1669.

En 1670. la Maison perdit une Demoiselle Mort de Ma- qui avoit eu l'humilité & la générofité de ferdemoiselle vir gratuitement les Religieufes en qualité de Touriere pendant 17. ans. Elle fe nommoit dehors à P. R. Elifabeth Bourneau, & étoit née d'une famille noble. Elle paffa fa jeunesse dans une piété prématurée, & dans les bons offices qu'elle rendit pendant un nombre d'années à un pere & à une mere qui eurent de très-grandes maladies. Après que Dieu eut difpofé de fes parens, elle prit la réfolution de quitter le monde. Elle vint à P. R. de Paris dans le deffein d'y être Religieufe. Comme c'étoit dans une conjoncture où la place du Tour demandoit une perfonne qui eût bien de la conduite & beaucoup de fageffe, & que l'on crût appercevoir ces rares qualités dans la Demoiselle, on la pria d'ac

cepter l'emploi du Tour. Elle le fit malgré l'oppofition de fa famille & l'extrême répugnance qu'elle avoit elle-même pour un emploi fi contraire à fon grand amour pour la retraite & le filence. Elle s'en acquitta avec une fatisfaction parfaite de la Maifon. Elle y montra furtout une grande charité pour les pauvres; ce qui étoit capital pour une Touriere dans l'efprit des Meres. Non feulement elle les affiftoit, les confoloit, follicitoit pour eux les aumônes de la Maison; mais encore elle fupportoit fans impatience & les murmures & les reproches qui ne font que trop ordinaires aux pauvres gens.

Elle fut chaffée de la Maifon par les mêmes ordres qui enlevérent les Meres dans des Couvens étrangers. Se voyant ainfi hors d'état de fervir la Communauté,elle ne voulut point lui être entiérement inutile. Elle prit auprès d'elle plufieurs pauvres filles qu'on avoit auffi chaffées du Monaftere: elle vivoit avec elles dans une parfaite union & une exacte régularité. La Demoiselle Bourneau fe levoit des trois heures du matin pour réciter l'Office Divin, & paffoit toute la journée dans le travail des mains, pour fournir à fon entretien & à l'affistance des pauvres. Lorfque la paix fut rendue à la Maifon, elle y revint & demanda à être reçue en dedans: mais elle fouhaita garder toujours la derniere place qu'elle avoit prife. C'est pourquoi elle fe contenta de vivre avec les Religieufes fans prendre l'habit. Elle vécut ainfi 13. mois. Dans le dernier tems de fa vie elle eut beaucoup d'infirmités,qu'elle diffimuloit autant qu'il lui étoit poffible, afin de n'être point obligée de retrancher rien de fes jeûnes, de fes veilles & de fon travail. Mais il fallut cé

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