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XXXVIII.

Jui écrivoient, fervoient d'argument contre elle; auffi-bien que les avis de plufieurs grands hommes qu'on lui faifoit paffer. L'Evêque, le Supérieur de la Maison, un M. Truchis fameux convertiffeur des Sœurs exilées à Autun, ami de l'Evêque qui le fit venir à Chartres ne lui donnoient point de repos.

L'Evêque voyant enfin qu'il ne gagnoit rien, Sa tranfla- la fit transférer à Mante, comptant beaucoup tion à Mante. fur la Mere Chartonnet des Séraphins, Supéguliére fur la rieure des Urfulines de Mante, qui étoit celle

Rencontre fin

Loure.

qui avoit fait faire à la Sœur Euphrafie la fi gnature dont nous parlerons dans peu. Elle eut dans le chemin de Chartres à Mante une avanture fort finguliere. Un foir la Sœur étant dans une chambre d'une Auberge avec une femme fa gardienne, arrive à l'auberge une jeune Demoiselle d'environ dix-fept ans à fon air. Elle étoit dans un grand équipage, vêtue magnifiquement, richement parée, garnie de pierreries. Elle monte à la chambre, fans que perfonne ofe l'arréter. Elle entre, tire la Sœur en particulier un peu loin du lit où la garde s'étoit jettée pour fe repofer, & commence à lui parler des affaires de l'Eglife avec tant de dignité, que la Sœur l'écouta toute interdite fans ofer parler. Elle n'ouvrit pas la bouche, ni pour lui répondre, ni même pour lui demander ce qui l'amenoit, qui elle étoit, &c. Dans la fuite du difcours la Demoifelle lui apprit beaucoup de faits qu'elle ne favoit pas, étant fortie en 1709 de P. R. Entre autres nouvelles, elle lui en apprit de la Conftitution Unigenitus qui étoit nouvellement arrivée. Enfin elle l'encouragea à demeurer ferme, quoique les hommes lui puffent faire. L'entretien fut de trois quarts d'heure ; après quoi la Demoi

felle fe retira. Lorsqu'elle fut partie, la Sœur fe trouva également émerveillée & confolée : elle fut cependant fâchée de n'avoir pas profité de cette rencontre, pour s'informer de l'état de fes Sœurs & autres chofes intéreffantes. Cette heureuse rencontre ne fortit point de fon efprit; & dans toutes les attaques qu'elle eut à effuyer à Mante, dès qu'elle fe fentoit un peu ébranlée, c'étoit affez qu'elle fe reflouvînt de la Demoiselle de l'auberge, pour qu'elle fe trouvât fur le champ confolée dans fes peines & fortifiée dans le combat. Elle avoit toujours cru, jufqu'à fon retour à Paris en 1716, que c'étoit une perfonne que les amis de la vérité lui avoient envoyée pour fa consolation. Mais tous ceux à qui elle en parla alors lui déclarérent qu'ils ne favoient ce que c'étoit ni de près

ni de loin. Ainfi la Demoiselle est demeurée inconnue jufqu'à préfent, & felon les apparences le fera toujours.

En 1716. fous le Gouvernement pacifique de M. le Régent, des amis penférent à la foeur de Mante & le propoférent d'obtenir

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fon retour dans le Diocèfe de Paris. Son Alteffe Séréniffime Madame la Princeffe voulut bien fe déclarer la protectrice. On ne put point obtenir la grace entiere de M. le Cardinal, qui ne voulut point la rappeller dans fon Diocèfe, apparemment à caufe qu'elle n'avoit point figné, & qu'elle étoit la feule qui ne lui eut pas obéi. Mais il fut convenu de l'envoyer à l'Abbaye de l'Etrées, Ordre de Citeaux, Diocèse d'Evreux. On le lui écrivit. Comme ce transport dans un lieu inconnu ne lui plut pas beaucoup, elle écrivit une lettre à M. le Cardinal pour lui repréfenter modeftement la fatisfaction qu'elle auroit d'être pla

XXXIX.

Sa tranfla

tion à Paris & à l'Etrées.

