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point de faire l'éloge de fa prifonniere. On en a auffi plufieurs de la Supérieure des Filles-Dieu de Chartres, qui rend un témoignage très-avantageux à la four fainte Gertrude du Valois qu'elle avoit chez elle. Ceci fuffira pour réfuter quelques calomnies groffieres, fi cependant elles valent la pein d'être réfutées, qu'on fit courir fur quelques-unes d'entr'elles, favoir, qu'on avoit trouvé dans les hardes de ces filles des Romans des comédies & des livres d'amourettes. Eft-il d'ailleurs vraifemblable que ces filles qui auroient été capables d'un tel dérangement, euffent fourré en partant ces fortes de livres dans leurs paquets, qu'elles n'ignoroient pas devoir être bien vifités à leur arrivée dans leur Maifon d'exil?

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Pour ce qui eft des obfervances de la Régle de P. R. les Religieufes exilées s'y font rendues le plus fidelles qu'elles ont pu l'être dans des maifons étrangères où les obfervances font différentes. Les unes fe font aftreintes au maigre, parce que la Communauté le trouvoit bon; les autres ne s'y font point attachées auffi fcrupuleufement, prévoyant qu'elles cauferoient par-là quelqu'embarras à la Maison. Quant au refte, comme la ferge, le coucher fur la dure, le grand office, les jeûnes & autres pratiques femblables, elles les ont continuées comme elles faifoient à P. R.

2. On peut dire qu'en général elles ont été XXXIII. traitées dans toutes les Maifons avec affez Conduire des d'égards, dans quelques-unes même avec beau- Maifons & des Supérieures coup de bonté & de liberté. Mais commu- envers lesExinément elles ont été extrêmement gênées, pour lées. la fociété, & d'ailleurs vexées & fatiguées horriblement pour la fignature. Comme l'on craignoit la féduction pour les Religieufes de

la Maifon, on ne permettoit point aux Captives d'avoir commerce avec elles. C'eft ainfi qu'on a agi perfévéramment avec toutes les Religieufes de P. R. qui n'ont pas figné;& avec celles qui ont figné, pour le tems qui a précédé leur fignature. L'Abbeffe de P.R. de Paris n'en a pas ufé avec tant de bonté que les Supérieures des Maifons d'exil. Elle étoit tenue de payer la penfion & de fournir aux befoins des Sœurs exilées de P. R. des Champs. Elle rempliffoit fort mal cette obligation, & s'eft attirée fouvent des plaintes & des lettres de reproche des Maifons cu ces bonnes filles étoient placées. A fon défaut la Providence fufcita une vertueufe Demoiselle de Paris, Mademoiselle de Joncourt, autant connue par fon zéle pour les bonnes œuvres & par fes grandes qualités, que par fon attachement à la vérité & fon eftime pour P. R. Elle fe rendit la Mere commune de toutes les Captives, & pourvoyoit très-attentivement à tous leurs befoins. C'étoit par le canal de M. d'Argenfon que les envois le faifoient; & le Magiftrat s'y prêtoit avec beaucoup d'humanité. On a quantité de lettres, foit des captives elles-mêmes, foit des Supérieures des Couvens, dans lesquelles elles remercient la Demoifelle de ce qu'elle a envoyé, & en accufent la réception; des ferges, des ratines, des tuniques, des fcapulaires, des livres, &c. Et, ce qui eft à remarquer, c'étoit à celles-même qui avoient figné, comme à celles qui demeuroient fermes, que la Demoifelle donnoit ces fecours, comme on le voit évidemment par la date des lettres.

Le Cardinal de Noailles comme Supérieur naturel de ces filles, les a toujours tenues dans l'interdit des Sacremens, tant qu'elles ont perfifté dans le refus de la fignature, & les Evê

:

ques des lieux où elles étoient exilées se font conformés à fes intentions, foit pendant la vie des fœurs, foit à la mort. Mais ce qui eft furprenant, & ce qu'on aura peine à comprendre, c'eft que toutes les fours Converses excepté une, quoiqu'elles n'euffent point été interdites de la Communion à P. R. parce qu'on ne leur demandoit point la signature, fe font trouvées condamnées à un pareil interdit dans les maifons où elles étoient difperfées enforte que pour être admises aux Sacremens, il a fallu auffi qu'elles fignaffent. On ne voit pas quelle raifon on a pu avoir d'aggraver leur joug à cet égard dans leur état de captivité. Etoit-ce de l'aveu du Cardinal; ou bien les Evêques Diocéfains faifoient-ils cela de leur chef? C'eft ce qu'on ne fait pas. Comme dans cette malheureufe affaire tout étoit politique, rufe, détours, ne pourroit-on pas croire que pour groffir le nombre des fignatures aux yeux du public, on aura voulu faire figner les Converses auffi-bien que les fœurs de Choeur, afin qu'elles fiffent nombre: auquel cas il aura fallu, pour les y forcer, employer la voie de la privation des Sacre

mens.

