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XVIII.

Mrs les Princes fes enfans, de fon douaire, de fes penfions. Elle continua fes grandes aumônes après toutes les reftitutions faites: elle alloit aux befoins les plus preffans; elle en a envoyé jufqu'en Afrique & aux Indes, les confiant à des Miffionnaires defintéreffés. Elle réduifit le plus qu'elle put le nombre de fes domeftiques & en fit régler les appointemens. Elle veilloit toujours à ce que Mrs les Exécuteurs Teftamentaires de fon mari, poursuivilfent l'affaire des reftitutions qui lui étoient perfonnelles, fuivant le plan dreffé avant fa mort. Son œconomie & fon attention à ménager les dépenfes, alla jufqu'à lui faire fupprimer celle d'un Service folemnel avec oraifon funébre, qu'il fembloit qu'elle devoit à la mémoire de fon mari au bout de l'an. Sur l'avis de M. d'Alet elle fe contenta d'en faire dire un fans cérémonie dans un Couvent, où elle alla paffer quelques jours à cette intention : d'autant plus que ce devoir étoit déja fuffilamment rempli par le Service que Madame de Longueville avoit fait célébrer, & où M. de Cominges avoit fait l'oraison funébre.

Elle avoit prié M. d'Alet de lui envoyer les Sa vie reti- réglemens de fa maison, afin de les prendre rée, & fes pour la fienne & de les y faire pratiquer. Eile autres vertus. devint par-là l'admiration de la Cour & l'édifi

cation de tout le Royaume. On ne parloit que
des grands exemples de vertu qui fe voyoient
dans fa maison. Tant il eft vrai qu'une vertu
folide & qui fait tenir bon contre les contra-
dictions, fe fait à la fin refpecter des contra-
dicteurs même. Elle n'avoit pas quitté la Cour ;
mais elle n'y alloit que fobrement, & autant
que
la bienséance le demandoit.Elle demeuroit
retirée & folitaire dans fon domestique, foit

à Paris, foit à la campagne, où elle paffoit la plus grande partie de fa vie. Cette vie de veuve chrétienne ne lui avoit fait perdre rien de la magnanimité qui lui étoit naturelle. Elle en faifoit ufage quand l'occafion le requéroit. Elle favoit foutenir le rang & l'autorité dont elle étoit dépofitaire, contre des puiffances qui" vouloient y donner atteinte. Elle faifoit obferver les loix civiles & Eccléfiaftiques dans fes terres, & les loix militaires dans le Régiment du Prince fon fils aîné. Elle protegeoit les foibles, & ne craignoit pas de fe compromettre avec lesMiniftres les plus accrédités : elle alloit droit auRoi dans ces rencontres ; & Sa Majesté qui refpeétoit fa vertu, n'ofoit lui rien refufer. Auffi quand elle étoit en Cour on auroit dit qu'elle tenoit tout en refpect: fa présence fermoit la bouche à la boufonnerie & à la calomnie.

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Une premiére penfée qui lui vint dans fa pieufe folitude, fut de fe confacrer à Dieu par -le vœu de chafteté, comme elle avoit voulu faire au commencement de sa converfion. Elle en parla à fon Confeffeur, l'Abbé de la Vergne, homme d'une grande piété, dont je pourrai donner la vie parmi les Serviteurs de Dieu qui ont été amis de P. R. fans y avoir jamais demeuré. Ce vertueux Directeur approuva le deffein de la Princesse, auffi bien que la propofition qu'elle lui fit de faire un vœu entre fes mains, Il fallut confulter M. d'Alet fuivant la loi qu'on s'en étoit faite. Le Prélat n'en fut point d'avis: il dit qu'il valoit mieux » pour une perfonne encore jeune, prati» quer librement la vertu, que de s'expofer à

la tentation du repentir; furtout n'y ayant >> aucune néceffité; puifque de fa part elle n'a

» voit aucune inclination pour le mariage, & que d'ailleurs elle n'étoit pas d'une condition »à craindre qu'on la preffât à fe remarier : & il

دو

ajouta que pour la maniére de faire le vœu » entre les mains du Confeffeur, quoiqu'il » n'improuve pas ceux qui en agiffent ainsi, » cependant cette pratique n'eft pas de fon » goût, & qu'il n'aime point ces liaisons fpiri»tuelles de Confeffeur à pénitente. » On ne s'étonnera pas après cela, qu'elle ait rejetté les propofitions & les inftances même qui lui furent faites pour un fecond mariage de la part d'un grand Prince, dont l'alliance l'auroit élevée encore au deffus de ce qu'elle étoit ayant le Prince de Conti pour époux. La Princeffe étoit auffi affidue aux Offices de la Paroiffe qu'une fimple bourgeoife:elle étoit à la tête de toutes les bonnes œuvres qui s'y faifoient. Elle vifitoit même les pauvres malades; & elle difoit qu'elle trouvoit en cela des confolations & des délices, qui équivaloient à des Royaumes & à des Empires. On l'a quelquefois furprise baifant des ulcéres qui faifoient horreur, & il n'y eut que la crainte d'être louée, & l'impoffibilité de le faire fans être vue, qui l'empêcha de continuer. Elle furmonta généreufement l'oppofition naturelle qu'elle avoit à prendre foin de plufieurs chofes & de plufieurs perfonnes qui étoient felon le monde fort au deffous d'elle: & elle defcendoit dans ce détail avec une vraie joie.

