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la fin rendues. Or ce font ces douze fignatures qu'il s'agit maintenant de difcuter.

On peut d'abord demander fi ces douze fignatures font toutes bien réelles, & fi l'on peut ajouter foi à ceux qui les préfentent. A Dieu ne plaife que ce foit fur le Cardinal de Noailles que l'on jette les foupçons du côté de la fincérité. Le bon Cardinal les a crues fans doute très-réelles. Mais il pourroit bien avoir été trompé par ceux qui lui ont envoyé les certificats, & qui ont dreffé les récits. Il faut bien qu'il y ait eu en tout ceci quelque malfaçon. Car pourquoi après la fignature extorquée ou furprife aux Religieufes, leur at'on refufé de leur donner copie de l'acte ? C'eft de quoi nous trouverons la preuve plus bas. Que rifquoit-on de leur mettre en main, & de leur laiffer voir ce qu'elles avoient figné. fi on agiffoit dans la bonne foi, & fi on ne les trompoit pas? D'ailleurs quand même le nom de la Religieufe auroit été réellement au bas du Formulaire tel qu'il eft, ce ne feroit point encore affez pour affurer qu'elle a figné le Formulaire : il faut de plus qu'on foit bien certain qu'elle a fçu ce qu'elle fignoit qu'elle a feu qu'elle fignoit le Formulaire. Or c'eft ce qui eft fort douteux par rapport aux deux premiéres du recueil de M. le Cardinal de Noailles la fœur Anne de fainte Cécile Boicervoife, & la four Marie de fainte Euphrafie Robert. Voici les raifons de douter. La premiére étoit une fille de 86 ans, extrêmement fourde, & qui fatiguée d'ailleurs du voyage & de l'accident arrivé au caroffe qui avoit verfé & l'avoit laiffée dans la boue tomba malade de la maladie dont elle est morte trois jours après fon arrivée à faint Iu

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lien d'Amiens. Pendant ces trois premiers jours elle tint ferme contre l'Evêque d'Amiens par deux fois, & refusa conftamment la fignature. Ce n'eft que dans fa maladie qui a été fort courte, qu'on prétend qu'elle a figné entre les mains de l'Evêque. Celui-ci dans la lettre qu'il écrit au Cardinal de Noailles, avoue qu'il » n'a eu le tems de la voir que très-briève»ment, que même le premier jour de fa ma

ladie il la vit, & la preffa de figner fans » aucun fuccès; qu'enfuite on vint le cher» cher promptement, qu'il la trouva difpo» fée à figner, & qu'il lui grifonna vite fur » un papier à peu près ce qu'elle devoit dire » pour fatisfaire à la Bulle de N. S. P. le Pape » & au commandement de M. le Cardinal de » Noailles fon Archevêque.

De toutes ces circonftances rapprochées & combinées il n'en réfulte pas certainement une évidence parfaite pour la réalité de la fignature du Formulaire. D'abord ce n'eft point le texte même du Formulaire qu'elle a foufcrit : elle a figné un papier que l'Evêque dit avoir grifonné vite. Une fille fourde, décrépite malade à l'extrémité, peut fort aifément se méprendre fur la valeur des termes d'un acte qu'on lui fait figner, qu'elle ne lit point elle-même d'autant plus que dans le tems qu'elle eft plus à elle avant fa maladie, & dans le cours. de fa maladie, elle perfévére dans le refus de figner: & c'eft dans l'accablement de la maladie qu'elle fe rend, feulement dix-fept heures avant que d'expirer. Car la lettre du Couvent de faint Julien qui contient le récit ampoulé de cette triomphante fignature, dit que la færur ne commença à être ébranlée. que la veille de fa mort à deux heures après:

» midi;» & l'Evêque dans fa lettre à M. Pollet attefte qu'elle eft morte à fept heures du matin. Ce qui augmente beaucoup d'ailleurs les fufpicions, c'eft l'affectation avec laquelle on' donna alors au public une longue lettre anonime contenant le récit de cette merveilleufe converfion; lettre envoyée à l'Abbeffe de P. R. de Paris par une Religieufe qui ne met pas fon nom. Quelle raifon a-t'on pu avoir de faire narrer & attefter par un anonime des faits de cette conféquence? Qui empêchoit la Religieufe du Tiers-Ordre de faint Julien d'Amiens, qui prend cette qualité au bas de la lettre, de faire précéder fon nom? Le mystére n'eft pas difficile à pénétrer. La lettre viliblement n'eft point de la Religieufe: ni le ftile, ni les chofes, ni les fades railleries fur la grace efficace, ne conviennent point à une fille. L'on fçut dans le tems que c'étoit un Jésuite. qui en étoit Auteur : on nommoit même tout haut le P. Lallemant. Or quel fonds peut-on faire fur une telle autorité ?