cée dans fon Diocèfe, & pour lui demander inftamment la grace de la Communion dont elle étoit privée depuis neuf ans. Elle eut grande attention à ne laiffer échapper rien dans fa lettre, qui pût faire croire qu'on l'ameneroit à la fignature. Madame la Princeffe obtint de M. le Cardinal qu'on fit paffer la Religieufe par Paris, & qu'elle y demeurât quelque tems. Une vertueufe Dame, Madame de R.... s'offrit d'aller la retirer de Mante. Elle y alla avec l'obédiance, & amená la fœur à Paris, & la garda incognito chez elle pendant trois jours, parce qu'on étoit occupé à faire lever par le Cardinal fon interdit des Sacremens. Ce fut le Pere Polinier de fainte Geneviève qui fut employé auprès du Cardinal pour ce fujet. Il s'y prit fort bien : il demanda au Cardinal fes Pouvoirs pour confeffer & communier la fœur. Le Cardinal voulut y mettre quelque condition. Le Pere en homme habile, lui fit la révérence, & lui dit, en riant qu'il n'entendoit point tout cela, mais qu'il s'en alloit avec fes Pouvoirs. La Religieufe fut conduite aux Hofpitaliéres de faint. Marceau, pour être à portée de voir le Pere & de fe confeffer à lui. Elle étoit logée dans le dehors, connue feulement de la Supérieure & d'une Religieufe. Elle demeura huit jours dans cet hofpice, fe confeffa au Pere, & alla un jour à quatre heures du matin à fainte Geneviéve où le Pere la communia. Madame la Princeffe voulut enfuite l'avoir auprès d'elle, & obtint du Cardinal qu'elle pallat quelque tems au Calvaire du Luxembourg. Alors l'incognito fut levé tout le monde la vit librement. La Princeffe lui prêta même fon ca roffe pour aller voir fes fœurs de P. R. dans

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les maifons où elles avoient été ramenées, foit à Paris, foit aux environs. On fut très-édifié de fa modeftie; car elle parla fort peu de ce qui s'étoit paffé dans fes exils ; & encore moins de la fignature de toutes fes fours. La même Dame qui l'avoit ramenée de Mante, la conduifit à l'Etrées. On l'y attendoit non fans quelque petite peine de la part des Religieufes qui craignoient un peu & fa qualité de Religieufe étrangére & la note de Janfénifte qu'elle portoit. Cependant comme c'étoient de bonnes filles, la Dame n'eut pas de peine à les tranquillifer. La fœur trouva une Maifon dont l'Abbeffe avoit dix-huit ans, & la plus âgée des Religienfes trente-cinq. Elle y devint fort utile & par fes exemples & par la lumiere qu'elle porta à ces bonnes Religieufes, qui n'étoient pas fuffisamment inftruites, même fur l'efprit & les devoirs de la vie vraiment Religieufe. La jeune Abbeffe donna dans la fuite un grand exemple d'humilité. Elle eut le courage de fe démettre de fon Abbaye, & fe retira dans une Communauté de Paris, où elle a fait fon Noviciat, & y eft demeurée fimple Religieufe. L'Evêque d'Evreux, M. le Normant, celui-là même qui étoit Official de Paris en 1709, & qui avoit prononcé la Sentence de deftruction contre P. R. voulut inquiéter la Maifon de l'Etrées, qui étoit de fon Diocèfe, comme je l'ai marqué il difoit qu'il ne fouffriroit pas dans fon Diocèle qu'une fille rebelle à l'Eglife fût dans la participation des Sacremens.Madame la Princeffe lui fignifia qu'elle prenoit la Religieufe & le Couvent fous la protection; qu'ain

elle le prioit de les laiffer tranquilles, lui repréfentant d'ailleurs que fa confcience n'en

XL.

étoit point chargée, parce que la Maifon de l'Etrées n'étoit pas fous la jurifdiction de l'Ordinaire. Les chofes en demeurérent-là. On a une lettre du P. Quefnel à la fœur en 1717 en réponse à celle qu'elle lui avoit écrite. La lettre du P. Quesnel eft très-touchante. Elle a eu auffi la confolation de voir M. le Cardinal bien revenu à fon fujet : il s'eft fouvent recommandé à fes prières, & lui a fait présent de fon Inftruction de 1719. La vertueufe fœur eft morte à l'Etrées en 1723.

A ces deux fœurs de Choeur qui n'ont point Difcuffion figné, il faut joindre une Converse, nommée des fignatures fainte Aurélie Noifeux, qu'il convient de vraies ou prétendues des retrancher des dix-neuf, qu'on nous donne Religieufes de pour figneufes. La Supérieure de la CongrégaP. R; & d'a- tion de Compiègne où elle avoit été transférée bord de la de faint Denis fon premier lieu d'exil, attefta voife. dans une lettre imprimée dans le premier recueil,

fœur Boicer

que l'Evêque de Soiffons, Evêque Diocéfain de Compiegne, ne lui avoit point demandé de fignature, & l'avoit laiffée dans le libre ufage des Sacremens qui ne lui avoient jamais été interdits. Auffi M. le Cardinal de Noailles ne fait point mention d'elle dans fon recueil des fignatures. Cela fuppofé il ne faudra compter que dix-huit fignantes tout au plus: fur quoi il convient auffi de retrancher les fix autres Converfes qui ne doivent point figurer dans cette affaire, puifque jamais on ne les y avoit fait entrer & dont les fignatures données vraisemblablement fans aucune connoiffance de cause, doivent être regardées comme non avenues, & ne pas entrer en ligne de compte. Ce qui réduira à douze le nombre effectif des Religieufes converties, c'eft-à-dire, qui après avoir refufé long-tems de figner, s'y font à

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