M. Fontaine dans fes Mémoires la loue fpécialement fur un article, qui eft fon grand éloignement du menfonge & de la médifance,

Elle ne pouvoit fouffrir, dit-il, que l'on pa dît rien devant elle, même en riant, qui Féloignât le moins du monde de la vérité...........

» Elle ne pouvoit non plus fouffrir la moindre >> ombre de médifance, ni les railleries & les >> moqueries qui peuvent porter quelque pré» judice à l'honneur d'autrui. » Quant à cet amour de la fincérité, dont je viens de parler, la vie de M. d'Alet nous en fournit un trait. Elle écrivit une fois à ce Prélat, pour le confulter fur les complimens qu'il eft d'ufage de faire à des Abbés que le Roi nomme à des Evêchés. Elle avoit du fcrupule fur ces fortes de complimens, parce que fouvent on fait que tel qui eft nommé, n'eft guére digne de l'être, & que c'eft mentir, que de féliciter un homme d'une chofe, à laquelle intérieurement on n'applaudit pas. Elle demandoit donc à M. d'Alet, comment elle feroit dans ces occafions. La réponse fut qu'elle avoit raifon de se faire une peine de ces complimens de congratulation, mais qu'on pouvoit les tourner de telle maniére qu'ils ne bleffaffent point la fincérité : qu'il ny avoit qu'à dire, par exemple, qu'on priera Dieu qu'il faffe la grace à la perfonne de fe bien acquitter de fa nouvelle charge.

XIX.

Son appli cation à l'édu

La vertueule yeuve faifoit fon capitale de l'éducation des deux Princes fes enfans,le Prince de Conti, & le Prince de la Roche-fur- cation de fes Yon; préférant ce devoir à la fatisfaction enfans. qu'elle auroit bien voulu fe procurer de fe renfermer dans un Couvent. Aulli elle favoit gré à M. d'Alet de l'avoir arrêtée dans le deflein qu'elle avoit eu de bâtir & de fonder un Couvent de Carmelites, qui l'auroit bien tenté de s'y établir au préjudice de fa grande obliga tion. Elle étoit toujours auprès des Princes, & quelque part qu'elle allât, elle vouloit auffi les avoir toujours avec elle. Sa conduite envers cux faifoit profpérer les foins que prenoient

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les maîtres. » Outre cette grande vigilance » elle favoit joindre, dit M. Lancelot, l'au» torité à la douceur, & elle avoit le don de fe faire craindre fans bruit & aimer fans af»fectation. Elle ne leur témoignoit jamais fa » tendreffe par des careffes baffes, & elle ne >> vouloit point qu'on leur pardonnât les fautes » qui regardent les mœurs; plus ferme fur cet » article que toute fa maison, & que

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fon Con-.

feffeur même. » On peut juger du tempérament de bonté qu'elle favoit joindre à cette falutaire fermeté, par une petite rencontre qui arriva la veille de fa mort. Ces jeunes enfans étant venu la voir dans fon lit, après les petits complimens de condoléance, fe mirent à jouer & à s'amuser comme des enfans › qui ne comprennent pas la grandeur de la perte que ceux-ci alloient faire: ils couroient l'un après l'autre & faifoient du bruit: quelqu'un voulut les faire taire, de crainte que la mere n'en fût incommodée. Cette bonne mere quoique mourante, dit à la perfonné: » Laislez, laiffez-les : c'eft l'heure de leur divertiffe»ment: il est jufte que ces pauvres enfans >> jouent.

Elle vouloit, dit encore Monfieur Lancelot, qu'ils euffent toujours quelqu'Ange » vifible auprès d'eux, foit de jour, foit de » nuit, foit à la chambre, foit à l'Eglife, foit » dans les divertiffemens, foit dans les visites, » & enfin jusque dans les néceffités les plus fe»crettes..... Elle avoit foin de bien choifir

les perfonnes qui approchoient Mrs fes en» fans. Elle ne leur donnoit point de valets-de» chambre qu'ils n'euflent été formés & éprouvés dans la maison & dont elle ne fût » très-sûre ; & pour les valets-de-pied, elle

apportoit

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