La feconde eft la four Marie de fainte Eu-'

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XLI.

phrafie Robert exilée à Mante Diocèle de Signature de Chartres, autre fille décrépite. Elle étoit alors la Sour Steâgée de 84 ans, & avoit des reftes confidé- Euphrafie Korables de plufieurs attaques d'apoplexic, une bert. efpéce d'enfance, des accès de vapeur très-violens, où elle perdoit toute mémoire & ne faifoit pas grand ufage de fa raifon. Cet état, teľ que je le décris, étoit connu & notoire. Ce qui fit dire dans le tems aux perfonnes qui connoifioient la fœur, que l'hiftoire de fa fignature étoit plus qué ridicule. Le Procès-verbal dreffé pour conftater fa fignature, avoue qu'il a fallu lui conduire la main pour figuer fon rom: ce qui montre qu'à fes autres infirmi

que

tés fe joignoit celle de fa vue qui étoit fort baiffée. Auffi la lettre qu'on a d'elle au Cardinal de Noailles pour lui faire fa foumiffion, eft écrite d'une main étrangére. Je demande fi une perfonne dans cet état peut être déclarée fans hésitation, faine d'efprit & de jugement, comme le porte le procès-verbal ; & dès la fincérité du procès verbal deviendra fufpecte fur cet article, ne la feroit-elle pas für d'autres avec quelque fondement ? Mais en laiffant le procès-verbal pour ce qu'il est, je demande encore, Qui nous affurera qu'on n'a pas choifi ces momens de vapeurs pour lui parler de fignature? Dans cette hypothèfe on aura pu lui faire entendre que ce qu'elle fignoir n'étoit qu'un témoignage de refpect & de déférence envers les Supérieurs, pour ne point s'élever contre leur décifion. Nous avons vu ailleurs la Mere Agnès elle-même, la Mere Prieure & d'autres en parfaite fanté fe méprendre ainfi fur ce qu'on vouloit leur faire. promettre ; par exemple, fur cette indifférence qu'elles entendoient tout autrement que ceux qui la propofoient, comme elles l'ont ellesmêmes protefté. A plus forte raifon peut-on foupçonner pareille chofe dans une infirme de l'efpéce de celle-ci. Ce que nous venons de dire de ces deux fignatures, donne droit de conclure qu'il eft pour le moins à craindre. que toutes les fignatures dont on triomphe fi hautement, ne foient défectueufes par l'endroit. le plus effentiel, c'eft-à-dire, que la vérité y manque, & que dans l'intention de celles qui ont ligné, ce ne foit point la fignature du Formulaire. Ce qui confirme ce foupçon général, ce font toutes les autres fauffetés avé-. rées qu'on a débitées fur ces filles. Une d'en

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tr'elles exilée à Nevers, attefte» que non-feu»lement elle eft elle-même étonnée de tout. ce qu'on lui fait dire dans les relations, mais » que tout le Couvent même où elle eft en eft furpris; toutes les Religieufes étant témoins, » dit-elle, que cela n'eft point véritable. Elles

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ne fçauroient s'en taire, continue-t'elle, & » le difent même tout hautement au parloir: par exemple, on lui impute d'avoir fait » une Confeflion générale après fa fignature; d'avoir dit en communiant, qu'elle regar» doit cette Communion comme la premiére Communion, & d'avoir eu un cierge à la » main en allant à la fainte Table; d'avoir » écrit à M. le Cardinal de Noailles qu'elle renonçoit à fes anciens fentimens, d'avoir » dit mille bonnes chofes dans l'entrevue de » M. l'Evêque: :: » tous faits abfolument faux. Mais le faux eft nettement décidé fur l'article le plus important par ces paroles de la mê-me forur, dans les lettres de confiance écrites après fa fignature, & qui fübfiftent encore. » J'ai bien du regret, dit-elle, de n'avoir pas eu la copie de notre fignature: » car elle étoit bien différente de celle qui eft » imprimée.

XLIT.

Nouvelles

Suppofons maintenant la réalité de ces fignatures. I refte à voir quel cas on doit en faire, fi elles ont été faites librement, fi elles réflexions fur font des marques non équivoques de leurs les fignatures fentimens, fi la main a été bien d'accord avec des exilées.. le cœur, fi les motifs religieux qui les avoient empêché jufque-là de figuer, n'ont pas toujours fubfifté. Car il eft vifible que fi elles n'ont pas été convaincues en fignant, que la fignature étoit innocente & légitime, ce qui refultera de leurs foufcriptions ne fera qu'un

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