Un autre point fur lequel il eft encore affez difficile de deviner la raison qui a fervi de motif, c'eft le déplacement qui s'est fait affez fubitement des foeurs Converses, placées d'abord dans des Couvens du Diocèfe de Paris, & transférées enfuite dans d'autres qui n'en étoient pas, Senlis, Rouen, Beauvais, &c. quoique ce fuffent des filles d'un caractére à contenter tout le monde par tout ou elles étoient, fuivant les témoignages qu'on leur en a rendu. Ne feroit-ce point encore la même vue qu'on fe feroit propofée : Le Car

XXXIV.

Récit de la

dinal a voulu exiger de ces pauvres Converfes la fignature qu'il n'en avoit point exigée auparavant, & n'ofant pas cependant prendre fur lui-même une telle variation, les aura fait paffer fous d'autres Evêques, qui auront fuppofé qu'il falloit les traiter comme les autres fœurs & faire leur condition pareille. Ce ne font que des conjectures : mais elles ne font pas fans vraisemblance. Paffons au troifiéme article, qui eft celui des fignatures.

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3. On publia l'année fuivante de l'enlévement les fignatures dé prefque toutes les Sœurs captivité de la exilées. Il en courut dans le monde deux reMere de Ste cueils: le premier parut en 1710 de l'Impri

Anaftafie
Prieure.

merie Royale, fans la garantie d'aucune perfonne, fi ce n'eft d'un anonime qui y avoit mis une préface: Le fecond fut donné au public en 1711 par M. le Cardinal de Noailles qui avoit mis à la tête une lettre affez lonque qu'il avoit écrite aux fœurs de P. R. non foumifes, & dans laquelle il leur prêchoit la fignature, tant par fes raifonnemens ordinai

res

, que par l'exemple de leurs fœurs qui s'étoient rendues. Le premier de ces recueils d'abord ne mérite affurément aucune créance par bien des endroits; mais furtout par celuici, favoir, qu'il préfente feize fignatures qui ne font pas toutes des mêmes perfonnes dont Lelui de M. le Cardinal préfente les fignatuces. Il est évident que ce Cardinal étoit plus au fait que l'anonime puifque c'étoit lui qui préfidoit à toute cette opération. Comment donc auroit-il ignoré en 1711 des figna- ́ tures qui auroient été connues de l'anonime en 1710? Au refte l'un & l'autre de ces recueils fouffrent de grandes difficultés. Je les expoferai, après que j'aurai fait l'hiftoire de

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deux des foeurs qui n'ont point figné de l'aveu des recueils; la Mere fainte Anastasie Prieure, & la fœur Madeleine de fainte Gertrude du Valois.

La Mere Prieure fut releguée à Blois chez les Urfulines où elle eft morte en 1716; elle y a mené une vie fort auftére. La premiére année de fon féjour à Blois, la Supérieure ayant défense de la laiffer aller au chauffoir commun durant l'hyver, lui offrit du feu dans fa chambre. Elle le refufa d'abord, mais l'obéiffance l'emporta fur fon grand zéle pour la pénitence. Elle jeûnoit toute l'année hors les Dimanches & le tems Pafcal. Elle ne demandoit jamais rien. Sa joie étoit de manquer de quelque chofe, enforte qu'il falloit prévenir fes befoins. Elle étoit très-reconnoiffante, & le témoignoit à chaque fervice qu'on lui rendoit. Elle obtint qu'on ôtât le matelas de fon lit, les draps de toile & le lit de plume; & elle coucha toujours fur la paillaffe & dans des draps de ferge. Elle affiftoit à l'oraifon, & aux offices. Elle paffoit toute la journée dans fa chambre ou dans l'Egli fe. L'après-midi elle demeuroit deux heures devant le faint Sacrement; & fe relevoit la nuit pour donner un tems confidérable à la même dévotion. Son tems étoit partagé depuis quatre heures du matin qu'elle fe levoit jufqu'à huit heures du foir qu'elle fe couchoit, entre des priéres, de bonnes lectures & de petits travaux des mains. Depuis le lever jufqu'à huit heures du matin, elle vaquoit uniquement aux exercices de piété. Cette conduite édifiante & uniforme jointe à fon caractére de douceur & à fa grande humilité, la firent admirer de fes hôteffes, quoique d'ail

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